Enjeu azote : Etap’N, un outil individuel de conseil au service du collectif
Mis en œuvre sur le bassin versant de l’Horn-Guillec (29), l’outil Etap’N offre aux agriculteurs trois analyses de sol par an, couplées à un conseil personnalisé par un conseiller de la chambre d’agriculture. La somme des données collectées permettra, demain, d'affiner les recommandations en matière de fertilisation azotée à destination de tous les légumiers.

"C’est un outil qui a remporté l’adhésion des producteurs, constate Gérard Yven, membre associé de la chambre d’agriculture du Finistère et co-président du territoire Saint-Pol Morlaix. Etap’N (à prononcer Etap’azote) est l’une des réponses proposées par le bassin versant pour résoudre la problématique de l’azote sur l’Horn-Guillec et y réduire la teneur en nitrates de l’eau.
Concrètement, à chaque début de campagne culturale, les agriculteurs se voient proposer trois analyses de sol, pour y rechercher l’azote. "Ils ont le choix des cultures et des stades, précise Gérard Yven. Une fois le prélèvement de terre réalisé, ils reçoivent le résultat brut de leur analyse dans un délai de 5 jours maximum. Puis ils disposent d’un conseil personnalisé de la chambre d’agriculture dans un délai de 10 jours pour savoir si, oui ou non, un apport d’azote est utile".
Un conseil personnalisé
Simple et efficace, cet outil a immédiatement rencontré son public, plus de 300 agriculteurs, exploitant plus de 80 % de la SAU du territoire, faisant désormais appel à ce service. "Fin 2019, on en était à plus de 2 600 conseils sur le bassin versant, calcule Gérard Yven. Avec une telle somme de données, nous avons toute légitimité pour affiner les grilles Gren, que l’administration utilise pour calculer les doses prévisionnelles d’azote, et les étendre à de nouvelles cultures, pour lesquelles nous n’avions jusqu’à présent pas de données. Et nous allons pouvoir diffuser des conseils de fertilisation, applicables à l’ensemble de la zone légumière du Nord Bretagne".
Forte de son succès sur le bassin versant de l’Horn-Guillec, la mesure a d’ailleurs été étendue au Trégor finistérien puis aux Côtes d’Armor. "Elle fait un peu suite à Equiterre", indique Gérard Yven. À l’époque, des mesures régulières de reliquat d’azote étaient réalisées dans un certain nombre de parcelles, avant que les résultats ne soient diffusés via les flash infos de la chambre d’agriculture à tous les légumiers avec, à la clé, des conseils de fertilisation ou d’impasse aux stades-clés des différentes cultures.
"Mais il y a 25 ou 30 ans, il y avait surtout du chou-fleur, de l’artichaut, de l’échalote et de la pomme de terre primeur, se souvient le légumier de Carantec. Depuis, les cultures se sont beaucoup diversifiées, les rotations aussi, et il faut des conseils plus individualisés, ce que permet Etap’N". Pédagogique, la mesure permet aux agriculteurs d’améliorer leurs connaissances en matière de fertilisation raisonnée. "Elle les aide aussi à faire des économies, rajoute Gérard Yven. Dans la zone légumière, les engrais sont achetés. Et moins on en met, mieux on se porte".
Arrêter de stigmatiser les agriculteurs
"On est à la croisée des chemins". Si le responsable se félicite de l’adhésion des agriculteurs au dispositif Etap’N, il n’en tire pas moins la sonnette d’alarme. "Le monde agricole veut avancer sur le dossier de la qualité de l’eau. Mais il en a assez d’être sans cesse mis à l’index". Et Gérard Yven d’évoquer le réactions suite à la publication du rapport de la Cour des comptes sur la gestion du dossier des algues vertes. "C’est tellement facile de stigmatiser le monde agricole ! Si on veut continuer à mobiliser les agriculteurs, il faut parler en toute objectivité de toutes les pollutions. Y compris, dans nos zones côtières, des stations d’épuration qui, en été, peinent à suivre l’augmentation de population". Avec en tête une certitude ! "L’agriculture fait des effort depuis des années et le taux de nitrates baisse. Mais il faut aussi compter avec le temps de réponse du milieu ! Et si l’objectif de teneur en nitrates de l’eau est fixé à 10 mg/l, c’est clair qu’on n’y arrivera pas ! Sous notre climat, le sol minéralise toute l’année, comme l’ont prouvé les cases lysimétriques de la station expérimentale du Caté (comité d'action technique et économique de Saint Pol de Léon)".