Le boom des plantes aromatiques et médicinales cueillies
La cueillette des plantes sauvages est en plein renouveau. Longtemps marginale, méconnue, elle est en plein essor, portée par le succès commercial de la filière des plantes aromatiques et médicinales (PAM)… Au carrefour de plusieurs attentes sociétales, dont la recherche de naturel estimé plus sain, ses professionnels, en quête de statut, s’organisent, aussi pour promouvoir de meilleures pratiques.

Les produits à base de plantes connaissent une forte croissance. Que ce soient les compléments alimentaires, un marché de 1,8 milliard en croissance de 6 % l’an, les cosmétiques naturels avec 450 millions et une progression annuelle de 8 %, ou les huiles essentielles en pharmacie, 180 millions d’euros et +40 % entre 2012 et 2016...
600 à 1 000 cueilleurs en quête de statut vivraient aujourd’hui à titre principal de cette activité
Un poids économique
Tous ces secteurs, comme ceux de la parfumerie, la naturothérapie, la liquoristerie... peuvent utiliser des plantes dont une partie n’est pas cultivée mais cueillie dans le milieu naturel. Face à cet engouement, la question de la gestion durable de la ressource s’impose. 60 à 90 % des PAM commercialisées dans le monde seraient sauvages. En France, chercheurs et cueilleurs s’accordent sur 730 espèces faisant l’objet de cueillette commerciale, "soit 10 % de la biodiversité végétale en métropole. 300 seraient communément cueillies, 120 très communément cueillies", rapporte Alix Courivaud chargée des PAM à FranceAgrimer. Les cueillettes s’intensifiant pour répondre à une demande croissante, la ressource disponible le sera-t-elle longtemps sans gestion ? Quelle part dans ce marché occupent les plantes sauvages exportées ou importées ? Difficile à dire d’autant que la classification douanière ne permet pas de savoir si elles sont cultivées ou pas. C’est le cas problématique de la gentiane jaune (liqueur, pharmacie), de l’arnica (idem) ou de la reine des prés, très utilisées…
Quels professionnels ?
Face à ces défis, une partie des cueilleurs français cherchent à promouvoir une gestion durable et à s’organiser. Longtemps complémentaire par un revenu qui l’était tout autant, l’activité de cueillette est pratiquée aujourd’hui à titre principal par certains, une centaine, qui se sont organisés dès 2011 au sein de l’AFC, l’association française des cueilleurs, travaillant à l’édification d’une charte déontologique d’engagements et d’un guide des bonnes pratiques pour mieux protéger la ressource avec une quête de professionnalisation. On estime que 600 à 1 000 cueilleurs vivraient aujourd’hui à titre principal de cette activité, produisant également des plantes sur leurs terres sous un statut souvent d’agriculteur mais pas seulement. C’est le cas de la centaine de producteurs indépendants dont Marie-Verveine (lire ci-contre) adhérente aussi du Syndicat des simples. Un métier en pleine expansion qui suscite l’intérêt des jeunes générations "avec 500 demandes par an", note l’AFC, regroupant des professionnels de la cueillette de plantes sauvages avec le Syndicat des simples. D’autres cueilleurs, ont fondé la coopérative Sicarappam, dédiée à la cueillette des plantes sauvages. Elle en propose plus de 300 dont 250 plantes sauvages et commercialise 100 tonnes par an, avec un chiffre d’affaires passé de 400 000 euros à 1,6 million en quinze ans (dont 40 % de tisanes).
Tous concernés ?
Restent les cueilleurs indépendants ou occasionnels, œuvrant pour des collecteurs qui revendent à des laboratoires ou industriels. Inconnus du public, "ils sont donneurs d’ordre et utilisent des quantités phénoménales de plantes", observent les responsables de l’AFC qui estiment que "plus les filières sont longues, plus il y a risque que les pratiques soient mauvaises", rappelant que "la cueillette ne s’arrête pas au prélèvement, cela implique tous les acteurs, jusqu’aux consommateurs", rapportait Thomas Echillac, président de l’AFC.
Vers un statut dérogatoire ?
