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La médiation, "pour écouter tout le monde et que tout le monde s’écoute"

"Notre fils aîné n’a plus trouvé sa place", alors pour que ne volent pas en éclats les relations familiales qui leur sont si chères, Jeanne et Francis, les parents (si ces prénoms sont d’emprunt, ce témoignage est véritable ndlr), en accord avec leurs trois garçons en Gaec avec eux, ont fait appel à la médiation. Au bout du compte, si l’un des enfants a décidé de partir, les relations, elles, n’ont pas été rompues et "la famille est préservée, c’est l’essentiel".

Les médiateurs permettent de sortir du schéma des gants de boxe et de s'écouter.
© Pixabay

"Nous avons accepté de témoigner parce que nous pensons que cela peut-être utile, notre cas n’est pas isolé", justifie, non sans courage sur une parole rare, le couple qui, assis puis allant et venant autour de la table de cuisine, va devoir raconter un chapitre difficile de leur vie, plus apaisée.

 

"On mélangeait tout, le professionnel et le familial"

À l’origine, une ferme. Une ferme familiale comme tant d’autres, en Ille-et-Vilaine, devenue boulangère. Une ferme de 47 ha conduite par deux hommes, frères si soudés, et Jeanne, l’épouse de Francis, l’un d’entre-eux deux. "Tout marchait bien, après quelques années de galère, nous avions trouvé notre rythme de croisière", se remémore-t-elle, souriante, ouverte. Chacun des trois associés avait trouvé sa place, aux cultures, au four et au moulin. Entre le marché des Lices à Rennes, leur magasin de producteurs, ceux du réseau Biocoop et la vente à la ferme, la production et la commercialisation… tout était abouti. "On glissait vers la retraite, gentiment", rappelle Francis, puisant l’assentiment de Jeanne dans son regard, leur soixantaine toute fraîche en poche.
En 2015, leur aîné les a déjà rejoints sur la ferme au départ de son oncle. Et c’est une récolte exceptionnelle de blé noir qui va modifier la donne. Les deux derniers enfants du couple souhaitent alors revenir pour développer un atelier de chips de sarrasin, issues de leurs galettes fraîches. "En deux ans, ils ont fait le chiffre d’affaires qu’on a mis 25 ans à réaliser", résume Jeanne. "Nous étions sur ce site en bas, les enfants sur le 2e, on ne voyait pas leur fonctionnement". La charge de travail est énorme. L’ambiance se désagrège, devient délétère. "On mélangeait tout, le professionnel et le familial", l’affectif et le technique… "C’était le bazar la haut, on ne le voyait pas, on le subodorait. Je redoutais de les voir ne plus se parler", se remémore Jeanne.

Le pourquoi, ce n’est pas ce qui est important alors que comment faire pour que les choses changent, que le dialogue reprenne, apaisé, c’est ça l’essentiel.

Une communication professionnelle minimaliste

Une amie de Jeanne évoque avec elle le recours possible à la médiation via AgriMédiation Bretagne. Elle adhère au principe, tout comme Francis. "Quand quelque chose va mal, j’ai plutôt tendance à aller voir quelqu’un", résume Francis de leur état d’esprit. Les enfants sont aussi partants. En 2019, la structure qui vient de se régionaliser délègue deux médiateurs (lire encadrés), Marie-Claire, ex-animatrice du relais morbihannais de médiation et Olivier, agriculteur, formé pour qui c’est une première. "Leur accompagnement a duré de mai à novembre, des entrevues à plusieurs reprises, puis une fois en 2020". Avec un déroulement rôdé (voir article ci-contre), "ils prennent la précaution d’entendre chacun individuellement, ils écoutent, puis les réunions se passent avec tous les membres du Gaec, devant ces intermédiaires, qui sont bienveillants, neutres", raconte alternativement le couple appréciant, à sa juste valeur, le professionnalisme mis en œuvre avec confidentialité, discrétion et impartialité. "Ce que nous avions pu dire lors des conversations individuelles était respecté mais chaque médiateur l’avait en tête et s’appuyait dessus lors des réunions communes". "C’est forcément difficile, il y a des choses qui se dévoilent, ou pas, mais c’est une occasion pour faire un point", estiment Francis et Jeanne posant le constat : "avant, la communication professionnelle était réduite au strict minimum !".

