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Les méthaniseurs bretons défendent un modèle agricole

L'Association des agriculteurs méthaniseurs bretons s'est réunie au Lycée la Touche à Ploërmel (56). Avec les trois quarts d'entre eux qui y étaient représentés, les adhérents ont largement participé aux débats qui agitent leur filière. L'occasion aussi de prendre la température sur ce qui pourrait, ou non, être accepté par le citoyen de demain.

"Nous ne sommes pas des sachants, mais des praticiens. Ainsi, nous avons confié à un institut de recherche la mission d'évaluer la qualité des sols sur nos sites", explique Jean-Marc Onno, président de l'association bretonne en visite sur le site de Julien Bousso à Ploërmel.

Le paysage de la méthanisation en Bretagne se veut particulier au regard des pratiques observées dans le reste du pays. Le plus souvent rattachée à une exploitation, nourrie très majoritairement par les déjections animales (bovins/porcs), dont l'énergie est réutilisée en partie pour les besoins de l'élevage et qui représente un revenu complémentaire et non majoritaire, la méthanisation de Bretagne se veut plus en adéquation avec les attentes sociétales.
Jean-Marc Onno, président de l'association des agriculteurs méthaniseurs bretons (AAMB), défenseur d'une méthanisation qui reste un atelier de diversification en cohérence avec le système de production alimentaire, se veut optimiste. "Nous sécurisons l'énergie française, en travaillant sur nos territoires. Nous ne sommes pas des professionnels de l'énergie et souhaitons rester sur nos outils, mais on ne peut nier que nous développons une activité économique et des externalités positives. Aujourd'hui nous en sommes à 80 sites en Bretagne, demain à 150 à 180 sites... J'espère que nous pourrons être représentés pour être visibles auprès des grandes organisations énergétiques qui achètent du gaz et de l'électricité".

Nous sécurisons l'énergie française, en travaillant sur nos territoires. Nous développons une activité économique et des externalités positives.

Controverse : être proactifs

Alors que les attaques contre le développement de nouveaux projets ou les nuisances des sites en place se multiplient, l'AAMB souhaite échanger, expliquer, agir auprès des détracteurs. "Nous n'avons pas attendu les attaques pour professionnaliser la méthanisation agricole et militer pour des projets vertueux", assure Jean-Marc Onno qui précise que "70 % des sites bretons ont déjà validé la charte de l'AAMFrance, signée par les ministres de l'Agriculture et de l'Écologie, et que les autres ont débuté la démarche".
Audités autour de huit engagements fondateurs, les méthaniseurs s'engagent notamment à assurer le bon fonctionnement de leur unité de méthanisation et respecter la réglementation, réaliser avec leurs partenaires une valorisation vertueuse des matières organiques, garantir la sécurité de leur installation et des personnes y travaillant... Un outil qui doit permettre aux méthaniseurs de démontrer le sérieux de leurs structures. Certains citoyens et élus s'interrogent aussi sur la qualité agronomique et la santé des sols suite à la mise en place des digestats.
Le président de l'association bretonne précise : "Nous ne sommes pas des sachants, mais des praticiens. Ainsi, nous avons confié à un institut de recherche la mission d'évaluer la qualité des sols sur nos sites". 17 analyses réalisées à partir de 4 sites (10 sont en attente d'être testés) qui ont une unité de méthanisation depuis au moins sept ans révèlent que 80 à 85 % des terres testées ont augmenté en pourcentage de matière organique. "La méthanisation change nos pratiques avec l'apparition des Cive1, la modification de nos itinéraires techniques... 99 % du bassin parisien signerait tout de suite pour avoir nos terres. Nous avons une moyenne de 3,5 % de matière organique dans nos sols quand les leurs affichent 1,5 %. La vie de nos sols s'est améliorée, il n'y a quasiment plus de carences. Nous continuerons de faire des tests pour apporter une information chiffrée et non contestable au débat", prévient Jean-Marc Onno.

