Agricultrice : regards croisés sur le métier
Aurélie, Anne Flore, Justine et Vanessa sont toutes les quatre étudiantes en BTS Acse au lycée Théodore Monod de Rennes Le Rheu. Leur formation intègre la réalisation de PIC (projet d'initiatives et de communication). Alors que leurs collègues ont choisi de traiter de thèmes aussi variés que les chiens de troupeau ou les médecines alternatives, elles ont choisi de porter leur regard sur la place des femmes dans les métiers de l'agriculture. Terra leur a donné carte blanche pour témoigner et livrer leurs impressions à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes.
Près de 70 personnes ont répondu le 6 février dernier à la conférence sur la place des femmes en agriculture qu'elles ont organisée. C'est bien la preuve, s'il en fallait, que le sujet est d'actualité et qu'il reste encore beaucoup à faire, et notamment en termes de parité, dans les instances professionnelles agricoles afin de créer un changement pour la cause des femmes aux côtés des hommes.
"On ne naÓt pas agricultrice..."
Les étudiantes situent leur démarche : “nous nous sommes orientées vers la réalisation de vidéos à partir de témoignages de femmes du monde agricole". Elles ont ainsi recueilli les témoignages de 4 jeunes femmes, et ajouté le regard porté par Clémentine Comer étudiante en sociologie à l'Université de Rennes 2.
"On ne naît pas agricultrice, on le devient". Cette phrase de Clémentine Comer, qui prépare un doctorat en sociologie, résume l’ensemble du combat des femmes dans le milieu agricole. La sociologue a démontré qu’il y a différentes manières d’être agricultrice, que l’on soit issu du milieu agricole ou non, et pour quelque raison que ce soit, mais que leur première arme, c'est leur motivation.
Maryline Philippard, en exploitation individuelle en Ille et Vilaine, Véronique Ferrand exploitante en Gaec et Pauline Lechat, salariée d'exploitation ont chacune apporté leur perception de la place qu'elles occupent dans leur métier. Pour les étudiantes, S'il ne fallait retenir qu'une seule idée de ce débat, ce serait probablement "être déterminée". C'est le message fort que les deux femmes chefs d’exploitation ont voulu faire passer.
MotivÈe et dÈterminÈe
Maryline Philippard le reconnaît, "sans l’aide de mes parents, cela aurait été difficile". "Je n’ai pas la force physique d’un homme, mais j’en ai la volonté", lance-t-elle. Maryline a choisi de faire partie des JA de son canton. Cet engagement l'a amenée à participer à la réalisation du calendrier des femmes -conçu à la manière du calendrier de l'équipe de rugby du Stade français- afin de montrer et même d'affirmer que l’on peut être agricultrice, féminine et fière de son métier.
Véronique Ferrand, elle, est asociée en Gaec avec quatre hommes. Son propos est tout aussi net que celui de Maryline : " il faut savoir s’imposer pour trouver sa place".
Pauline Lechat, est salariée en maraîchage. "Mes parents sont agriculteurs et producteurs laitiers. Pourtant ils étaient réticents à ce que je m'oriente vers le maraîchage et l'horticulture car c’est un travail difficile", explique-t-elle. Elle persiste pourtant à vouloir devenir exploitante à son tour. "Il faut être motivée et déterminée" dit-elle sans la moindre hésitation. "Dans le milieu maraîcher et horticole, il y a plus de femmes que dans d'autres secteurs, mais peu sont installées à leur compte, car c'est dur physiquement. Pour autant, cela ne m’effraie pas", témoigne encore Pauline, qui n'a pas l'intention de renoncer à son projet en maraîchage.
