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La méthanisation face à l'acceptation sociétale

La méthanisation jusqu'en Bretagne soulève des crispations. Alors qu'un "Carrefour du gaz renouvelable breton" était organisé en Côtes d'Armor, un syndicat agricole manifestait dénonçant des dérives et demandant un moratoire sur les nouvelles installations. Chez les défenseurs de la méthanisation, on demande aussi que la puissance publique intervienne et défende le projet régional. Éclairage.

La transition énergétique est actée. "C'est l'ensemble des énergies renouvelables - l'éolien, le photovoltaïque, le biogaz... -, c'est ce mix qui doit y participer".

Les participants du premier Carrefour du gaz renouvelable breton, organisé par le Village By CA à la Caisse régionale du Crédit agricole des Côtes d'Armor à Ploufragan, ont été accueillis par une délégation de manifestants mobilisés par la Confédération paysanne le 7 octobre dernier. Depuis le syndicat agricole a poursuivi ses actions (voir encadré). La question divise et les interventions des participants sur les atouts de la Bretagne - "et son gisement agricole contributeur de la production de biométhane" - n'ont pu écarter cette réalité de faits. "Dans ce contexte, il y a une frilosité à parler du biogaz comme de l'éolien terrestre et en mer", reconnaît Dominique Ramard, président du syndicat d'Energie des Côtes d'Armor.
Cela dit il faut convaincre et la tâche n'est pas aisée, car comme l'alimentation, la production des énergies renouvelables alimente des débats passionnels.

 

Vers une réduction des énergies fossiles

La transition énergétique est actée, il faut maintenant avancer, disent en substance les professionnels et l'administration présents au carrefour. "C'est l'ensemble des énergies renouvelables - l'éolien, le photovoltaïque, le biogaz... -, c'est ce mix qui doit y participer", explique Eric Hennion, directeur adjoint de la DDTM des Côtes d'Armor.
Et le gaz a toute sa place dans cette transition ! "On maintient que le gaz a un rôle dans la transition et qu'il continuera à jouer un rôle important", assure Christian Couturier, le président de l'association Négawatt et directeur de Solagro, dont le rôle est de bâtir des scénari à long terme. Une position partagée par le syndicat d'Energie des Côtes d'Armor. Dans les tuyaux, il est transporté du gaz tous les jours sur 1 820 km, quant à l'entreprise d'abattage Kermené, les raccordements ont été faits, elle vient de basculer du fuel vers le gaz fossile. Pour Dominique Ramard, le scénario se fait étape par étape : demain le gaz fossile sera remplacé par le biogaz. Dans l'ère du "consommer local", ce dernier argumente, "je préfère avoir du gaz biométhane local que du gaz norvégien ou russe". Le "local" est aussi un argument de poids.
Les choses se précisent, la loi Climat et Résilience votée le 24 août 2021 acte d'ici 2040 la fin des énergies fossiles dans les moteurs thermiques. Deux métropoles en Bretagne, Brest et Rennes, sont concernées par les "zones à faibles émissions mobilité" (ZFE-m) imposées désormais avant le 31 décembre 2024. Bref, en 2025, seuls les véhicules répondant aux normes Euro 5 et 6 et porteurs d’une vignette Crit’Air 1 (gaz, hybride), 2 (diesel à partir de 2011) ou verte (électriques, hydrogène) pourront être autorisés à rouler dans les ZFE. Cette transition en faveur du biogaz reste difficile à partager avec les plus sceptiques. Des pistes et des conseils ont été envisagés pour améliorer l'acceptabilité sociétale.

Un projet qui arrive au permis de construire et qui est attaqué, c'est un échec pour tous.

Concertation, planification et transparence : à chacun d'agir

Du porteur de projet jusqu'à l'État et les collectivités locales, chacun peut agir. Dès la planification d'un projet d'unité de méthanisation, lorsque l'on est porteur du projet, il faut anticiper et engager la concertation localement. "Vous allez avoir des voisins et des élus qui vont se poser des questions. Vous êtes la meilleure personne qui peut expliquer !", assure Armelle Damiano de l'association Aile. Et de prévenir : "la concertation est différente de l'information". Rencontrer le conseil municipal avant l'enquête publique, expliquer le projet aux voisins, à la commune, faire visiter les installations après la construction, rendre des services comme la récupération des tontes de tous les voisins... "Un projet qui arrive au permis de construire et qui est attaqué, c'est un échec pour tous : à chaque projet, il faut expliquer, enlever les non-dits, les pensées imaginaires", partage Eric Hennion de la DDTM. Mais pas que. La question étant "comment mettre tous les acteurs autour de la table pour faire accepter le gaz dans les réseaux ? " Pour les professionnels présents, l'intervention des pouvoirs publics est nécessaire à l'acceptation sociétale. La planification et la transparence est essentielle. Déjà, le Sraddet (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires) élaboré par la Région et signé par l'État pourrait être mieux porté et défendu. Il est demandé aussi à l'Etat de la transparence et de l'information vers le grand public. "L'État doit dire le pourcentage de maïs qui entre dans les unités de méthanisation en Bretagne. L'Etat doit amener cette transparence car les lobbies sont à la manoeuvre !", lance un participant.
Pramatique, Dominique Ramard estime qu'il faut avant tout avancer et "corriger tout en avançant". "Si on passe son temps à dire que ce n'est pas parfait, alors on ne fait pas et nous n'irons pas au 2,5°C des Accords de Paris".
Pour rappel, fin 2020, la Bretagne comptait 104 des 682 installations de méthanisation pour la production d’électricité en France. Elle figure ainsi au 2e rang des régions pour le nombre d’installations comme pour la capacité installée (29 MW), après la région Grand-Est et avant la Normandie. Au 31 décembre 2020, en Bretagne, 28 installations de production de biométhane ont injecté 231 GWh dans les réseaux de gaz pour l’année considérée (1).