 

Acceptabilité : comment anticiper ?

Si les énergies renouvelables ont la cote, l'acceptabilité sociale reste faible lorsqu'une installation de méthaniseur autour de son lieu de vie s'organise. "Nous avons été parmi les premiers installés en Bretagne et avons dû faire beaucoup de pédagogie auprès du voisinage", explique David Le Ruyer, jeune retraité et ancien responsable de la ferme du Lycée La Touche. Après une enquête publique et avec une mise en route de l'unité en 2012, le méthaniseur fait aujourd'hui consensus. "À proximité de la ville de Ploërmel, nos activités volailles, vaches laitières et porcs engendraient des problématiques de voisinage notamment concernant le stockage et l'épandage des lisiers. Nous recherchions une solution qui pallierait ce problème tout en reposant sur un modèle économique efficace", explique ce pionnier. Un choix qui a su convaincre, car près de dix ans plus tard, lorsque son voisin agriculteur, Julien Bousso décide d'implanter une unité à 800 mètres du lycée, l'installation se réalise sans opposition. Pour Jean-Marc Onno, afin d'éviter les mauvaises surprises, "même si l'unité n'est soumise qu'à déclaration, il n'est jamais inutile d'aller voir ses voisins en amont pour parler de son projet".

 

Un rapport du Sénat équilibré

Daniel Salmon, sénateur d'Ille-et-Vilaine.

Daniel Salmon, sénateur d'Ille-et-Vilaine pour le groupe Europe Écologie-Les Verts, a présenté les conclusions du rapport de la mission d'information "La méthanisation dans le mix énergétique : enjeux et impacts", qu'il a co-dirigé. Sans parti pris, ce rapport qui se veut équilibré permet de dresser les grandes lignes de ce que pourrait être la méthanisation demain en France. "Nous souhaitions apporter une vision indépendante, rationnelle et scientifique à des débats souvent passionnés qui mènent à la controverse", explique ce retraité de l'enseignement.
Le constat est limpide, le nombre de méthaniseurs en France a augmenté de façon exponentielle avec 1 tonne wattheure (tWh) produit en 2007 et 7 tWh produits en 2019. "Les tarifs intéressants de l'énergie verte, proposés sur du long terme et des prix des matières agricoles (lait, porc, céréales) en berne, ont incité nombre d'agriculteurs à franchir le pas pour bénéficier d'un revenu complémentaire", analyse le sénateur.
Le rapport se veut force de propositions. Ainsi, pour faciliter l'acceptabilité sociale, il préconise l'enregistrement obligatoire, même pour les unités nécessitant jusqu'ici d'une simple déclaration, afin de permettre les échanges avec la population. Les externalités positives et négatives ont été listées. Le rapporteur admet que la méthanisation contribue à la souveraineté énergétique, stocke du carbone, soutient l'économie locale et le revenu des agriculteurs, mais il note également que l'énergie ne doit pas venir en concurrence des autres filières agricoles, émet une vigilance sur les risques industriels spécifiques ou encore la modification des pratiques culturelles avec l'apparition des Cive*. Cinq propositions émergent du rapport :
- structurer la filière en diversifiant les usages, via par exemple l'utilisation du biogaz pour les transports de marchandises,
- territorialiser les projets en renforçant l’information préalable des élus locaux sur les projets de méthanisation,
- clarifier les politiques publiques, notamment sur le mix énergétique en évitant un scénario "tout biogaz à l’allemande" et en privilégiant un effort soutenu, mais équilibré et progressif du biogaz,
- renforcer les externalités positives en poursuivant l’acquisition de connaissances sur les impacts de la méthanisation,
- prévenir les risques en développant une culture de la prévention des risques chez l’ensemble des acteurs de la méthanisation, mais aussi en émettant une information nationale "grand public" pour diffuser une connaissance générale minimale.

* Culture intermédiaire à vocation énergétique.

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