"S'engager est possible"
Sylvie Tranchevant, présidente du groupe "agriculture au féminin" des Côtes d'Armor, insiste pour sa part sur l’importance de s’engager dans le monde agricole et aussi sur la nécessité de s’ouvrir vers l’extérieur. Elle constate que les responsabilités sont encore beaucoup plus souvent assurées par des hommes que par des femmes. "Mais s'engager est possible", assure-t-elle, même si cet investissement est contraignant au sein de l'exploitation "car cela nécessite une organisation sans faille". Pour elle, c'est une décision qui se prend à deux : "quand je suis partie, il faut bien que le travail se fasse, ça implique aussi mon mari ou la personne qui travaille avec moi".
CARTE blanche
Avec leurs mots, avec leur regard d'étudiantes, Aurélie, Justine, Anne Flore, Vanessa, nous livrent un message à la fois simple et positif. Au dela des chiffres, une réalité s'impose. Les femmes, génération après génération ont creusé leur sillon et façonné leur place. Le monde agricole comme la plupart des métiers “d'hommes” évolue. Il reste évidemment du chemin à faire, mais il ne l'est peut être pas plus long en agriculture que dans l'ensemble de la société ! Un grand merci à nos quatre étudiantes pour leurs efforts et leur contribution à ce 8 mars 2015, journée internationale des droits des femmes.
Pourquoi un débat sur la place des femmes en agriculture ?
Aurélie Bellier : "La place des femmes à beaucoup évolué au cours des décennies et nous avons aussi voulu retracer ce parcours et repréciser ces évolutions et en parler au cours d’une conférence".
Justine Souquet : "La question de la parité est régulièrement abordée dans notre société. C’est pourquoi j’ai souhaité savoir ce qu’il en était dans le milieu agricole".
Anne-Flore Martin : "L’origine de ce projet vient de nos propres interrogations sur la place des femmes dans l’agriculture. Cette profession reste majoritairement masculine et c’est un sujet d’actualité car la parité est au cœur de l’évolution sociétale".
Vanessa Paquet : "Je voulais savoir quelle place avaient vraiment les femmes. Si un jour je suis amenée à m’installer, quel sera mon statut ? De plus, est-ce que cette place a évolué par rapport à nos grands-mères ? Tous ces questionnement me motivaient à en savoir plus sur le sujet. Et je trouvais utile de faire prendre conscience au grand public de la place et du rôle des femmes dans ce milieu. Et puis, la question de la parité est un sujet interessant . Il nous tient à cœur puisque nous sommes des femmes, et que l’agriculture reste majoritairement masculine.
Leurs projets
Aurélie Bellier / A travers les interviews que nous avons pu réaliser, nous avons pu voir les différentes places qu’avaient les femmes dans l’agriculture et dans la vie active et associative. Je n’ai pas d’idée précise de ce que je souhaite faire plus tard mais je vais rester dans le domaine agricole, dans la partie animale. Je pense m’orienter dans le niveau technique des élevages.
Justine Souquet / Je retiens de cette expérience qu’il y a encore à faire pour défendre la place des femmes dans l’agriculture. Pourquoi pas, à l’avenir, moi aussi, y contribuer à travers les métiers du para-agricole, comme celui de journaliste dans la presse agricole.
Anne-Flore Martin / Etre agricultrice, cela devient de moins en moins fréquent dans notre génération. Heureusement qu'avant nous, beaucoup de femmes se sont battues pour que cela soit possible. Je souhaite poursuivre mes études par une licence en apprentissage option gestion, afin de travailler dans un organisme para-agricole, mais surtout dans le but de m’installer sur l’exploitation familiale.
Vanessa Paquet / Ce projet sur la place des femmes nous a montré que ce problème n’était pas présent que dans l’agriculture mais était un problème de société. Nous avons vu des personnes d'âges différents et cela nous a montré à quel point cette place avait progressé et qu’il restait encore du chemin à faire. L’an prochain, j’ai choisi d’aller en licence professionnelle spécialisée dans la gestion. Je souhaite faire cette licence en alternance pour acquérir des compétences dans l’entreprise et, au final, aider les agriculteurs en difficulté. Il est fort probable que je m’installe dans les prochaines années mais je veux travailler d’abord à l’extérieur.