 

"Nous apprendre à nous écouter"

Au final, "le pourquoi, ce n’est pas ce qui est important alors que comment faire pour que les choses changent, que le dialogue reprenne, apaisé, c’est ça l’essentiel. La difficulté c’est d’inventer le comment, ensemble, pour tout le monde", résume Francis d’un processus de médiation "qui n’est pas la panacée mais c’est une aide énorme". Et puis il y a l’après, sans paillette ni happy-end à tout prix, où ils ont su faire advenir le dialogue. "Chacun a pu se positionner, on s’est parlé un peu plus sereinement", estime Jeanne. "Dans la médiation, il y a des principes, c’est écouter tout le monde et que tout le monde s’écoute", pointe Francis sur le processus en œuvre. Une médiation, qui outre le dialogue restauré, a aussi accouché d’un règlement intérieur, d’une réunion hebdomadaire. "On a mis tout ça en place, ça se passe plus ou moins bien mais on le fait, et les choses sont mieux", estiment-ils de concert.
Quatre mois après la dernière réunion, en 2020, leur fils aîné a pris la décision de partir. "C’est grâce à la médiation qu’il l’a fait a peu près sereinement et que nos deux autres enfants ne lui en veulent plus d’être parti en raison de la surcharge de travail qui en découle".
Une médiation "ne présage pas de l’issue mais elle vaut le coup. On est content parce que la famille est préservée, c’est l’essentiel".

 

La médiation ça s’apprend !

Agri Médiation Bretagne propose une journée de formation pour mieux situer la notion de conflit, le rapport au conflit et aussi repérer un mode de gestion des conflits où chacun s’implique : la médiation. À partir de l’expérience de médiateurs et médiatrices d’Agri Médiation Bretagne, sera analysée l’implication de chacun dans la compréhension du conflit et la recherche de solutions, la confidentialité, la posture du tiers neutre, formé à la médiation et bienveillant. Ces outils peuvent être repris au quotidien dans les relations professionnelles.
Le 2 mars de 9h30 à 17h00. La localisation de la formation sera définie en fonction des inscriptions. Tarif : 42 €. Formation éligible au crédit d’impôt formation. Inscription et renseignements au 02 23 48 27 11

 
Pour découvrir la médiation en agriculture : www.bretagne.synagri.com/synagri/mediation-en-agriculture

 

La médiation, de quoi parle-ton ?

médiation

Un temps dédié pour chercher des solutions entre personnes concernées par un différend, une vision divergente. Un temps pour chercher à mieux se comprendre, soi, ses réactions mais aussi "l’autre" avec l’appui d’une personne extérieure à la situation : le ou la médiatrice. Avec Agri Médiation, la profession a fait le choix de la co-médiation par les pairs, c’est-à-dire : une médiation conduite par deux personnes, un homme et une femme complémentaire dans leur sensibilité, agriculteur ou agricultrice ou retraité.e de l’agriculture pour faciliter la compréhension, et la confiance par une connaissance partagée du métier. Les médiateurs sont formés et échangent régulièrement dans le respect de la confidentialité sur les situations vécues, pour améliorer leur pratique et prendre le recul nécessaire.
La médiation prévoit un temps, où l’on regarde ce qui s’est passé, on revient sur les faits, on quitte le jugement pour mieux analyser, comprendre et tenter d’accepter les différences de points de vue. Quand cette première étape est franchie, on peut alors chercher des solutions pour identifier ensuite celle qui convient le mieux aux différentes parties et la finaliser. Pour cela on alterne des temps d’entretien individuel et collectif.
La durée de la médiation varie en fonction des situations, en 2020, les médiations se sont conduites en moyenne avec quatre rendez-vous (d’1/2 ou d’1 journée suivant les cas) pour un montant moyen de 1 330 €, il était le 1 850 € en 2019. Ces montants varient d’une médiation à l’autre, ils comprennent le temps passé par les médiateurs à hauteur de 160 € par jour, les frais de déplacement et un forfait administratif de 250 €.

 
INFO : Nathalie Darras, chambre d’agriculture de Bretagne, Agri Médiation Bretagne, 02 23 48 27 11, agrimediation@bretagne.chambagri.fr

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