Faire face à la crise sans perdre de vue les fondamentaux

Vers la fracture alimentaire ou le "bien manger pour tous" ? Vers une alimentation mondialisée ou plus territorialisée ? Vers une Europe agricole et alimentaire plus solidaire, plus souveraine à l’échelle du continent, ou vers une renationalisation de ses agricultures ? Que met chacun dans la notion et l’enjeu de souveraineté ?
Vers des relais de croissance européens ou vers les pays tiers - tel la Chine - pour notre agriculture régionale ?
Ces questions suggérées dans cette édition 2021 d'ABC, nourrissent la nécessité d’une réflexion collective, sur le temps long, malgré l’intensité de la crise. Une réflexion affranchie d’excès d’idéologie, de certitudes ou d’idées reçues, exigeante sur la recherche de cohérence.
Tous les maillons des filières alimentaires se sont adaptés et continuent de tenir après plus d’un an de crise sanitaire mondiale. Certains maillons sont plus usés et fragiles que d’autres. Or une chaine craque toujours par son maillon le plus fragile. Les inquiétudes partagées sur le renouvellement des actifs dans toutes les filières en constituent une alerte qui ne supporte aucune ambiguïté.
La RHD qui avait progressé de 30 % de 2014 à 2019 et qui représente 25 % de la consommation française en valeur s’est retrouvée hors service du jour au lendemain. Face à ce chamboulement, la chaine alimentaire a réalisé de véritables prouesses grâce à sa reactivité logistique et sa gestion des ressources humaines. Il faudrait parler plus souvent de ces trains qui arrivent à l’heure.
Cette capacité de résilience résistera-t-elle quand les mesures de soutien aux entreprises et le pouvoir d’achat diminueront ? Quand les fins de mois commencent le 15 du mois pour de plus en plus de consommateurs, la guerre des prix refait (grande) surface et les intentions des EGALIM s’évaporent au lieu de ruisseler
La chaine alimentaire a beau tenir, elle est en permanence confrontée aux clivages politiques de plus en plus exacerbés entre l’économique, l’environnemental et le sociétal. Le gouvernement a proposé un plan de relance reposant sur compétitivité et environnement, souveraineté alimentaire et transition climatique. Une relance qui pourrait être fragilisée par les lourdeurs institutionnelles de l’Union, une certaine fébrilité européenne sur fond d’intérêts économiques divergents et une stratégie européenne "de la terre à la table" plus environnementale qu’alimentaire. Selon une étude du Ministère de l’agriculture américain, cette stratégie pourrait amputer 12 % de la production européenne
Ce printemps, la France élabore et finalise son plan stratégique national (PSN). La Bretagne qui contribue fortement à la souveraineté alimentaire du pays, qui irrigue de ses emplois les territoires, est un atout pour l’économie française. Elle est engagée dans la recherche d’une économie plus décarbonée. Cette ambition doit être au service du "bien manger et bien vivre pour tous", pas l’inverse. Puissent les travaux de cette édition d'ABC nourrir les réflexions prospectives de tous les acteurs économiques et politiques et le dialogue social en Bretagne.