Construire jour après jour une bonne relation avec ses animaux
10 000 ans après sa domestication par l’homme, le porc présente toujours une certaine méfiance pour ses anciens prédateurs. Pourtant, son naturel curieux permet de la réduire avec des bénéfices pour l’éleveur et pour les animaux.

La relation entre l’éleveur et ses animaux est le fruit de leurs interactions quotidiennes réciproques. Elle se construit jour après jour et évolue en permanence suivant la qualité de ces dernières. Si l’interaction est perçue positivement, elle renforcera la relation, si elle est perçue négativement, elle la détériorera. Des interactions neutres permettent également de la maintenir. Dans la pratique, il conviendra de maximiser les expériences positives et d’éviter autant que possible les interactions négatives qui pourraient détériorer une bonne relation construite sur plusieurs mois. Établir une bonne relation permettra de mettre en confiance les animaux avec comme effet une diminution de leur crainte de l’homme voire même un attrait pour le contact humain.
Favoriser les interactions positives
Favoriser les interactions positives et limiter les interactions négatives nécessite de connaitre la façon dont le porc perçoit et traite les informations issues de son environnement. Ainsi, il est possible de limiter les situations qui engendrent du stress pour l’animal. Les avancées scientifiques nous permettent d’appréhender la façon dont le porc perçoit le monde qui l’entoure. Sa vue est assez mauvaise mais son ouïe et son odorat sont très développés. C’est pourquoi les gestes brusques, les bruits forts ou encore les odeurs laissées par des porcs stressés peuvent effrayer les porcs. Connaître le comportement des porcs est un autre élément fondamental pour faciliter le travail avec ses animaux. Le porc est un animal social et se déplacera plus facilement par groupe. Il est curieux et s’arrêtera facilement s’il souhaite explorer un élément nouveau de son parcours (flaque d’eau, panneau laissé dans un couloir…) ou si le contraste lumineux entre deux zones est prononcé. Il aura également des difficultés dans les pentes descendantes.
Les pratiques relationnelles
Les pratiques relationnelles correspondent aux actions mises en place par l’éleveur pour établir et maintenir cette bonne relation. Elles sont multiples depuis des interactions indirectes jusqu’au contact. La simple observation des porcs joue un rôle important pour diminuer la crainte des animaux. Leur parler calmement, leur proposer des interactions tactiles (grattage, brossage, caresse…) ou du renforcement alimentaire permet également au porc d’associer l’éleveur à des évènements positifs. Le porc peut également être à l’origine de ces interactions en venant renifler, mâchonner ou juste observer l’éleveur, ou bien en vocalisant en sa présence. En plus de la qualité, la fréquence des interactions joue également un grand rôle dans l’habituation des porcs à l’homme. Ainsi, il n’est pas nécessaire de disposer de beaucoup de temps pour maintenir voire améliorer sa relation homme-animal par de courtes mais fréquentes interactions positives ou neutres.
Apprivoisement des cochettes
Si le concept de relation homme-animal peut paraitre théorique, il est au cœur d’une pratique courante en élevage de porc : l’apprivoisement des cochettes. En distribuant de l’aliment à la main ou du jus de pomme, en restant observer ou en caressant leurs cochettes, les éleveurs établissent un premier lien avec ces animaux destinés à rester dans l’élevage. Ce premier lien permet alors de contrer le stress du changement d’environnement et celui lié aux pratiques nécessaires à la conduite de l’élevage comme les vaccinations. Cette relation devra ensuite être entretenue au cours du cycle de vie de la truie. Si la construction de relations avec le porc charcutier est moins forte dans les élevages (court temps de présence), la prise en compte de ses capacités sensorielles et de son comportement permet une gestion plus facile des animaux lors des phases de déplacement par exemple. L’éleveur y trouvera un bénéfice en termes de qualité et de sécurité du travail.
Une bonne relation entre l’éleveur et ses animaux permet la mise en place d’un cercle vertueux. Les interactions positives de l’éleveur vers l’animal et de l’animal vers l’éleveur diminuent la peur et les stress des animaux qui adaptent alors leur comportement face à l’éleveur. Le travail s’en trouve alors facilité et le bien-être partagé.
Le projet Rhaporc reprend ces différents éléments ainsi que des informations complémentaires sur les bénéfices de la relation homme-animal. Le tout est disponible sur le site internet du projet (rhaporc.ifip.asso.fr/).
Communiquer sur la relation homme-animal
Elsa Delanoue est sociologue pour les instituts techniques (Idele, Ifip, Itavi) et travaille sur la perception et l’acceptabilité de l’élevage par les citoyens et les consommateurs. Lors de son intervention en clôture du colloque Rahporc, elle est revenue sur l’importance de la relation à l’animal en tant qu’outil favorisant l’acceptabilité de l’élevage porcin. "Les citoyens et les consommateurs sont attachés à trois dimensions associées à l’élevage : l’humain, l’animal et l’environnement, et si l’une de ces dimensions manque dans l’élevage que l’on donne à voir, cela va poser problème", explique Elsa Delanoue. "La dimension animale concerne ce qui est en lien avec les animaux et ce qui garantit leur bien-être. La dimension humaine traduit un attachement fort à la présence de l‘éleveur ou de l’éleveuse sur l’exploitation. C’est lui ou elle qui fait, qui prend soin de ses animaux, qui est là pour ses animaux. Ceci explique certaines situations de rejet ou de méfiance envers les élevages très automatisés ou accordant une grande place aux nouvelles technologies De manière générale, les citoyens préfèrent que ça soit l’humain qui réalise ces tâches en élevage plutôt qu’une machine. Ils craignent que les technologies atténuent le lien entre l’humain et l’animal et le rejet de l’élevage dit industriel est notamment lié à cette crainte. Les enquêtes montrent que l’élevage porcin est la filière qui déclenche le plus de réactions de rejets car ces élevages sont perçus justement comme industriels. Pour les éleveurs comme pour la filière, insister sur cette relation entre l’humain et l’animal est un bon moyen pour améliorer l’acceptabilité. Cette relation replace les dimensions humaines et animales au cœur d’un élevage qu’on accuse d’avoir oublié ses fondamentaux C’est une manière de ré-humaniser à la fois l’élevage vis-à-vis des citoyens en montrant que c’est l’éleveur qui s’occupe de ses animaux, mais aussi un moyen de ré-humaniser l’éleveur lui-même qui apparait comme n’étant pas insensible au sort de ses animaux. Les outils de communication, ainsi que ceux permettant l’amélioration des pratiques développés dans le projet Rhaporc sont indispensables pour engager une communication positive sur l’élevage porcin et amener l’élevage sur des voies de progrès dans l’objectif d’améliorer l’acceptabilité par la société ainsi que l’attractivité du métier".