Consommateur : responsable ou victime d'un système
Le consommateurs est- il schizophrène dans ses actes d'achat ? Il veut tout : des prix bas, la sécurité et la qualité des aliments. Certains le disent responsables de la malbouffe, d'autres accusent un système néo-libéral. A Brézillet le 5 décembre, devant un public nombreux, la présence de Jean-François Kahn a électrisé les débats de "Regards croisés".

Le consommateur est-il bouc-émissaire ou responsable de ce que certains appellent la malbouffe. Les uns pensent oui, les autres pensent non. Car on parle bien de malbouffe. Qu'on se le dise, cocorico, en France, nous sommes les meilleurs en terme de sécurité alimentaire. "Au top", insiste Gérard Boivin, agronome et économiste, ancien PDG du groupe Bel. Tous les spécialistes, professionnels et journalistes présents au débat, organisé par la chambre d'agriculture des Côtes d'Armor, s'accordent sans exception sur la qualité sanitaire des aliments présents dans nos assiettes. "Le standard n'a cessé de se relever. Le lait standard est de haute qualité", pointe Olivier Allain, président de la chambre d'agriculture. "Depuis ces 20 dernières années en Bretagne, il n'y a pas eu de scandale sanitaire", confirme Patrice Moyon, journaliste à Ouest-France. Le consommateur peut donc manger à belles dents, sans arrière pensée.
Il n'y aurait que de mauvais comportements alimentaires, qui découlent du mode de vie et/ou du manque de pouvoir d'achat. Qu'est- ce qui est bon et donne du plaisir à moindre coût ? "Le sel, le gras et le sucre", répond l'ancien patron du groupe Bel, administrateur à l'Anses et président de la com- mission Qualité-nutrition de l’Ania. Citant une étude de "60 millions de consommateurs", il pointe le fait que le consommateur a bien une part de responsabilité.
Le néo-libéralisme des centrales d'achat
Oui mais voilà, face au consommateur lambda, il y a un animal à sang-froid, qui compte et amasse du pouvoir au sein même de l'Etat. C'est en tout cas, ce que le journaliste et homme politique Jean-François Kahn dénonce sous le terme de néo-libéralisme. "En 1959, j'étais tout petit journaliste dans les rues de Paris, il y avait un farfelu qui vendait des artichauts en direct : il s'appellait Leclerc", raconte pour l'anecdote Jean-François Kahn. "Du libéralisme, nous sommes passés à un système de centrales d'achat, produit de la financiarisation. C'est du néo-libéralisme". Selon lui, il y aurait bien une double centralité au sein de l'Etat. Ce cartel de la grande distribution exerçant une pression sur les marges des entreprises et des producteurs, "impute l'investissement et l'innovation", partage Patrice Moyon.
Des pratiques cachées
Face à l'attente des consommateurs, distributeur et grande distribution s'adaptent, rusent. La guerre des prix bas peut conduire à des pratiques que le consommateur ignore. Cela va des salaisonniers français qui achètent le porc à l'étranger et refusent l'étiquetage d'origine des viandes ; les marques européennes de textile qui font fabriquer les vêtements dans des pays où les droits du travail sont baffoués... "On ne veut pas que le consommateur sache", remarque Patrice Moyon.
Chacun y va de sa solution pour que les Bretons (producteurs, fournisseurs, consommateurs) captent de la croissance économique, de la marge et du revenu pour les actifs. La qualité des aliments et la santé pour Gérard Boivin ; la recherche et l'innovation pour Patrice Moyon ; la nécessité de réguler les marchés pour Olivier Allain ; la construction d'une Europe unifiée sur un plan fiscal et social pour Jean-François Kahn ; les opportunités de marchés à l'échelle mondiale pour Christian Troadec, maire de Carhaix. Chacun détient un bout de la solution.
La question des investisseurs chinois à Carhaix
L'intervention de Christian Troadec n'a pas laissé le public indifférent. Ce dernier a évoqué, en plus de l'usine de fabrication de lait infantile (en cours de construction), "l'implantation d'une banque chinoise", "la création d'un réseau pour l'arrivée d'autres usines". "Nous saisissons toutes les opportunités. Je fais mon travail d'élu", justifie-t-il. Question de la salle : l'arrivée d'investisseurs chinois tirera-t-elle le prix du lait vers le haut ? Les producteurs de lait verront-ils leur revenu augmenter ? "Je l'espère", a répondu le maire de Carhaix.
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