Les éleveurs ne veulent pas être la vache à lait de Lactalis
L'APLBL (Association des Producteurs de Lait Pays de la Loire Bretagne Lactalis), a profité de son assemblée générale qui avait lieu ce 18 juin, pour inviter des représentants de Lactalis. Les échanges, parfois tendus, ont notamment porté sur la vision de l'entreprise et la prise en compte des coûts de production dans le calcul du prix du lait.



"En tant que producteur de l'OP, au delà de la question de la segmentation, on s'interroge sur la vision de Lactalis car nous on doit donner une orientation à notre entreprise et on a du mal à se projeter. On est souvent mis au pied du mur". Anthony, producteur de lait membre de l'APLBL ne cachait pas son inquiétude lors des échanges avec Fabien Choiseau et Christophe Barayre, les deux représentants de Lactalis, respectivement directeur approvisionnement lait et responsable approvisionnement lait région ouest. Fabrice Deshayes va même plus loin. "Vous avez fait le choix de lancer le sans OGM sans discuter avec les éleveurs. On est parfois surpris du double langage de l'entreprise. Il faut maintenant avoir un langage de vérité et non pas un discours de façade". En janvier dernier, Lactalis et l’Unell (Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis) signaient un accord sur le prix du lait qui fixait le prix de base du lait standard à hauteur de 330 €/1 000 litres sur le premier trimestre. Un accord construit à partir de la nouvelle formule de prix identifiant les marchés des PGC France (50 % de la formule), des PGC exports (20 %) et celui des produits industriels. L'accord fixait pour mars la part PGC France à 355 €/1 000 l en 38-32, en lien avec les conditions générales de vente envoyées à la grande distribution. "C'est un niveau comparable à un prix de 370-375 €/1 000 l à taux réels", approuvait à l'époque Claude Bonnet, président de l'Unell qui voyait là "une première marche". Depuis, il semblerait donc que les relations se soient tendues entre les acteurs. La raison ? D'une part, on est encore loin des 396 €/1 000 l de prix de revient calculé par l'Institut de l'élevage et repris par le Cniel. D'autre part, "dans la formule de prix utilisée par Lactalis, vous ne prenez pas en compte les coûts de production", déplore Fabrice Deshayes. Et le président de l'APLBL d'ajouter : "C'est notre intérêt de trouver un accord cadre car il en va de notre avenir à tous. La question, c'est serez-vous dans le camp des producteurs ?".
Concilier coûts de production et mise en marché
Du côté de l'entreprise Lactalis, Fabien Choiseau reconnaît que "la loi Egalim a du sens" et défend un bilan : "on est allé chercher des hausses auprès de la grande distribution, qui seront reversées au producteur". Pour autant, "La crainte du groupe, c'est écrire ces 396 euros dans le marbre alors que nous ne serons pas capables d'aller les chercher auprès de la distribution". Quand les éleveurs insistent sur la prise en compte des coûts de production, l'entreprise répond : "oui, à condition de prendre en compte la mise en marché". C'est sans doute seulement en conciliant ces deux entrées qu'un accord cadre pourra être trouvé. Avec d'un côté une entreprise qui a peur de perdre de la compétitivité à l'international et de l'autre des éleveurs "fatigués d'entendre le même discours depuis 30 ans", et inquiets de l'attractivité de leur métier, pourtant la clé essentielle du renouvellement des générations.
Il a dit :
Benoît Rouyer, économiste au Cniel
Sur les quatre premiers mois de 2019, la production de lait a reculé dans les différentes régions françaises, à l'exception de la Bretagne, de la Normandie et des Hauts de France. Les coûts de production augmentent depuis l'été 2017. Depuis mars, la production laitière se redresse dans l'Union européenne, marque le pas aux États Unis, et baisse fortement en Nouvelle Zélande. (...) Le point problématique sur le marché français, ce sont les volumes avec des tendances plutôt négatives, sauf pour le fromage. Pour 2019, les perspectives sont plutôt positives à l'exception du Brexit. Ainsi, on note l'impact de la loi agriculture et alimentation (Egalim) même si ce n'est pas miraculeux, la disparition des stocks de poudre et la production laitière peu dynamique des grands bassins. Pour créer de la valeur, il faut s'appuyer sur le plan de filière, la loi Egalim, les labels, et la différenciation, collective ou privée. Des choses se mettent place, mais il faut être vigilant pour que les engagements sur les marques nationales ne se traduisent pas par un retour de bâton sur les MDD (marques distributeurs).