(1) Source Dreal Bretagne.
(2) Article D543-292 du code de l'environnement.

 

Négawatt oriente le biogaz vers le transport de marchandises

méthanisation

Dans un nouveau scénario à paraître, l'association Négawatt - association proposant des solutions pour faire face aux enjeux énergétiques, environnementaux et sociétaux des prochaines décennies - estime qu'il faut aider la filière biomasse par le tarif de rachat mais diviser par deux la consommation de gaz pour la réorienter vers le transport des poids lourds. "La mobilité électrique a pour limite la ressource en cobalt et lithium, la durée d'exploitation des ressources ne dépasse pas la fin du siècle", annonce Christian Couturier. Pour Négawatt, il faut donc limiter l'électromobilité et augmenter le biogaz. En effet, le transport représente un tiers de la consommation énergétique en Bretagne, et consomme d'abord des produits pétroliers. En résumé, le scénario est de mettre le paquet sur la baisse de consommation du gaz tout en passant au moteur gaz puis biogaz, le transport de marchandises. 

 

Conf' : pour un moratoire des nouvelles installations

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Nuisances, fuites, subvention, concurrence avec les ressources alimentaires..., la méthanisation est critiquée comme étant une "fausse énergie verte" qui plus est subventionnée. Après la mobilisation de la Confédération paysanne lors du Carrefour du biogaz breton le 7 octobre, le syndicat agricole a été reçu par le préfet des Côtes d'Armor et ses services. La Conf' demande un moratoire sur les nouveaux projets de méthanisation. Dans un communiqué, elle explique : "il nous paraît indispensable de prendre du recul sur l'impact des 1 300 méthaniseurs déjà présents en France. Sur le terrain, c'est l'accaparement des terres par les nouveaux énergéticiens qui est observé". Est réclamé un plan de suivi à partir de la situation actuelle. "Nous ne pouvons tolérer que plus d'argent public soit investi dans cette technologie sans des études d'impacts indépendantes et un vrai débat de société".
Jean-Marc Onno, coprésident de l'association des méthaniseurs de France, est intervenu sur les chiffres s'agissant du maïs incorporé que la Dreal recense chaque année, précise-t-il. Face aux détracteurs, le représentant indique que seuls 6,5 à 7 % de maïs en moyenne entrent dans un méthaniseur en Bretagne quand la réglementation limite les cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, dans une proportion maximale de 15 % du tonnage brut total incorporé par an (2). Ce dernier estime qu'il faut sortir la méthanisation agricole du débat sur la méthanisation tout court. "Il faut tenir compte de la spécifité agricole", défend-il.
Nuisances, fuites, subvention, concurrence avec les ressources alimentaires..., la méthanisation est critiquée comme étant une "fausse énergie verte" qui plus est subventionnée. Après la mobilisation de la Confédération paysanne lors du Carrefour du biogaz breton le 7 octobre, le syndicat agricole a été reçu par le préfet des Côtes d'Armor et ses services. La Conf' demande un moratoire sur les nouveaux projets de méthanisation. Dans un communiqué, elle explique : "il nous paraît indispensable de prendre du recul sur l'impact des 1 300 méthaniseurs déjà présents en France. Sur le terrain, c'est l'accaparement des terres par les nouveaux énergéticiens qui est observé". Est réclamé un plan de suivi à partir de la situation actuelle. "Nous ne pouvons tolérer que plus d'argent public soit investi dans cette technologie sans des études d'impacts indépendantes et un vrai débat de société".
Jean-Marc Onno, coprésident de l'association des méthaniseurs de France, est intervenu sur les chiffres s'agissant du maïs incorporé que la Dreal recense chaque année, précise-t-il. Face aux détracteurs, le représentant indique que seuls 6,5 à 7 % de maïs en moyenne entrent dans un méthaniseur en Bretagne quand la réglementation limite les cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, dans une proportion maximale de 15 % du tonnage brut total incorporé par an (2). Ce dernier estime qu'il faut sortir la méthanisation agricole du débat sur la méthanisation tout court. "Il faut tenir compte de la spécifité agricole", défend-il.

 

 

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