Manger français pour produire français
Aux Etats-Unis, cela s'appelle le Buy-Act, - le fait d'acheter américain - geste mi-patriotique, mi-économique. C'est aussi une réalité en Allemagne où le consommateur a depuis longtemps intégré le fait qu'acheter Allemand, c'est préserver l'emploi et l'économie du pays. En France, la FRSEA Bretagne et Pays de La Loire ont fait du "manger français pour produire français" leur priorité et entendent bien profiter du Space pour marteler ce message, une attitude qui ne doit pas être seulement une réaction ponctuelle à une crise mais un comportement durable.

Les responsables syndicaux de Bretagne et des Pays de Loire étaient à Rennes lundi. Ils ont décliné les différentes facettes d'une action conduite depuis cet été, et dont l'embargo russe ne fait que montrer l’acuité.
L'embargo russe amplifie les difficultés
Depuis le début de la crise en Ukraine, les mauvaises nouvelles n'ont fait que s'ajouter les unes aux autres. L'embargo russe décidé sur l'ensemble des importations va amplifier les difficultés de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Joël Limouzin cite l'exemple des pommes polonaises qui, au lieu de trouver leur déboucher en Russie, vont se déverser sur les marchés européens. Pour Thierry Coué, "l'inquiétude est réelle dans toutes les productions". "On peut casser des filières avec ces produits qui vont revenir sur les marchés européens".
Pour les responsables syndicaux, il est temps de prendre le taureau par les cornes et de se tourner vers le consommateur et les transformateurs pour leur demander de jouer le jeu de la "préférence locale".
Cette crise vient surtout s'ajouter à des difficultés déjà existantes. "L'agriculture ne cesse de reculer". Pour Thierry Coué, "elle souffre d'un manque de compétitivité, du fait notamment des distorsions sur les charges, sur le coût salarial, et de la sur-transposition en droit français de dispositifs européens".
Cibler la restauration hors foyer
Pour Christiane Lambert, il ne s'agit pas de revenir à un "discours patriotique" mais de tirer les conséquences des dérives constatées. Ainsi "alors que la restauration hors foyer représente 30 % de la consommation totale de viandes, près de 85 % des viandes utilisées sont aujourd'hui importées".
Or, si le code des marchés publics obligeait les gérants de cantines par exemple à privilégier les offres les plus basses en prix, cette notion de " moins disant" a été remplacée depuis quelques années par une notion de "mieux disant". Cela peut permettre d'élargir les critères de choix au delà des questions de prix, à des notions de qualité, de circuit de production, voire à des critères de proximité géographique.
Pour les responsables, appeler les consommateurs à favoriser les produits français est indispensable. Cela se pratique déjà largement dans d'autres pays. Cette évolution doit s'accompagner de développements réglementaires permettant de créer les conditions du respect du droit de la concurrence.
Obtenir l'appui des responsables politiques
Pour Thierry Coué, la priorité doit être donnée au maintien de la production française et à la défense de l'exportation. "L'embargo va nous affaiblir. L'Europe doit assumer la décision politique qui a été prise et ne pas laisser un seul secteur professionnel l'assumer". Le conseil des ministres de l'agriculture européen du 5 septembre sera consacré à cette question. Plusieurs décisions sont attendues, notamment sur des dispositifs d'anticipation et de gestion des crises, des aides aux secteurs en difficultés et le maintien de régulations.
Mais les responsables régionaux souhaitent que les décisions dépassent le cadre de la crise ukrainienne. "l'enjeu c'est aussi de préserver notre production et nos emplois". Pour cela, ils attendent des responsables politiques que, déjà, ils aident les entreprises en concrétisant leurs discours. "Les discours n'ont pas infusé dans l'administration française". Ainsi l'expérimentation promise par Jean-Marc Ayrault l'an passé, pour une gestion déconcentrée des procédures permettant d'aller vers la simplification est pratiquement restée lettre morte.
Joël Limouzin insiste : "le rouleau compresseur de l'administration" résiste et aboutit aux dérives maintes fois constatées de sur-transposition des textes européens en droit français, qu'il reste ensuite extrêmement difficile de faire évoluer.
Le souci bien souvent ne vient pas des orientations politiques mais de leur non-déclinaison. Il est urgent de sécuriser les systèmes de production. Alors, bien évidemment les responsables syndicaux profiteront de la tribune du Space pour s'adresser aux responsables politiques et aux ministres, auxquels ils demanderont des entretiens. Mais ils n'oublieront pas que la question des filières, des prix et du revenu passe très souvent par la grande distribution, qui sera sans aucun doute au moment du Space l'autre pôle au centre des attention des éleveurs.