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Guadeloupe et Martinique : ces si grandes importatrices

Si la production agricole est la deuxième richesse après le tourisme, elle ne suffit pas à combler la consommation locale, tant en quantité qu'en diversité de produits. Bien que des efforts soient faits en ce sens, la souveraineté alimentaire est encore loin d'exister en Guadeloupe et Martinique, largement dépendantes de l'importation.

Il ne s'agit pas ici de rentrer dans le débat des événements qui bousculent la Guadeloupe et la Martinique actuellement, mais plutôt de dresser le tableau de l'économie locale et peut-être saisir partie des raisons et enjeux de cette crise.

Dans les Antilles françaises, le développement économique est limité par l’étroitesse du marché. Le PIB par habitant, d'environ 17 k€ en Guadeloupe, et 19 k€ en Martinique, est près de la moitié moins élevé que celui de l'UE à 15. Par ailleurs, l’économie, ainsi que les terres, restent en majorité détenues par les békés, ces descendants des colons du XVIIe et XVIIIe siècles, même si la situation évolue aujourd'hui.

Le tourisme demeure la principale dynamique économique des Antilles françaises qui accueillent au total plus d'un million de visiteurs chaque année. Les recettes touristiques s'élevaient par exemple à 220 M€ pour la Martinique en 2005 (chiffres du Conseil régional). Et la production agricole est le seul secteur à pouvoir rivaliser avec le tourisme, grâce notamment aux exportations de bananes et de rhum.

 

Huit fois plus d'import que d'export

Ces îles françaises au lourd passé colonial sont aujourd'hui loin d'être autosuffisantes : les importations y sont en valeur 8,6 fois plus élevées que les exportations. L'exemple le plus frappant est celui de l'industrie sucrière martiniquaise qui a pourtant participé à l'essor de l'économie locale. La production s'est réduite à peau de chagrin : de 90 000 tonnes de sucre il y a quarante ans, l'île n'est plus autosuffisante aujourd'hui. En moyenne, la canne à sucre est consacrée pour 10% à la production de sucre et pour 90% à la fabrication de rhum, selon les chiffres de l'Odéadom*. Mais elle continue de jouer un rôle important sur le territoire agricole qu'elle occupe à 60% pour la Guadeloupe et à 35% pour la Martinique.

 

La banane, pilier de l'économie agricole

Avec leurs 170 000 tonnes, les Antilles françaises produisent environ 12% des bananes consommées dans l'UE, commercialisées aux trois quarts en France métropolitaine, selon l'Odéadom. Les bananes constituent les principales exportations en volume : respectivement 14% et 24% des expéditions guadeloupéennes et martiniquaises. En plus de générer un chiffre d'affaires important (94 M€ pour l'Union des groupements de producteurs de bananes), et de créer 10 000 emplois directs et indirects, elles représentent donc des flux commerciaux non négligeables vers l'Europe qui permettent de mieux rentabiliser les flux de marchandises retour. Elles occupent aussi une large part de la surface agricole : 30% en Martinique et 10% en Guadeloupe.

 

Mais pilier artificiel ?

La banane antillaise, largement dépendante des subventions européennes, est durement concurrencée par la "banane dollar". La guerre de la banane n'est pas sans opposer les Etats-Unis et l'Europe. En outre, Martinique et Guadeloupe ont du mal à lutter contre leurs voisins d'Amérique latine dont les coûts de production sont nettement plus compétitifs, avec une charge de main d'œuvre jusqu'à dix fois moins élevée, par exemple au Honduras.

Aussi la production locale de bananes risque-t-elle d'être encore affaiblie par le conflit actuel. Les ports étant neutralisés à l'import et à l'export, les bananes sont bloquées sur place. L'Europe continentale, elle, ne risque pas de manquer de bananes ; elle devrait tout naturellement compensée par d'autres origines.

 

Diversifier pour les besoins locaux

Le premier objectif des productions dites de diversification est de satisfaire les besoins alimentaires locaux. Elles sont donc soutenues par les gouvernements des îles. Certaines productions végétales (ignames, bananes-plantain…) sont en net recul car leur consommation a tendance à baisser, en faveur de produits importés, dans des foyers urbains qui "s’européanisent". Les productions de diversification peuvent également occuper des marchés de niche à l'export sur des produits à forte valeur ajoutée (ananas, avocat, goyaves, citrons verts, fleurs…), ou de contre-saison comme le melon. Des marchés cependant soumis à une forte concurrence internationale qui poussent les filières antillaises à s'engager dans des démarches qualité pour accroître leur notoriété.

Les productions animales sont aussi considérées comme des productions de diversification en Guadeloupe et en Martinique où il existe un réel besoin d'organiser la production et d'abaisser les coûts de production pour limiter les importations. Mais le climat tropical génère des handicaps (diminution des performances, pathologies spécifiques) qui s'ajoutent à l'isolement géographique.

Même la pêche ne satisfait que 40% de la consommation locale. Largement artisanale, la pêche est surtout côtière, quoique la pêche aux gros (thons, espadons, thazars) représente un tiers des prises en Martinique. Et l’aquaculture se met doucement en place, avec notamment des élevages d’écrevisses en rivière, ou de loups caraïbes dans des bassins en mer.

Espérons enfin qu'avec la crise qu'elles traversent actuellement, les Antilles françaises n'aggravent pas leur dépendance, en déstabilisant leurs deux principales ressources économiques que sont le tourisme et l'exportation de bananes.

 

* Merci à l'Odéadom (Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer) pour les données sur la production agricole ultra-marine.

 

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