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Des produits phytosanitaires retrouvés dans le pollen, les abeilles et la cire

En Bretagne, de mars à mai, période identifiée à risque car concentrée en traitements agricoles et pendant la floraison du colza, quels sont les produits qui reviennent à la ruche ? C’est la question initiale posée par le groupe de travail du projet Survapi constitué d’agriculteurs et d’apiculteurs professionnels. Le colza est en effet, la première ressource disponible en quantité au printemps et permet le démarrage des colonies. Des échantillons de pollen, de cires et des butineuses ont été prélevés chaque semaine et analysés pour répondre à cette question.

Photo prise sur rucher lors d'une évaluation des colonies (méthode ColEval).

Dix ruches mises à disposition par un apiculteur professionnel, ont été positionnées à la station expérimentale de Kerguéhennec et suivies pendant huit semaines de fin mars à fin mai. Cinq d’entre-elles sont équipées d’une trappe à pollen pour collecter le pollen ramené par les butineuses. Les échantillons collectés toutes les semaines sont analysés par le laboratoire Primoris en Belgique pour rechercher les résidus phytosanitaires. Des échantillons de butineuses sont également prélevés et analysés. En parallèle, l’état sanitaire des dix colonies est évalué tous les 21 jours avec la méthode ColEval permettant de :
- vérifier de la présence et l’activité de la reine,
- vérifier la pression de varroa, parasite de l’abeille,
- estimer le nombre d’abeilles et de larves (couvain), ainsi que les réserves alimentaires en miel et pollen.
Un cadre de cire gaufrée neuf est introduit dans les ruches en début de suivi (analysé pour avoir un état initial). Un échantillon est analysé en fin de suivi pour connaître le transfert de contaminants dans les cires.

 

Quelle proportion des échantillons analysés est contaminée ?

Sur les huit semaines de suivi, la fréquence de détection de substances actives sur le pollen et sur les butineuses est approximativement la même en 2019 et en 2020 (1). Les échantillons de pollen sont fréquemment contaminés par une ou plusieurs substances actives (68 et 64 %). Il s’agit essentiellement de fongicides et d’herbicides, mais on retrouve également un insecticide et un nématicide. Les échantillons de butineuses sont moins fréquemment contaminés (35 et 32 %) et il s’agit majoritairement de fongicides.

 

Quels produits retrouve-t-on sur le pollen et sur les butineuses

Les analyses multi-résidus permettent de rechercher 436 de molécules différentes. Le seuil de quantification de chaque molécule est fixé à 0,01ppm (partie pour millions ou microgramme par gramme). Une substance peut être détectée en-dessous de ce seuil : on parle alors de trace car il n’est pas possible de la quantifier. Dans le pollen par exemple, en 2019, le Fluopyram a été détecté dans 64 % des échantillons de pollen analysés et il a été possible de le quantifier dans 56 % des cas, à une dose moyenne de 0,03 ppm (2).
Au total sur les 25 échantillons, seuls 9 ne sont pas contaminés. Dans les 16 autres échantillons, au moins une molécule est détectée… et on retrouve parfois jusqu’à 5 molécules dans un même échantillon. Dans ce cas, les abeilles et les larves qui consomment ce pollen sont exposées à un cocktail de molécules à très faible dose. Les apiculteurs suspectent que ces cocktails ont un effet néfaste sur les abeilles et les larves. Des études ont récemment montré une baisse de performance des butineuses pour collecter le pollen.
Concernant les abeilles, le niveau de contamination observé sur les abeilles est plus faible que sur les pollens (3).
Les évaluations de l’état sanitaire des colonies (ColEval) n’ont pas permis de montrer un effet des molécules retrouvées dans le pollen et les butineuses sur la santé des colonies. Il faut cependant garder à l’esprit que les impacts sur leur santé et développement ne sont pas forcément visibles, par exemple lorsqu’il s’agit de baisse de fécondité, de capacité d’apprentissage, d’efficacité du système immunitaire, de durée de vie des abeilles, apparition de maladies…

Apiculture

D’où viennent les produits retrouvés ?

