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Dans le groupe Dephy, des parcelles sans fongicide, sans régulateur : intérêt, risque ?

Réduire l’usage des intrants dans la durée : c’est l’objectif du groupe Dephy Ecophyto Est Morbihan, formé en 2011 à partir de 12 exploitations (en lait, porcs, de 60 à 200 ha de SAU) et animé par la chambre d’agriculture. En dix ans, la réduction de l’usage des produits phytos est réelle. Ces agriculteurs font désormais des impasses sur certaines cultures, certaines années. Ils limitent le risque en activant plusieurs leviers agronomiques. Voici quelques retours sur des parcelles conduites sans fongicide et sans régulateur.

Les bouts de champs pour reconnaître les maladies foliaires, les stades des céréales, les seuils d’intervention ont permis d’avancer ensemble.

Dès 2011, le travail sur les choix de variétés de céréales, la date de semis, les doses et dates d’apport de l’azote ont porté leurs fruits. La réduction d’IFT en "hors herbicides", c’est-à-dire fongicides, insecticides et régulateurs atteint 70 % en moyenne pour le groupe sur la rotation étudiée (la plus consommatrice). Les résultats des essais de l’équipe protection des cultures a permis aussi de rassurer : les rendements ne décrochent pas si vite.

 

Et sans herbicides ?

Certains agriculteurs du groupe ont fait des impasses herbicides sur une ou deux parcelles mais de façon très opportuniste ou ciblée. Jean-Yves Briand, à Nivillac, a ainsi désherbé mécaniquement un maïs semé tard et après prairie : un passage de roto étrille puis un binage. Ses autres maïs ont reçu un désherbage chimique même si un binage a pu compléter la stratégie. Nicolas Leblanc a, lui, mené une parcelle de colza sans herbicide en l’associant à du blé noir comme le font certains bio. Son objectif : ne pas sortir le pulvérisateur sur cette petite parcelle bordée de riverains.

groupe Dephy

Faut-il viser les impasses complètes ?

À chacun sa stratégie et ses objectifs. Mais les impasses ne se décrètent pas : il faut s’y préparer sur le long terme, démarrer par la réduction pas à pas et activer plusieurs leviers agronomiques pour assurer un système robuste. Mais surtout, la décision doit être réfléchie et le risque accepté !! Après 10 ans de travail en groupe, certains font le choix de faire des impasses en mesurant et acceptant les risques.

 

Les clés de la réussite

- Activer plusieurs leviers pour avoir un système robuste : variété tolérante, date de semi, dose d’azote, observation de la progression des maladies.
- Se fixer ses propres objectifs (dans le groupe, certains ont des objectifs rendements et volumes, d’autres plutôt marges et temps de travail…). Adapter sa stratégie à ses objectifs.
- Avancer pas à pas : tolérer quelques dégâts et tester la réduction des phytos sur une parcelle.

 