Supprimé en 1941, le métier d’herboriste a laissé un vide en France tandis qu’il est toujours pratiqué et encadré en Belgique ou au Canada. Le statut social de "cueilleur" n’existe pas plus dans l’hexagone. Beaucoup d’entre eux se déclarent auprès de la MSA comme agriculteurs s’ils possèdent du foncier ou comme cotisants solidaires, d’autres comme artisans comme Marie-Verveine dans le Morbihan. "J’ai créé ma micro-entreprise et je dépends de la chambre des métiers mais c’est très précaire. Et c’est assez bancal, car faute de terres, les jeunes ont beaucoup de mal à s’installer et à avoir une statut... ", décrit-elle. Le syndicat des simples plaide pour la reconnaissance d’un "statut professionnel de cueilleur de plantes sauvages" avec harmonisation, et pour "que les MSA et chambre d’agriculture puissent nous accueillir dans les mêmes conditions partout", plaide Thierry Thevenin, président du Syndicat des simples. La future proposition de loi sur l’herboristerie, que défend le sénateur breton Joël Labbé, pourrait ouvrir la place à un statut social dérogatoire.
Portrait : Marie-Verveine et ses plantes en chansons
"Nous avons toute notre place dans les petits bobos du quotidien", défend Marie-Verveine. Entrer dans son atelier, c’est d’abord pénétrer un univers olfactif insoupçonné. Sous ce joli pseudonyme, Marité Mady s’est installée il y a trois ans, en 2017, dans l’extension de sa maison à Larmor-Baden (56). Cette femme a toujours eu un petit faible pour les plantes dites simples, aux vertus connues et reconnues pour le bien-être et le confort qu’elles apportent. Mais ce n’est qu’en 2017 qu’elle en a fait sa profession, après trente ans passés à dessiner des bâtiments pour le Pact-Arim. "Avec la chambre d’agriculture du Morbihan, j’ai intégré en 2016, au sein du BPREA maraîchage, une semaine dédiées aux PAM, passionnant !". Un complément aux formations déjà acquises auprès du CAP santé, école d’herboristerie bretonne implantée à Plounéour-Menez (29). Désormais, à deux pas de la mer, elle approfondie sa passion, concocte des tisanes de plantes aromatiques et médicinales et autres macérats. Les senteurs marines du Golfe du Morbihan baigne son jardin où, sur 500 m², elle cultive le souci des jardins (Calendula), l’angélique, la pensée sauvage et deux menthes. "J’aurais aimé trouver un peu plus de terre mais c’est ici mission impossible" déplore-t-elle. Un frein partagé par les jeunes postulants au métier, "de plus en plus nombreux en Bretagne", souligne cette adhérente du syndicat des simples, investie au sein de l’association des producteurs de plantes médicinales et aromatiques du Morbihan et de l’association du carré des producteurs locaux au marché des Lices de Vannes où elle tient l'étal sous les halles, les jours de marché. Alors pour le reste des 47 variétés, dont 20 sauvages qu’elle travaille sur la liste des 148 plantes dites libérées, "qui peuvent être vendues en dehors des pharmacies", elle part tous les jours en cueillette. Elle s’approvisionne sur 40 lieux d’un territoire qu’elle connaît sur le bout des doigts et fait encore de nouvelle découvertes. "Je travaille beaucoup autour des sentiers côtiers de Baden, une commune certifiée zéro pesticide, ce qui m’a permis d’obtenir la certification bio ce printemps", apprécie-elle. Mais c’est aussi auprès de particuliers, dont elle a obtenu l’autorisation, qu’elle complète ses cueillettes. Elle a ainsi répertorié tous les sites qu’elle parcourt et les quantités récoltés sur chaque. "J’ai cueilli au total 234 kg de plantes en 2019", passées au vent de son armoire séchoir faite maison. Et sur les étagères de son atelier, s’égraine une douce musique, celle de titres de chansons revisités dont elle a baptisé ses tisanes pour leurs vertus, ainsi "J’ai bien mangé, j’ai bien bu", pour la digestion, ou encore "Toux doucement", antitussive, ou "Meunier, tu dors", pour ses bienfaits sur le sommeil… / Claire Le Clève - Terra
Renseignements : www.marie-verveine.com