Le photovoltaïque breton cherche à valoriser son potentiel
En décembre 2020 le gouvernement passait en force et imposait une révision rétroactive des tarifs de rachat d'électricité photovoltaïque des premiers contrats. En 2021 par contre le seuil de l'arrêté tarifaire devrait passer de 100 à 500 KWc simplifiant considérablement l'installation de panneaux sur les toitures. En quelques jours la filière photovoltaïque passe du froid au chaud. La France et la Bretagne disposent d'atouts et d'un potentiel considérable qui ne demande qu'à s'exprimer. Terra a fait le point avec Christophe Marugan, responsable du pôle d'expertise en énergies renouvelables à Crédit Agricole en Bretagne. Le photovoltaïque une filière à fort potentiel, mais qui a maintenant besoin - comme toutes les filières nouvelles énergies - de stabilité réglementaire.

Aujourd'hui au Crédit Agricole en Bretagne cinq spécialistes accompagnent le développement des nouvelles énergies. Le solaire n'est sans doute plus à la une de ces dernières, mais il reste même dans nos régions une valeur sûre, et une source potentielle de développement importante, à la fois en termes de production énergétique, mais aussi de revenu. Des surfaces importantes de toitures sont encore disponibles, les nouveaux panneaux solaires, les nouvelles technologies comme les trackers améliorent le rendement des installations et depuis 2017 le déblocage de l'autoconsommation ouvre de nouveaux champs de production, ou d'économies.
Le solaire est une rente de long terme
Christophe Marugan est responsable du pôle d'expertise en énergies renouvelables pour Crédit Agricole en Bretagne. Il décrit les projets solaires : "aujourd'hui la plupart des projets développés dans notre région représentent environ 99,9 Kwatt soit environ 600 m2 de panneaux photovoltaïques ! L'investissement se situe autour de 80 - 85 000 €. Le marché est assez atomisé".
L'explication de cette situation est assez simple à appréhender. Après une première phase de développement, en 2011 un moratoire sur les prix de rachat d'électricité a été mis en place. A l'issue le tarif de rachat a été divisé par six. Mais dans la mesure ou le contrat de rachat porte sur 20 ans cela permettait aux investisseurs de se situer et de maîtriser leur projet. Dans le même temps le prix des panneaux a été divisé par quatre, et leur performance s'est améliorée.
La rentabilité d'une installation photovoltaïque peut être appréhendée de la façon suivante, décrit Christophe Marugan. "Pendant les 12-13 premières années les ventes d'électricité permettent en moyenne de couvrir les remboursements d'emprunts. Puis les huit années suivantes le chiffre d'affaires généré permet bien sûr de couvrir les charges, il devient une rente. Le solaire est donc une rente à long terme, d'autant qu'au bout des 20 ans les panneaux continuent de produire au moins 85 % de leur potentiel initial".
Probablement en avril mai , le seuil de rachat va passer de 100 à 500 Kwatt.
Le seuil passe de 100 à 500 KWatt
Mais pourquoi 99,9 Kw ? En fait chaque détenteur d'une installation devait obtenir de la part d'Enedis un contrat de raccordement. Jusqu'à 100 KW la procédure et le dossier était relativement simples. Par contre au delà de 100 KW la procédure était différente. Il fallait - et il faut encore à ce jour - répondre à un appel d'offre. Chaque porteur de projet était en concurrence avec d'autres. Des dossiers pouvaient donc être refusés, d'autant que les dossiers agricoles pouvaient se trouver en concurrence avec des parcs solaires portés par des industriels, ou des investisseurs.
C'est ce point qui devrait changer dans les semaines à venir, probablement en avril mai. Le seuil, indique Christophe Marugan, "va passer de 100 à 500 Kwatt. Le prix sera stabilisé à hauteur de 9,8 Cts/KW, le contrat restant sur une durée de 20 ans. Le porteur de projet pourra donc se positionner avec toutes les cartes en mains". Il sera plus simple de couvrir l'intégralité d'une toiture sans être plafonné avec le seuil des 100 Kwatt. D'ailleurs indique Christophe Marugan actuellement, "on voit les projets monter à 200 - 250 KW pour un montant d'investissement autour de 200 000 €. Les fournisseurs anticipent la parution de ce décret. De plus la cohabitation entre l'électricité produite pour la vente et celle autoconsommée sera simplifiée".
