Gaspillage alimentaire : il faut passer la vitesse supérieure
Dix millions de tonnes de nourriture gaspillées chaque année ! Un constat alarmant, qui pousse les organismes publics, mais aussi privés à se saisir de la problématique, pour sensibiliser mais aussi agir et proposer des solutions. Quelques actions concrètes pour lutter contre le gaspillage.

Chaque année en France, près de dix millions de tonnes de nourriture consommable sont gaspillées, soit l’équivalent de 150 kg/hab./an. Dans les ordures ménagères et assimilées, on trouve l’équivalent de 20 kg/hab./an de déchets alimentaires, dont 7 kg de produits alimentaires encore emballés (Ademe, 2016). Économiquement, ce gaspillage représente entre 12 et 20 milliards d’euros par an soit l’équivalent de 159 euros par personne. Il pose aussi des questions d’éthique lors que les chiffres évoquent le constat suivant : une personne sur dix rencontre des difficultés pour se nourrir. Mais de nombreux acteurs du territoire se mobilisent pour lutter contre ce gaspillage alimentaire.
Restauration collective
Responsable des lycées publics bretons, la Région s'est engagée, avec l'appui de l'association Aux goûts du jour, en faveur du bien-manger et de la lutte contre le gaspillage dans ses 98 selfs où sont servis 10 millions de repas par an. Ainsi, la région a lancé à la rentrée 2021, une opération de pesée de déchets, menée dans 14 établissements pilotes. Cette opération consiste à trier, à l'issue du repas, les aliments non consommés afin de mesurer le gaspillage.
Chaque année en France, l’équivalent de 150 kg de nourriture consommable est gaspillé par habitant.
Trois playstation
Au lycée le Gros Chêne de Pontivy, Tony Nikolic, Gwenvaël Laperche et Matthieu Tribolles, trois étudiants en première année de BTS, se sont essayés à l’exercice, sous l’œil attentif de leur professeur Nicolas Fosser. "Nous invitons les élèves à trier les déchets présents sur leur plateau et les déposer dans les six bacs de tri que nous avons installés : entrée, plat, accompagnement, dessert, pain, emballage", explique Nicolas. "Nous pesons ensuite chaque bac", explique Gwenvaël. "Tous les jours nous trions environ 40 plateaux, nous ferons ensuite une moyenne du poids mais aussi du coût de ce qui est jeté par catégorie", ajoute Matthieu. Leur objectif : faire évoluer les comportements. "C’est très visuel, on voit déjà que des efforts sont faits entre le début et la fin de la semaine de pesée", constate Gwenvaël. Pour aller encore plus loin, les étudiants ont eu l’idée de convertir, les pertes économiques induits par ce gaspillage en objets de valeur à leurs yeux. Par exemple, "chaque semaine, 20 kg de pain sont gaspillés, soit une perte de 1 600 € dans l’année, ce qui représente trois consoles playstation", illustre Nicolas. "Nous allons installer des panneaux dans le self pour rappeler aux étudiants que nous avons tous un rôle à jouer et qu’il faut lutter contre le gaspillage", conclut-il. Il leur reste maintenant à calculer le coût du gaspillage total par plateau, estimé à 0,72 € (moyenne nationale, Ademe, 2016). Ce qui, appliqué aux 10 millions de repas servis par an dans les lycées publics bretons, représenterait un potentiel de près de 7 M€ d'économies.
Valoriser les circuits responsables
Au-delà de la sensibilisation des élèves, il s'agit pour les équipes de cuisine et les gestionnaires d'imaginer ensuite comment éviter ou le réduire ce gaspillage pour réaliser des économies qui pourront se reporter sur des achats responsables. Dans cette optique, le lycée le Gros chêne s’inscrit déjà dans une véritable dynamique territoriale et de développement des circuits courts, qu’il souhaite renforcer. "Nous valorisons déjà les porcs de notre élevage, et nous sommes actuellement en train d’imaginer comment valoriser le lait, nous songeons à des yaourts en seau toujours dans cette perspective de réduire les déchets, car comme nous avons pu le constater au cours de cette semaine de pesée, les emballages représentent une forte proportion des déchets", explique Nicolas Fosser.
Le gaspillage alimentaire sera intégré au projet de loi Climat
La proposition de loi (PPL) portée par le député Guillaume Garot (PS, Mayenne) sur le gaspillage alimentaire, qui devait être discutée ce 18 février en séance plénière à l’Assemblée nationale, a été reportée par la conférence des présidents de groupes politiques. Elle sera intégrée au projet de loi Climat qui sera discuté ces prochaines semaines, indique-t-on dans l’entourage de Guillaume Garot. La raison du report est d’abord technique. Le PS avait demandé que la PPL soit discutée en procédure simplifiée (discussion rapide à l’Hémicycle), mais le groupe LR a refusé. Le choix a ensuite été fait d’enlever la PPL de l’ordre du jour pour l’insérer au projet de loi Climat. Cette place de la PPL dans le projet de loi climat "est finalement cohérente avec l’esprit environnemental dans lequel Guillaume Garot a voulu positionner la lutte contre le gaspillage alimentaire", note-t-on. Dès lors, les articles de la PPL de lutte contre le gaspillage alimentaire deviendront des amendements au projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique. Avant la plénière, les débats auront lieu en commission, non pas dans celle du Développement durable, mais dans une commission spéciale créée uniquement pour l’élaboration de la loi Climat.
Foodologic : solution anti-gaspillage pour la filière fruits et légumes
Bien que moins visible, le gaspillage post ou pré récolte est lui aussi très important. En effet, selon un rapport de la FAO*, 13,8 % de la nourriture est jetée avant même d’atteindre les étals des commerces. De plus, les fruits et légumes représente la moitié du gaspillage. Défauts du produit, écarts de tri, surproduction, variation des prix… chaque année, des tonnes de produits végétaux sont laissés sur place ou jetés. Pour éviter ce gaspillage, Magalie Duramé a ainsi imaginé une plateforme permettant de mettre en relation des producteurs avec des professionnels de la restauration.
Poussée par la volonté de protéger l’environnement et proposer une rémunération juste aux producteurs, qu’elle connaît bien pour avoir grandi dans une famille d’agriculteurs, Magalie et son équipe ont créé un modèle économique gagnant autour du business anti-gaspillage.
Ainsi, Foodologic est une plateforme, véritable leboncoin du fruits et légumes, sur laquelle les producteurs proposent leur marchandise allant de quelques dizaines de kilos à plusieurs tonnes, à des professionnels, industriels, conserveries, légumeries, restaurateurs... Un prix de réserve fixé par le producteur sert de base des négociations, évitant que les prix ne soient bradés. L’organisme s’occupe ensuite de tout, de la facturation jusqu’à parfois la logistique des transports. Un accompagnement complet, visant à développer les circuits courts tout en maîtrisant l'impact carbone et ainsi ne pas neutraliser les effets positifs de la démarche.
Après un an de lancement, la start-up compte cinq salariés et pas moins de 150 clients dans le grand Ouest. Elle souhaite aujourd’hui s’étendre à toute la France et atteindre le 1 000 adhérents. Pour y adhérer, plusieurs offres, de l’offre découverte gratuite à l’offre premium en fonction des quantités que l’on souhaite vendre, "il y a des solutions pour tous", conclut Magalie.
* Agence mondiale pour l’alimentation aux Nations unies.