Loi climat : "L’agriculture ne peut pas porter tous les maux de la planète !"
Alors que l'examen du projet de loi climat, a débuté à l'assemblée, Cédric Henry, président de la FDSEA 35 a souhaité réagir aux propos de la députée Sandrine Le Feur (Terra numéro 787). "J’ai souhaité réagir, car j’ai le sentiment que nos élus s’éloignent de plus en plus des réalités du terrain et n’entendent qu’une minorité qui pourrait dicter sa vision des choses à l’encontre des intérêts de la majorité..."

Cédric Henry. L’agriculture aura sans aucun doute un rôle important à jouer en faveur du climat. Mais je vois ce rôle comme positif et non comme des contraintes supplémentaires. L’agriculture française reste une des plus durable au monde. Nos régions d’élevages permettent la mise en avant du pâturage et donc du stockage du carbone. De plus en plus d’éleveurs recherchent l’autonomie alimentaire. On peut avoir un élevage de porc et ne pas dépendre totalement d’aliment importé, mais il faut le faire savoir. L’enjeu est donc de continuer à faire évoluer nos pratiques afin de limiter leurs impacts, mais aussi et surtout de mettre en avant les externalités positives de l’agriculture en matière de climat. Je ne supporte plus les discours péremptoires qui visent l’agriculture et l’élevage sans tenir compte des tous les efforts déjà consentis et des résultats obtenus. L’agriculture ne peut pas porter à elle seule tous les maux de la planète et certainement pas celui de la totalité du réchauffement climatique !
Comment vous situez-vous dans le débat sur les menus végétariens qui s’annonce tendu ?
C.H. L’important est plus la notion d’équilibre alimentaire que le débat sur les repas végétariens. Il faut manger de tout raisonnablement. On voit trop souvent les repas végétariens imposés avec des substituts pour "faire croire" que l’on mange de la viande : le steack végétarien en est le meilleur exemple. Plutôt que d’imposer des choses à tous on ferait mieux d’éduquer à une alimentation équilibrée. Nous sommes des omnivores et quand on regarde la définition dans le dictionnaire c’est assez clair : on doit manger de tout ! Je ne comprends donc pas que l’on puisse imposer tel ou tel type de repas ! C’est à chacun de choisir ce qu’il mange. On ferait mieux dans les cantines de proposer des repas français à un "vrai" prix et surtout bien préparés avec des quantités adaptées aux enfants et aux jeunes.
Quel est votre positionnement sur la proposition de régulation des ICPE élevages dans les zones vulnérables ?
C.H. Les ICPE sont déjà très encadrées et je ne vois pas ce que l’on pourrait imposer de plus. Avec la déclaration des flux d’azote, le développement dans les zones vulnérables est déjà quasi impossible. C’est un discours démagogique de quelqu’un qui ne connait pas bien les règles en place ! La Bretagne est une des régions ou les règles d’installation ou de développement sont les plus contraignantes en France. Il est urgent d’arrêter la sur-transposition des règles au risque de voir à court terme disparaître les élevages. Les contraintes déjà en place ont permis des évolutions positives en matière de nitrates et produits phytosanitaire. Il est temps de le reconnaître et de féliciter les agriculteurs et agricultrices plutôt que toujours chercher à les contraindre !
Que pensez-vous du projet de redevance sur les engrais azoté ?
C.H. Même chose, il est urgent d’arrêter la sur-transposition ! Une telle taxe serait une distorsion de plus appliquée en France avec des conséquences évidentes sur les coûts de production et donc sur le prix de produits. Une telle taxe reviendrait à diminuer d’autant les prix aux producteurs, car les transformateurs et GMS ne pourraient (voudraient) pas la répercuter sur leur prix de vente.
La proposition d’une redevance qui serait collectée par les agences de l’eau et reversée aux agriculteurs est une belle utopie. D'une part les programmes d’actions sont territorialisés, et d’autre part, ils ne profitent qu’à une minorité et sont loin de compenser les baisses de revenus.
Il serait plus équitable de prévoir une taxe sur les produits importés qui ne respectent pas nos règles de production. Mais ça personne n’a le courage de le proposer, même pas les écologistes qui préfèrent faire du "plus blanc que blanc" chez nous.
Un étiquetage sur la rémunération serait-il une bonne idée ?
C.H. Nous nous battons depuis longtemps sur l’étiquetage de l’origine des produits. Il serait déjà bien que cela soit appliqué à tous les produits alimentaires avant de parler d’un étiquetage sur la rémunération. Là encore, essayons de faire bien ce qui existe déjà avant de contraindre plus.
Ce type d’étiquetage serait de plus très complexe à mettre en place compte tenu de tous les éléments qui rentrent en compte dans le calcul de la rémunération. Ca ne me semble pas possible à mettre en place. Nos élus feraient mieux de mettre leur énergie sur l’étiquetage de l’origine de produits qui n’est toujours pas reconnu au niveau européen et qui pourrait même disparaître en France ! Ce serait un grand pas en arrière pour nous.
La "sécurité sociale" alimentaire ?
C.H. Ce n’est pas une surprise, mais je ne partage pas les propos de Mme Le Feur… Nous n’avons jamais dit que les élevages industriels étaient nécessaires pour nourrir les plus pauvres. Nous disons qu’il faut pouvoir nourrir sainement et correctement toute la population et fournir tous les marchés. Dans les rayons il y a toujours eu les prix bas et les produits de marques, il faut aussi fournir la RHD qui va trop facilement chercher ses approvisionnements à l’export. Nous souhaitons donc relever le défi de nourrir tous les Français. Pour cela nous proposons plutôt un système de "tickets alimentaires" qui permettrait aux plus démunis de sortir de la logique des prix bas et d’accéder aux produits d’origines françaises qui seraient via ces tickets proposés au "vrai" prix et donc rémunérateur pour les producteurs.