Le désherbage mécanique se prépare longtemps à l’avance
Si le désherbage mécanique a largement fait ses preuves, il impose d’y réfléchir très en amont, au moment du choix des variétés, de la préparation de sol et même de la définition de la rotation. Pour faire le point, la chambre d’agriculture a organisé une dizaine de rendez-vous Bout de champ d’un bout à l’autre de la Bretagne.
Compliqué, cette année, de prévoir une démonstration de désherbage mécanique ! Si le Covid-19 a obligé la chambre d’agriculture à annuler la première série de rendez-vous, en mars dernier sur céréales, les intempéries ont failli avoir raison de celles de juin sur maïs ! "Dans le Porzay, nous l’avions prévu le 11, indique Benoît Nézet, conseiller bio. Nous avons dû l’avancer d’un jour, pour échapper à l’épisode pluvieux". Bio comme conventionnels, les agriculteurs, avertis par SMS, étaient néanmoins nombreux à avoir fait le déplacement pour voir fonctionner trois herses étrille, Hatzenbishler, APV et ETR Breton, deux bineuses, Phénix System et Einbock, et une roto étrille Einbock.
Semer profond
"Le désherbage mécanique se conçoit dans la rotation, commence par les prévenir Benoît Nézet. Il faut donner à la culture la meilleure place, idéalement après une prairie de longue durée : la parcelle sera relativement propre, les adventices moins présentes, ce qui va faciliter leur gestion". Toujours dans l’optique du désherbage mécanique, la préparation de sol sera soignée, avec une terre fine. Le semis sera plus profond, 5 à 8 cm, plus tardif, en choisissant une variété à forte vigueur de départ, "ce qui donnera un avantage concurrentiel au maïs sur les mauvaises herbes". Et à une densité légèrement supérieure, 110 000 grains/ha, en prévision d’un désherbage agressif, qui va forcément arracher quelques plants.
Un premier passage en aveugle
Des préconisations que Samuel Nédélec, chez qui se déroulait le rendez-vous Bout de champ, a respectées à la lettre. "Ici, j’avais implanté un maïs en 2017. Après un couvert, j’ai semé un ray-grass hybride trèfle violet en mai 2018". Impossible d’intervenir en hiver dans cette parcelle humide. Cassée à la mi-avril, elle a reçu du lisier début mai, avant un labour le 5 mai puis un semis 10 jours plus tard, à une densité de 102 000 grains/ha. Après passage du rouleau le lendemain, "ce qui a pour avantage de grouper la levée des adventices", indique André, son père, un premier passage de herse étrille, avant la levée du maïs, est réalisé le 22 mai. "Dans l’idéal, il faudrait passer de travers. Mais il faut un bon siège…". Si de nombreux filaments sont alors arrachés, l’intérêt de la herse étrille ne s’arrête pas là. "Son passage va effacer toutes les traces et perturber les choucas, qui ne trouveront plus les rangs".
Un second passage plus délicat
"Ce passage en aveugle est très important, insiste Benoît Nézet. La herse, moyennement agressive, pourra passer à 6-8 km/h". Il faudra ensuite attendre le stade 3-4 feuilles, avec une bonne efficacité contre les graminées mais moindre contre les dicotylédones. "Ce second passage est le plus délicat, prévient Paul Landrain, lui aussi conseiller bio à la chambre d’agriculture. La vitesse ne devra pas dépasser les 3-4 km/h, avec une herse faiblement agressive". Si le besoin s’en fait sentir, une houe rotative pourra être utilisée avant, sur maïs pointant. "A 15 km/h, explique Benoît Nézet. C’est la vitesse qui fait son efficacité". Outil lourd, d’abord imaginé pour casser la croûte de battance dans des sols limoneux, la houe a une moindre plage d’utilisation que la herse, "mais peut rendre de fiers services comme outil de travail du sol superficiel".
Multiplier les passages
Utilisable dès 3-4 feuilles à 5 km/h, où elle pourra à la fois désherber et décroûter, la bineuse est encore efficace contre dicotylédones et graminées au stade 6-8 feuilles du maïs, juste avant qu’il ne couvre le rang. "La vitesse pourra atteindre les 10 km/h, voire même 14 km/h pour les bineuses guidées, qui permettent d’être plus proche du rang, pour un débit de chantier supérieur", explique Paul Landrain.
"En bio, où on ne peut compter que sur le désherbage mécanique, il ne faut pas hésiter à multiplier les passages, dès que le besoin s’en fait sentir, résume Benoît Nézet. Pour être efficace, il faut gérer les adventices le plus tôt possible. Et ne pas s’attendre à des miracles si elles sont déjà développées…". Et accepter, notamment avec la herse étrille, d’arracher quelques plants. "Si aucun pied n’est touché, c’est que le réglage n’est pas assez agressif".