Olivier Allain
Président de la commission économie de la chambre régionale d'agriculture de Bretagne

La Bretagne s'était prononcée pour une Pac qui soutienne l'élevage, pensez-vous avoir été entendu ?
Olivier Allain. S'il fallait résumer, je dirais que l'élevage de montagne a été entendu et que l'élevage de plaines ne l'a pas été autant qu'on pouvait attendre. L'ICHN qui est une aide versée pour compenser les handicaps naturelles en zone de montagne notamment, avec 350 millions d'euros de plus en 2019 par rapport à aujourd'hui, est bien dotée, mais cette mesure ne concerne pas la Bretagne. Par contre le taux de couplage, qui passera de 10 à 15% va conforter tout l'élevage bovin. Les éleveurs porcins et avicoles quant à eux auront du mal à voir du mieux dans leur situation puisque leurs productions sont non couplées.
Et le paiement redistributif, avec la surdotation pour les 52 premiers ha ?
O.A. On aurait pu espérer que ce paiement redistributif soit mieux doté, il ne sera financé qu'à hauteur de 20% de l'enveloppe des aides PAC pour la France, ce qui veut dire que cette sur dotation envisagée à 160 euros l'hectare n'atteindra que 100 à 110 euros d'après nos premières estimations. Ce n'est pas rien, mais on pouvait espérer mieux. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'avec le scénario qui prévalait il y a quinze jours encore, le niveau d'aides pour la Bretagne aurait été plus important en 2015 qu'il ne l'aurait été en 2014 dans un budget global de la PAC en baisse de 4%. Cela aurait été un vrai succès. Ma première déception vient de ce constat-là, on était tout près de parvenir à une dotation meilleure que ce qu'elle est au final. D'un autre côté, on a échappé à une convergence totale des aides, souhaitée par la Commission, qui aurait été une catastrophe pour la Bretagne en générant -22% d'aides pour notre région. Avec les annonces de François Hollande, la perte devrait se situer aux alentours de - 7%.
Les Bretons ne sont donc ni gagnants, ni perdants ?
O.A. Nous sommes légèrement perdants parce que le paiement redistributif n'a pas été à la hauteur de ce qu'il aurait pu être. La clef d'un résultat satisfaisant pour les Bretons était là. C'était le seul moyen trouvé pour soutenir les élevages de plaines, intensifs sur de petites structures.
S'il fallait être vigilant sur l'application française de la réforme de la PAC dans les semaines à venir, sur quels points porteriez-vous votre attention ?
O.A. Il y a deux points sur lesquels il faudra être vigilant. C'est d'abord sur la prime à la vache laitière. Le principe est acquis, mais il faut que toutes les vaches laitières en bénéficient, en excluant tous critères territoriaux ou environnementaux dans les modalités de leur attribution. Le deuxième point de vigilance, c'est le paiement redistributif. La seule chose que l'on sait aujourd'hui, c'est qu'il sera progressif pour atteindre 20% de l'enveloppe des aides Pac en 2018. Mais on ne sait pas à quel niveau il va démarrer, il est clair qu'il n'a d'intérêt et d'efficacité pour les agriculteurs que s'il démarre à un niveau le plus élevé possible. Aujourd'hui, ce sont particulièrement ces deux points qui doivent être éclaircis sur le premier pilier. Par ailleurs, il conviendra aussi de s'assurer que l'application du 2e pilier permette d'accompagner la modernisation de l'élevage et son adaptation aux enjeux de demain.
Plus globalement, que retenez-vous de cette réforme de la PAC ?
O.A. Je crois que, d'une certaine façon, nous revenons de loin. Avant même que soient annoncées par Dacian Ciolos les grandes orientations de la future PAC, tout laissait penser que le principe de la convergence des aides allait avoir des effets dévastateurs dans les régions d'élevage comme les nôtres. Il a donc fallu imaginer des mécanismes compensatoires de cette convergence des aides PAC. J'ai pour ma part plaidé pour la création d'une prime à l'élevage dès 2011. Et c'est la France qui en a défendu le principe à Bruxelles. Le paiement redistributif est la traduction européenne de l'idée de cette prime à l'élevage. Il a été acté par le réglement européen...Et aujourd'hui, d'autres pays, tels l'Allemagne ou l'Espagne vont également l'utiliser. C'est bien la preuve qu'avec un peu de volonté et de détermination, on peut pousser des idées très loin. C'est aussi ce qui me fait dire que la réforme de la PAC, telle qu'elle est devenue au fil des négociations européennes et françaises, n'est pas une si mauvaise réforme. Bien sûr, la surdotation de 110 euros pour les 52 premiers hectares n'est pas la prime à l'élevage de 200 euros que nous réclamions mais elle s'en inspire beaucoup, et surtout elle existe.