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Fébrilité de la filière à l’approche de la fin de la castration à vif

À l’occasion de son assemblée générale, la Fédération nationale porcine (FNP) a demandé un changement de la grille de paiement de porcs, pour sécuriser le revenu des éleveurs continuant la castration à partir de 2022. Certains éleveurs du Finistère s’inquiètent d’un trop faible différentiel entre porcs castrés et entiers. La même semaine, les abatteurs de Culture viande ont demandé au ministère d’accélérer la parution des nouvelles règles encadrant la castration sous anesthésie.

La FNP a arrêté la position suivante, présentée par son président, François Valy, lors de l’assemblée générale : il demande que le mâle entier (et la femelle) devienne "le socle de base au cadran" de Plérin.

L’échéance approche. D’ici la fin de l’année, il sera interdit aux éleveurs français de castrer à vif les porcelets. Deux solutions s’offrent à eux : ne plus castrer du tout, ou continuer en utilisant des anesthésiques. Pour l’heure, la production française semble divisée en deux camps : les éleveurs les plus sereins sont ceux qui livrent à des abattoirs, comme la Cooperl (un quart de la production nationale), qui maîtrisent le "sniffing", la détection des carcasses malodorantes de porcs non castrés (1 à 2 % des têtes). Ils ont le plus souvent déjà arrêté de castrer. Le reste des éleveurs est plus inquiet.
Ils s’apprêtent à passer - bon gré mal gré - à la castration sous anesthésie, génératrice de surcoûts. Cela concerne - sans grande contestation - les éleveurs du Sud-Ouest livrant aux filières de salaison sèche. Le mâle castré y pose non seulement un problème d’odeur, mais surtout "de gras et de dureté de la viande", a rappelé Patrick Le Foll, directeur général de la Fipso, lors de l’assemblée générale de la Fédération nationale porcine (FNP), le 11 juin.

 

Inquiétude dans le Finistère

Le dirigeant de cette coopérative du Sud-Ouest se dit d’ailleurs prêt à payer le porc plus cher : "Les filières qui poursuivront sur mâles castrés devront bien entendu avoir une rémunération en conséquence, s’est-il avancé. Nous ne sommes pas en 2022, donc je n’ai pas d’élément concret. Mais si je prends l’exemple de mon entreprise, je crois que nous arriverons à avoir des prix de vente plus élevés qu’avec des mâles entiers". Mais ce qui semble évident pour la filière du Sud-Ouest où l’on s’attend à ce que tous les abattoirs restent en porc castré, l’est beaucoup moins en Bretagne, où le marché pourrait être approvisionné à la fois par des porcs castrés et par des porcs non castrés. Les éleveurs craignent qu’un différentiel de compétitivité s’instaure entre abattoirs et ne soit répercuté sur les éleveurs. "Dans le Finistère, nous sommes extrêmement inquiets, témoignait un éleveur à l’assemblée générale de la FNP. Nous aurons des abatteurs qui voudront du mâle castré et ne voudront pas le payer". Les éleveurs de ce département approvisionnent principalement les abattoirs Bigard.

Les filières qui poursuivront sur mâles castrés devront bien entendu avoir une rémunération en conséquence

Nouvelle grille de prix

Pour éviter cet écueil, la FNP a arrêté la position suivante, présentée par son président, François Valy, lors de l’assemblée générale : il demande que le mâle entier (et la femelle) devienne "le socle de base au cadran" de Plérin. Et c’est "à partir de cette référence" que doit être organisé un "approvisionnement dérogatoire en mâles castrés". Son prix doit être "différencié" et "prendre en compte l’indicateur interprofessionnel de coût de revient départ élevage qui sera mis à jour régulièrement pour intégrer le surcoût castration, l’indice de consommation supérieur et le TMP inférieur". Mais tout cela reste à organiser, alors que la filière n’est pas en rangs serrés.
Preuve de la fébrilité d’une partie de la filière, le syndicat des abatteurs, Culture viande, a adressé un courrier au ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, le 8 juin, pour lui rappeler sa volonté d’une "continuité d’un approvisionnement en viande issue de porcs castrés", et signifier son "inquiétude". Ses membres constatent en effet qu’ "à ce jour, aucune méthode alternative, validée par les autorités sanitaires et vétérinaires, n’est proposée aux éleveurs de porcs pour leur permettre de poursuivre la castration des porcelets en conformité avec cette réglementation". Un texte réglementaire doit paraître prochainement, qui est très attendu par toute la filière.
Pour Guillaume Roué, président d’Inaporc prochainement sortant, l’affaire laisse un goût amer. "C’est une commande d’un ministre (Didier Guillaume, NDLR) qui a été mal conseillé, je l’ai encore en travers de la gorge", a-t-il ressassé lors de l’assemblée générale, au cours de laquelle il a annoncé qu’il n’était plus éleveur depuis quelques mois. "Un mauvais cabinet l’a envoyé dans le corner et nous aussi - un décret est tombé du jour au lendemain sans concertation. Ça s’appelle mettre la charrue avant les bœufs". Comme la DGAL l’avait précisé dans un courrier aux abattoirs en février, le gouvernement n’a pas prévu de retarder l’échéance. La prochaine assemblée générale d’Inaporc, prévue cet été, devrait être animée.

