Arrêt de la castration à vif : le ministre présente son plan d'action
Vendredi 19 novembre, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, s'est rendu dans les Côtes-d’Armor, aux côtés des professionnels de la filière porcine pour évoquer la fin de la castration à vif des porcelets au 1er janvier 2022. Un plan d'action en trois actes qui associe protocoles sanitaires, formations et loi Egalim 2. Car deux défis attendent les éleveurs concernés dans ce laps de temps très court : la technique et le surcoût.

Julien Denormandie est venu défendre depuis les Côtes d'Armor le mode opérationnel de la fin de la castration à vif des porcelets sur l'élevage certifié Label Rouge d'Olivier Jouan et de Julien Vandenbrock (EARL du Guinguenoual) à Hénanbihen près de Lamballe. Une visite annoncée tardivement la veille au soir qui s'est déroulée au pas de charge entre la visite de l’élevage le midi, la visite de l’abattoir de Lamballe et la réunion de travail avec les élus et représentants des organisations professionnelles agricoles à la préfecture des Côtes-d'Armor l'après-midi.
La promesse sur le papier apparaît parfaitement ficelée avec les protocles sanitaires de castration, le planning de formation des éleveurs et la loi Egalim 2 pour prendre en compte le surcoût. En effet, le jour même de la visite étaient publiés l'arrêté et l'instruction technique de la fin de la castration à vif des porcelets, prévue par voie réglementaire depuis février 2020.
Fin de la castration à vif : l'obligation de se former
"Cela demande de suivre un protocole qu'on a voulu le plus simple possible. En gros, les mêmes gestes sous anesthésie locale pour la voie principale, avec ouverture sur les autres voies possibles : l'immunocastration et à terme, l'anésthésie générale sur laquelle les travaux continuent", résume le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie devant la presse et la délégation de représentants d'organisations FNP, FDSEA 22, UGPVB et chambre d'agriculture. Il reconnaît une augmentation du temps de travail "de deux à trois fois" pour l'éleveur. Aussi, l'arrêté et l'instruction technique du 19 novembre 2021 doivent apporter des réponses pour accompagner la transition des éleveurs et de la filière porcine. Une série de concertations et d'expérimentations ont permis de mettre en place les protocoles de prise en charge de la douleur. "Les méthodes sont reconnues par les vétérinaires, les scientifiques et les éleveurs qui sont tombés sur un accord avec des protocoles publiés sur le site de l'Ifip", indiquent les conseillers ministériels. Au final, les éleveurs concernés doivent s'appropier les nouvelles méthodes d'ici janvier 2022, autant dire dans les plus brefs délais ! Pour ce faire, est mis en place un calendrier : des formation fin novembre en e-learning seront dispensées aux éleveurs sur le site de l'Ifip, financées par le ministère, suivies de formations techniques avec des vétérinaires sur le terrain (lire encadré). Mais au delà des aspects techniques, s'annonce un enjeu économique de taille pour des éleveurs de porcs déjà enlisés dans une crise très sévère entre prix bas et charges élevées.
La pression dans le tube sera totale.
