Stress, dépression, suicide…
Quand le travail rend malade
Le stress au travail rend malade. Ses conséquences humaines peuvent être dévastatrices pour l'individu et elles coûtent de plus en plus cher à la société. Des préoccupations que les MSA des Portes de Bretagne ont faites leurs, organisant le 25 novembre dernier, un colloque à Ploërmel sur les risques psychosociaux au travail pour mieux les prévenir.

Les 29 suicides comptabilisés par France Télécom n'en sont que la triste illustration. Mais le tabou vacille. Le travail affecte donc la santé, y compris mentale, des individus soumis au stress. L'agriculture y paye aussi son tribut. Et si le sujet n'est pas récent, la prise de conscience l'est, en revanche. Et les liens de causes à effets ne sont désormais plus contestés. "De multiples études épidémiologiques sont venues démontrer les liens causaux entre les expositions psychosociales au travail et les troubles de la santé", atteste le Docteur Christine Cohidon de l'Institut de Veille Sanitaire auprès d'un amphi comble où les représentants des entreprises bretonnes et des Comités d'Hygiène et de Santé au travail sont venus s'informer.
4 % du PIB des pays industrialisés
Si cela ne coûtait pas, cela n'intéresserait pas ! Et le sujet fait mal coté portefeuille. "L'évaluation porte pour 2005 entre 1,2 et 2 milliards d'euros en France. 3 à 4 milliards de journées de travail sont perdues à cause du stress au travail, soit jusqu'à 24 % de la branche Arrêts de Travail Maladies Professionnelles", estime le Docteur Patrick Moriceau, médecin du travail des MSA des Portes de Bretagne. Le Bureau International du travail mène aussi son enquête évaluant les implications du stress au travail à 4 % du PIB des Pays Industrialisés. "Investir dans la prévention des risques psychosociaux est nécessaire pour éviter les conséquences humaines, mais c'est également rentable pour les entreprises", souligne t-il. D'autant que l'évaluation de ces risques est devenue obligatoire, au même titre que tous les autres risques professionnels. D'où la nécessité de bouger.
Intensification du travail et mondialisation, quand la ressource devient aussi humaine
Mais comment en est on arrivé là ? Pour le sociologue du travail, Jorge Munoz, de l'Université de Bretagne Occidental, le lien est clair. La vision d'une économie mondialisée en perpétuelle croissance en est la principale responsable. Elle a engendré des avatars que sont les modes de management permettant d'organiser le travail dans ce but du toujours plus Des bras armés. "Ils ne sont qu'une tentative de rationaliser et de codifier les dimensions humaines de l'entreprise. Mais paradoxalement beaucoup d'entre eux occultent et amoindrissent ce qui est propre à l'univers social et humain" explique t-il. Avec des maîtres mots qui sont maîtrise, contrôle, performance et rationalité, cela finit par coincer dans le monde de l'entreprise. "Il semblerait que d'autres modes managériaux, plus participatifs, mutualistes, coopératifs ou de cogestion protègent mieux de ces risques psychosociaux" relève le sociologue. Un fondement que l'agriculture avait su donner en créant ses coopératives, ses groupes de développement et ses réseaux transversaux. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, rattrapés eux aussi par les aspirations et les contraintes entrepreneuriales, les agriculteurs sont exposés, eux aussi, aux risques psychosociaux. Exigences administratives et réglementaires fortes, contrôles, conditionnalité, pénalité, crises… Un stress qui n'est pas, lui aussi, sans implication sur la santé. Là aussi, où il y aura beaucoup à faire pour éviter les 260 suicides d'agriculteurs par an en France.
Claire Le Clève
Légende De multiples études épidémiologiques sont venues démontrer les liens causaux entre les expositions psychosociales au travail et les troubles de la santé", atteste le Docteur Christine Cohidon de l'Institut de Veille Sanitaire, à droite sur ce cliché