Témoignages : Sylvain Tabart, Arzal

groupe Dephy

Huit ans sans régulateur et avec un seul fongicide sur blé : c’est ce que nous avons fait. Sur mon secteur, en général, avec deux apports d’azote et une variété tolérante pas besoin de réguler. De 2012 à 2015, j’ai eu des tests variétés pour voir lesquelles sont les plus tolérantes aux maladies et la date optimum pour déclencher le fongicide. Pendant ces quatre années, grâce aux observations, j’ai fait une seul fongicide à 50-60 €/ha. Et j’ai maintenu mes rendements : en 2013 et 2014, j’ai même fait 80 q/ha avec un seul fongicide. Le potentiel ici, c’est plutôt 65-70 q/ha. Maintenant, je tolère plus de tâches sur les feuilles : j’observe et, tant que les jeunes feuilles sont saines, j’attends.
L’an dernier, j’ai essayé une zone sans fongicide sur blé. C’était moins joli mais on n’avait pas tant de différence que ça. Du coup, cette année, j’ai voulu faire l’impasse sur blé et triticale. Les blés étaient sains au niveau septoriose mais, lors d’une dernière observation, j’ai vu que mon mélange Sacramento + LG Absalon avait de la rouille jaune ! Ma sélection Grimm et Perkussio était indemne. J’ai décidé de traiter là où il y avait de la rouille jaune et de tenter le zéro fongicide sur mes autres blés et sur triticales. Résultats : 74 à 80 q sur le mélange traité et 71 sur ma sélection non traitée avec une parcelle qui décroche à 58 q (mais sol moins riche et parcelle un peu touchée au désherbage). Je suis content d’avoir testé, 71 q sans fongicide c’est un beau résultat. Et je suis aussi content d’avoir décelé et traité la rouille jaune ! En triticale, sur des parcelles plus humides, je sors 56 à 66 q/ha avec des bons PS (73-74) et sans fongicide !
Ma stratégie reste un seul fongicide à ½ dose à dernière feuille étalée ou début épiaison. Je referai sûrement des impasses fongicides certaines années et sur certaines parcelles selon la météo et la progression des maladies.
Par contre, si une année, je dois faire deux passages, je le ferai. Il faut s’adapter à l’année, être clair avec ses décisions et aller observer.

 

Témoignages : Hervé Le Pironnec, Questembert

groupe Dephy

Un fongicide et un régulateur : c’était ma pratique quand j’ai démarré la culture de l’orge, avec l’objectif de la garder pour mon troupeau. Puis, dans le groupe, on a travaillé sur le choix de variétés moins sensibles aux maladies et à la verse. En retardant la date de semis, j’ai pu baisser la dose de mon unique fongicide et gagner en marge : même rendement avec moins de produits (je me donne une enveloppe maxi de 35 €). Je vais aussi observer toutes les semaines : je note les maladies présentes et le taux de feuilles atteintes. Ca me permet de savoir si le seuil est dépassé ou non et si je déclenche l’application. En général, c’est un fongicide à sortie des barbes. Je fais aussi des reliquats azoté sur mes parcelles ce qui m’aide à apporter la juste dose d’azote. J’ai signé une MAE et je n’ai plus droit au régulateur mais je souhaite garder l’orge dans ma ration. Grâce à ces leviers (choix de variétés, observations, dose d’azote), j’ai pu me passer de régulateur sans souci. Par contre je ne mets pas d’hybride.
L’impasse fongicide a eu lieu la première fois en 2018. Ce n’était pas un souhait. Je me suis laissé absorber par les récoltes d’herbe. Et quand j’ai voulu caler mon fongicide l’orge était déjà à pleine épiaison. Le cycle était presque fini, les jeunes feuilles n’étaient pas si atteintes par les maladies. J’ai pesé le pour et le contre et je ne suis pas intervenu. Résultat : 65 q/ha et une paille saine. C’était dans la moyenne des orges livrées sur mon secteur. En 2019, j’ai refait un fongicide. Puis, en 2020 et 2021, de nouveau, j’ai fait l’impasse fongicide. Quand on a fait une fois et que ça s’est bien passé, on est plus serein ! Je ne vise pas le rendement maximum mais plutôt la marge. Moins de passage, ça me permet de gagner du temps. Et je m’expose moins aux produits : ma santé est aussi importante que quelques quintaux. En fait, tout est question d’objectifs et de prise de risque. Je passe une fois par semaine dans mon orge pour observer soit 3-4 h par an, pour décider ou non d’intervenir. Moi, dans mon système, faire 0 ou 1 fongicide pour 65-70 q/ha ça me va bien. L’impasse totale n’est pas mon objectif, plutôt une opportunité que je saisis selon les années.

 

Pour aller plus loin : 

Le dossier céréales d’hiver : protection contre les maladies paru dans Terra
https ://www.terra.bzh/dossier/cereales-dhiver-2021-protection-contre-les-maladies
La page du groupe Dephy sur ecophytopic https ://ecophytopic.fr/dephy/groupe-plus-dautonomie-avec-moins-de-phytos-est-morbihan
Contact : clarisse.boisselier@bretagne.chambagri.fr, 06.30.98.19.24.

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