Arrêt de la castration à vif : quelles implications pour les élevages de porcs alternatifs ?
Depuis le 1er janvier 2022, la castration à vif des porcelets est interdite. L’option mâle entier devient la règle de base. Les éleveurs gardent cependant la possibilité de continuer à castrer à condition de prendre en charge la douleur, ou de réaliser l’immunocastration. Selon les modes de production et de commercialisation, ces alternatives sont conditionnées à une contractualisation. Le point sur les filières alternatives concernées.

C’est acté ! Depuis le 1er janvier 2022, les éleveurs n'ont plus la possibilité de pratiquer la castration à vif des porcelets. Cette exigence est valable quelle que soit la taille de l’élevage, le mode de production ou de commercialisation. La bombe à froid, parfois utilisée par le passé pour prendre en charge la douleur en élevage biologique, n’est plus considérée comme suffisante par la nouvelle réglementation. Les éleveurs porcins vont donc devoir adapter leurs pratiques en tenant compte des diverses spécificités d’un élevage alternatif.
Plusieurs options possibles
Trois alternatives majeures à l’arrêt de la castration à vif s’offrent à eux : la production de mâles entiers, la castration chirurgicale avec prise en charge de la douleur et l’immunocastration.
L’immunocastration est un procédé qui consiste à neutraliser les hormones responsables des odeurs par l’intermédiaire d’une vaccination. Pour le moment, cette méthode séduit peu et est d’ailleurs faiblement utilisée sur le territoire français toutes filières confondues. Elle est interdite dans certains cahiers des charges, comme en agriculture biologique.
Certains éleveurs, notamment en production biologique, se sont déjà lancés dans la production de mâles entiers qui présente certains avantages notamment une meilleure valorisation de l’aliment que les mâles castrés, permettant d’améliorer l’indice de consommation et de contribuer à la diminution du coût de production. Mais, cette alternative comporte également des limites, notamment liées au risque de carcasses odorantes. Des leviers d’action existent pour réduire les odeurs (génétique, adaptation des conduites d’élevage, gestion de la litière par exemple), mais ne seront accessibles qu’à une partie des éleveurs. En revanche, les spécificités inhérentes aux filières alternatives et aux circuits courts rendent difficiles la gestion des risques au niveau de l’élevage. Les porcs sont généralement abattus plus âgés et plus lourds, donc avec une maturité sexuelle qui augmente fortement le risque d’odeurs. Certains éleveurs travaillent aussi avec des races locales prisées par les restaurateurs. Elles sont souvent plus grasses et donc plus susceptibles d’être odorantes. La production de mâles entiers avec ces races locales va être difficile.

Une formation obligatoire pour la castration
La castration des porcs mâles avec prise en charge de la douleur reste l’option qui sera probablement la plus fréquente dans les élevages alternatifs.
Les éleveurs autorisés à pratiquer la castration des porcelets en routine ont l’obligation de se former et de respecter un protocole de prise en charge de la douleur. Toute personne amenée à castrer des porcs (éleveurs, salariés) devra suivre une formation constituée de deux modules.
Un premier module théorique en e-learning (disponible sur le site de l’Ifip, durée de 40 à 50 min) permettant de visualiser les gestes techniques liés à l’acte de castration et à l’administration des anesthésiques et analgésiques. Toute personne amenée à castrer des porcs - éleveurs et salariés - devra suivre ce module. Il peut être suivi individuellement ou en groupe si présence du vétérinaire. Le module théorique devra être complété par un module pratique réalisé par le vétérinaire référent sur le site d’élevage.
Prise en charge de la douleur
Alors, comment castrer les porcelets ? L’acte de castration devra être réalisé durant les sept premiers jours de vie du porcelet. Au-delà, le vétérinaire devra intervenir. À ce jour, seul un protocole à base de Lidocaïne et de Méloxicam a été validé et est consultable sur le site internet de l’Ifip. Le Méloxicam est un analgésique à injecter en intramusculaire dans l’échine du porcelet tandis que la Lidocaïne est un anesthésiant à injecter dans chaque testicule. Un délai d’attente de cinq minutes au moins est à respecter entre l’injection de la Lidocaïne et l’acte de castration.