 

Guillaume Roué n’est "plus éleveur de porcs"

Guillaume Roué

 

Figure nationale des organisations de la filière porcine, Guillaume Roué a annoncé lors de l’assemblée générale de la Fédération nationale porcine (FNP), le 11 juin, qu’il n’était "plus éleveur de porc", ayant transmis son exploitation "il y a deux mois". Guillaume Roué est actuellement président de l’Office international de la viande (OIV) et président de l’interprofession porcine, Inaporc. Guillaume Roué pourrait en quitter la tête alors même que Cooperl a engagé, fin 2020, une procédure judiciaire pour contester sa dernière reconduction à la présidence. "Je souhaite que le collectif retrouve son sens rapidement et que chacun retrouve sa place autour de la table, où je ne serai plus, ça sera peut-être plus facile", a-t-il commenté en souriant.

 

Deux projets de CVO dans les tuyaux

Après avoir claqué la porte de l’interprofession porcine en novembre, puis signifié qu’elle ne souhaitait plus être associée au dispositif d’équarrissage ATM Porc géré par Inaporc, la Cooperl a quitté, ces dernières semaines, la Fict (salaisonniers) et Culture viande (abatteurs). Ces départs interviennent alors que l’interprofession discute de la mise en place de contributions volontaires obligatoires (CVO) en réaction aux désengagements de la coopérative de Lamballe, et à la menace du collège distribution d’Inaporc, qui finance 80 % du dispositif d’équarrissage, d’en faire de même.
La première CVO porte sur les cotisations de l’aval (industriels et distributeurs) à l’interprofession. La seconde porte sur l’équarrissage.
Ces projets obligeraient, de fait, la Cooperl à cotiser de nouveau à ces deux structures. Un vote est attendu en conseil d’administration d’Inaporc mercredi 23 juin, qui doit rassembler l’unanimité des collèges pour être validé.
La Cooperl est toujours membre de l’union des groupements bretons (UGPVB). Selon son président Michel Bloc’h, il a "peu d’espoir" que les groupements votent contre la CVO : "Je comprends que la Cooperl demande des comptes, mais envoyer le dispositif d’équarrissage dans le fossé, ça passe moins bien".
Selon Culture viande, les cotisations liées à l’équarrissage s’élèveraient à 22 millions d’euros, et celles dues par l’aval à Inaporc à 4 millions d’euros.
Dans cette affaire, le président de la Fict, Bernard Vallat regrette que les pouvoirs publics ne soient pas intervenus comme médiateur.

Une "vieille polémique"

Alors qu’une partie de la filière porcine a arrêté de castrer les porcelets, et notoirement la Cooperl, occasionnant des odeurs sur environ 1 à 2 % des carcasses, le syndicat de l’abattage-découpe pointe du doigt le fait que, dans les abattoirs concernés, "les viandes issues de ces carcasses (odorantes) ne sont pas aujourd’hui retirées du circuit de la consommation humaine alors qu’elles devraient l’être".
Une "vieille polémique", commente Bernard Vallat, ancien de l’OIE et de la DGAL. Culture viande fait référence à la régle mentation européenne (UE2019-627) sur les contrôles vétérinaires en abattoirs, qui considère les viandes fraîches "impropres à la consommation humaine" si elles présentent "des altérations pathologiques ou organoleptiques, notamment une odeur sexuelle prononcée".
"En pratique, en France, cette obligation n’est pas appliquée", commente Bernard Vallat. "Comme les textes font état d’une concentration, se pratique un principe de dilution" des viandes odorantes dans d’autres lots. "C’est ce qui semble être largement pratiqué", estime le patron des salaisonniers.
Patrice Drillet, le président de la Cooperl, estime être dans la légalité : "Nous les retirons uniquement de la viande fraîche, car cela peut générer une odeur lors de la cuisson"... À suivre !

 

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