Second volet du ministre : la prise en charge du surcoût
Si parmi les éleveurs, certains ne castreront plus, d'autres poursuivront la castration. Le cahier des charges Label Rouge, par exemple, impose la castration. "Nous allons passer de deux à cinq heures pour castrer 120 mâles", explique l'éleveur Olivier Jouan, évoquant le temps supplémentaire de cette tâche auquel s'ajoute le coût des médicaments et de la main d'œuvre. Côté ministère, on veut raccrocher le wagon à la loi Egalim 2 parue en octobre dernier. "Le principal enjeu est de faire en sorte que le coût additionnel de la castration non à vif ne soit pas supporté par les éleveurs mais par ceux qui le demandent et rétrocédé tout au long de la chaîne par le consommateur, la grande distibution et l'industriel", assure Julien Denormandie. Dorénavant, "la loi le permet et l'impose", poursuit-il. La castration sera désormais uniquement possible pour les signes de qualité, ou si elle "répond à une exigence de qualité de la personne à laquelle est transférée la propriété du porc par l’éleveur". Dans ce deuxième cas, la contractualisation sera obligatoire à partir du 1er janvier 2022 (décret du 30 octobre pris en application de la loi Egalim 2), et cette exigence de qualité devra figurer dans le contrat via les indicateurs de coût de production, qui intègreront le surcoût lié à la castration avec anesthésie. Au lieu de l'attestation délivrée par les préfets initialement prévue, les acteurs devront seulement pouvoir démontrer qu'ils respectent la réglementation "sur demande des services de contrôle" (source Agrafil). Cet arrêté a été "beaucoup" travaillé avec la FNP et a créé des tensions au sein de la chaîne agrolimentaire, a souligné par ailleurs le ministre de l'Agriculture. "La pression dans le tube sera totale. Si des pratiques sont identifiées ne respectant pas la loi, cela tombera autant sur l'industriel que sur l'éleveur", a certifié le ministre, parfaitement conscient de l'enjeu pour l'avenir des éleveurs de porcs et de la filière.
Bientôt une formation en ligne sur la fin de la castration à vif
Les éleveurs de porcs qui poursuivront la castration avec prise en charge de la douleur en 2022 pourront suivre une "formation à distance" que le ministère prend en charge. Les éleveurs qui poursuivront cette pratique - pour des raisons de qualité de la viande notamment - devront prendre en charge la douleur des animaux pendant et après l'opération (anesthésie et analgésie). D'après une instruction technique du 18 novembre, la formation sera obligatoire pour les éleveurs et salariés pratiquant la castration. Elle consistera en un module théorique, suivi "dans les six mois" d'un module pratique. Deux produits seront utilisables, la lidocaïne (injectable) et le tri-solfen (en gel) ; les protocoles correspondants sont consultables sur le site de l'Ifip (Institut du porc). Le tri-solfen fait actuellement l'objet d'une procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) en Belgique, précise l'entourage du ministre. Une fois celle-ci obtenue, la France pourra demander une autorisation temporaire d'usage (ATU) permettant d'utiliser ce produit "début janvier". / Agra
Les professionnels alertent sur la situation critique des élevages
Les négociations annuelles entre industriels et distribution ont commencé avec un nouvel arsenal législatif en place. Mais quid de l'impact de la loi Egalim 2 ? Après les paroles, les sanctions seront-elles à la hauteur quand indutriels et distribution se rejetteront la non prise en compte des surcoûts demandés par la société. Les représentants FDSEA et JA 22 - qui appliquent une pression sur le terrain (deux mobilisations en un mois) - alertent le ministre sur l'urgence de solutions face à la crise :
"Nous sommes allés voir des industriels, des grandes surfaces, ils sont très réticents à mettre en place la loi et à la respecter", indique la présidente de la FDSEA, Fabienne Garel. "Dans l'immédiat, les agriculteurs souffrent face à des charges énormes, les semaines à venir vont être très difficiles. Cela se joue vraiment en ce moment !".
Une demande de "trésorerie directe par l'État" du président de la chambre d'agriculture 22, Didier Lucas, afin de soulager les trésoreries exsangues des éleveurs de porc les plus fragilisés s'est soldée par un refus du ministre pour le moment... "La chose se joue dans la négociation commerciale : si l'État met une aide là alors que les négociations commencent, c'est le moins bon service que je vous rends !". Toutefois, le ministre de l'Agriculture a conscience de la situation : "Si on n'arrive pas à mettre en œuvre la loi Egalim 2 à la hauteur des ambitions ; à faire passer des surcoûts quand il y a des demandes de société, la conséquence sera plus d'importations et moins de productions locales. C'est un non sens pour tout le monde ! Redonnons la valeur à l'alimentation, le pouvoir d'achat des Français ne doit pas dépendre de la baisse du revenu des éleveurs. Je dis à tous les Français : mangez du porc français !".