Sur cette période, on retrouve donc essentiellement les fongicides (fluopyram et prothioconazole) appliqués sur le colza pendant la floraison pour lutter contre le sclérotinia. C’est aussi le cas du boscalid. Pour les autres substances : cyprodinil et triticonazole sont des fongicides qui peuvent être utilisés sur céréales. Le flonicamid est un insecticide utilisable sur un grand nombre de cultures dont le colza et les céréales. Le prosulfocarbe est un désherbant utilisé sur céréales à l’automne, ainsi que la pendimethaline. Cette dernière est également utilisée sur maïs. Le S-métolachlore est utilisé sur maïs et la clethodim est un désherbant utilisable sur colza.
L’objectif de Survapi est de sensibiliser sur la question des contaminations pour réduire l’exposition des abeilles en favorisant les techniques alternatives quand elles existent. Sur l’aire de butinage pendant la période de suivi, ce sont 46 à 58 substances actives différentes qui ont été appliquées. On détecte donc après utilisation entre 21 et 26 % des molécules utilisées dans les ruches, à des doses cependant très faibles.

Les échantillons de pollen sont fréquemment contaminés par une ou plusieurs substances actives.

Y a-t-il un transfert dans les cires ?

Les cires gaufrées introduites en début de suivi sont analysées : elles contiennent avant même leur introduction dans les ruches une pollution au tau-fluvalinate (0,025 ppm) qui peut être utilisé dans la lutte contre le varroa mais aussi en arboriculture et sur diverses grandes cultures. Après l’expérimentation en 2019 comme en 2020, on retrouve toujours des traces de tau-fluvalinate qui ne s’est pas dégradé.
En fin d’expérimentation en 2019, quelques molécules sont détectées dont une seule est quantifiée : le fluopyram dans une colonie. C’est un transfert de molécules qui a eu lieu durant la période d’expérimentation.
Fin 2020, une plus grande diversité de molécules est détectée. Fludioxonil et cyprodinil sont quantifiés dans au moins une colonie. Boscalid, prothioconazole, biphenyl, prosulfocarb également.
Même si les niveaux de contamination restent faibles, ils montrent que les produits utilisés dans l’environnement du rucher se diffusent rapidement jusqu’au cœur des ruches et engendrent une pollution sur le long terme. En effet, une fois stockées dans les cires, les molécules polluantes ne se dégradent que très lentement (sur plusieurs années ou décennies). Une adaptation des pratiques les plus à risque (exemple : ne pas appliquer de produits sur les fleurs) permettrait de réduire cette diffusion. Des agriculteurs, conscients des effets des systèmes de cultures sur les abeilles et les produits de la ruche (lire dans le Terra de la semaine prochaine), font évoluer leurs pratiques. Leur témoignage est essentiel pour réduire plus largement les contaminations.

 


Une conférence à suivre mardi : Les résultats de cette étude seront diffusés et commentés lors d'une conférence en ligne, mardi 26 octobre à 10h30, sur Agriplay (45 minutes). Il s'agit du dernier webinaire d'une série de quatre  sur le thème de l'agriculture (lire aussi en pages 8 et 9). Webinaire gratuit sur inscription : anne-valerie.looten@bretagne.chambagri.fr 02 22 93 63 56.

 

Survapi : dans 7 territoires en France, dont la Bretagne

Survapi (SURVeiller les contaminations du milieu par les produits phytosanitaires via les matrices Apicoles Pour améliorer et réduIre leurs utilisations), est un programme d’étude porté en partenariat par des chambres d’Agriculture et les Associations de développement apicole (ADA) en lien avec l’ITSAP (Institut technique et scientifique de l’abeille). Il est financé par Ecophyto et se décline sur 7 territoires en France, dont la Bretagne. Chaque territoire a une problématique différente. Un protocole identique est mis en place pour y répondre : 10 ruches suivies sur 8 semaines consécutives pendant 2 ans. Les principaux objectifs sont de :
- Contribuer à la connaissance des niveaux d’exposition des abeilles aux produits phytopharmaceutiques et leurs effets sur la santé des colonies.
- Sensibiliser, informer et former les utilisateurs pour une meilleure prise en compte de l’impact des pratiques sur les abeilles.
- Créer du lien entre les milieux agricoles et apicoles par la mise en œuvre d’une action en partenariat, concertée à l’échelle des territoires.

 

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