L'autoconsommation facilitée
L'autre potentiel de développement du solaire porte sur l'autoconsommation. L'électricité produite n'est plus injectée dans le réseau elle est autoconsommée en direct. Seul l'excédent est "injecté" dans le réseau à un prix inférieur de 6 Cts/KW mais uniquement pour les panneaux sur toiture. "En moyenne pour des projets sur toiture l'efficacité maximale est atteinte lorsqu'on couvre la consommation moyenne journalière. Mais souvent il n'est possible de couvrir que 25-27 % de la consommation notamment en production porcine ou hors sol. C'est un peu plus compliqué en production laitière, même si les robots lissent un peu plus la consommation sur la journée". Certains éleveurs font le choix des trackers, parce que leur charpente ne permet pas d'absorber la charge de 20 Kg/m2 des panneaux en toiture mais aussi pour des questions d'image.
Le tracker restera quand même pénalisé par le fait que l'électricité produite ne peut être rachetée dans un projet d'autoconsommation.
Reste que si un projet d'autoconsommation ne se construit pas très facilement, les chargés d'affaires agricole sont de plus en plus sollicités sur ces questions. "On devrait, avec la modification des seuils de rachat mécaniquement aller vers des projets de plus grande ampleur", estime Christophe Marugan.
Décarboner l'économie
Pour Stéphane Bouganim, directeur des marchés spécialisés au Crédit Agricole des Côtes d'Armor, le développement des nouvelles énergies est une "source d'innovation pour les territoires". Si le point de départ de cette aventure des nouvelles énergies est à mettre à l'actif des serristes et de la cogénération dans les années 2012 depuis les projets mais aussi les technologies se sont diversifiées. "On peut encore aller beaucoup plus loin", affirme Stéphane Bouganim, "dans un projet notamment de décarbonation de l'économie". Il cite "la cogénération, la méthanisation, le solaire, l'éolien, l'hydrogène, le GNV, la biomasse..." ."L'enjeu c'est la transition énergétique, faire baisser la facture énergétique et décarbonner l'économie". Le Crédit Agricole se positionne non seulement dans le financement de ces projets, mais aussi leur l'accompagnement. Qu'il s'agisse de la recherche de subventions, le développement des compétences, la sécurisation de la mise en place du projet et du business plan.
Tous les indicateurs sont à la hausse
La synthèse de l'observatoire de l'énergie solaire photovoltaique en France du 9 décembre 2020 donne les derniers chiffres de développement de cette filière. Le cumul des installations raccordées sur les réseaux RTE et Enedis (9,5GW) et sur les réseaux ELD (0,5 GW) dépasse la barre des 10 GW en France continentale. La part de l' électricité photovoltaïque dans la consommation brute d'électricité en France a atteint 4,6 % à la fin du troisième trimestre 2020. (2,9 % en moyenne annuelle). La Bretagne qui n'a pas la réputation d'une région particulièrement ensoleillée compte 252 MW de puissance installée loin derrière la nouvelle aquitaine première région avec ses 2705 MW.
La Bretagne produit l'équivalent de 1,2 % de la consommation électrique.
À titre de comparaison les bioénergies, couvrent elles 1,7 % de la consommation électrique en France, 1,6 % en Bretagne.
Le syndicat des énergies renouvelable mentionne qu'en 2020 les énergies renouvelables ont participé à hauteur de 24,2 % à la couverture de la consommation d’électricité de France métropolitaine au cours du troisième trimestre 2020 (et 27,3 % sur les douze derniers mois) en produisant 23,4 TWh d’électricité renouvelable, chiffre en hausse de 7,2 % par rapport au même trimestre de l’année dernière. La Bretagne plafonne toutefois à 15,5 % de sa consommation, quand Rhone-Alpes frôle les 49,9 %. Ce, dans un contexte où la consommation électrique au troisième trimestre a rebondi par rapport au deuxième trimestre marqué par la crise sanitaire, tout en restant en baisse par rapport à celle du troisième trimestre 2019 (- 1,7 TWh).
L'ambition de parvenir à 40 % de la part des énergies électriques dans le mix électrique en 2030 peut donc être atteint mais il reste une marche importante à franchir pour le solaire photovoltaïque qui se fixe déjà pour ambition d'atteindre 20100 MW soit le quasi doublement de la production actuelle en 2023. Le parc français comptait fin 2020 461 801 installations photovoltaïques. Un chiffre qui pourrait donc fortement évoluer ces trois prochaines années grace notamment à la modification des seuils (voir ci contre).