Si la formation est prise en charge par l’État, il n’en va pas de même pour les frais liés aux actes de castration, induits par les médicaments ou les équipements de contention requis, sans compter le temps de travail supplémentaire.
Contractualisation
Les pratiques de la castration avec anesthésie ou l’immunocastration ne peuvent cependant se faire que sous certaines conditions ! En effet, ces pratiques sont conditionnées soit au respect d’un cahier des charges imposé pour l’obtention d’un signe d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo) tel que le Label Rouge dont le cahier des charges interdit la production de mâles entiers. Les élevages en production biologique ne sont pas concernés par cette mesure, le cahier des charges n’imposant pas la castration. Soit sous réserve d’une contractualisation entre l’éleveur et son acheteur (organisation de producteurs, boucher, abatteur…), si une exigence de qualité est justifiée et sous conditions de seuils de chiffres d’affaires. Concernant la deuxième condition, la signature d’un contrat entre les deux parties (d’une durée de 3 ans minimum) devient ainsi obligatoire si le chiffre d’affaires d’un éleveur généré par la vente de ses porcs est supérieur à 10 000 € par an ou bien si le chiffre d’affaires d’un l’acheteur lié à la vente de viande de porc est supérieur à 780 000 € par an. Selon le ministère de l’agriculture, la contractualisation a pour objectif de "sécuriser les éleveurs sur le plan économique". Concrètement, la majorité des "petits" élevages ne seront probablement pas concernés par la contractualisation. Une autre exception est prévue : les élevages en vente directe, mode de commercialisation fréquent en filière alternative. Pour ces élevages, il est possible de castrer avec prise en charge de la douleur en pouvant argumenter sur la nécessité de le faire. Cela est notamment le cas pour les éleveurs en race locale Porc Blanc de l’Ouest dont le débouché est uniquement la vente directe.
De nombreuses questions sont toujours d’actualité, concernant notamment les contrats et la répercussion des coûts liés à l’anesthésie vers le maillon aval et vers les consommateurs.
La castration en porcs bio
La production biologique ne rentre pas dans le cadre de l’autorisation de castrer au titre du respect d’un cahier des charges imposé pour l’obtention d’un signe de qualité. En bio, la castration n’est pas obligatoire, certains éleveurs ont opté pour le mâle entier. Un éleveur de porcs bio qui commercialise ses porcs en filière longue peut continuer de castrer avec prise en charge de la douleur, suite à la demande de son acheteur et logiquement avec un contrat spécifique.
Les traitements anesthésiques et analgésiques en lien avec la prise en charge de la douleur lors de la castration sont assimilés à des traitements obligatoires. Ils ne sont donc pas comptabilisés dans le nombre limité d’interventions allopathiques de synthèse. L’immunocastration est interdite en production biologique.
Le projet Farinelli
Afin d’accompagner au mieux les producteurs bio dans l’évolution de leurs pratiques plusieurs programmes de recherche sont en cours, dont le projet Casdar Farinelli. L’objectif de ce projet, lancé le 1er janvier 2020 pour une durée de 42 mois est d’une part, d’améliorer la prise en charge de la douleur lors de la castration et d’autre part, s’intéresser aux pratiques d’élevage permettant de réduire les risques d’odeur des viandes issues de porcs mâles entiers et valoriser au mieux leurs carcasses.
Ne pas négliger la sécurité de l’éleveur !
En élevage alternatif, la truie n’est pas systématiquement bloquée lors des soins aux porcelets, c’est notamment le cas en élevage plein air. Dans ce type de configuration, il faut veiller à ce que les opérateurs puissent réaliser la castration en toute sécurité. Des aménagements et une nouvelle organisation sont donc à mettre en place : éloigner la truie en lui distribuant de l’aliment, emporter les porcelets à distance du parc maternité… à chacun sa technique !