Rémunération des pratiques bas-carbone grâce aux crédits carbone : c’est parti !
Pour appuyer le déploiement de projets de réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES), France Carbone Agri Association a lancé un projet de crédits carbone avec 391 éleveurs. Les premiers contrats de vente viennent d’être signés avec plusieurs acheteurs sur la base d’une rémunération de 30 €/t CO2 évitées pour l’agriculteur.

En novembre 2018, la France a mis en place le Label Bas Carbone : le premier label permettant de certifier des projets de réduction d’émission de GES. Les filières d’élevage (Idele, Cniel, Interbev, CNE) ont alors développé la méthodologie Carbon Agri, reconnue par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES), pour comptabiliser en toute transparence les réductions d’émission de GES et l’augmentation du stockage carbone permis par un projet agricole. Afin de faciliter le déploiement de projets, les fédérations des agriculteurs (FNPL, FNB, FNEC, FNO et JA) ont créé France Carbon Agri Association (FCAA). L’objectif de l’association est de fédérer les projets à l’échelle locale et nationale.
Agréger les projets individuels pour réduire les coûts
Un projet FCAA permet d’agréger les projets individuels des agriculteurs qui donnent mandat à FCAA pour gérer l’obtention et la vente des crédits carbone de façon collective. Cette organisation permet ainsi de mutualiser les coûts et d’offrir aux acheteurs une large palette de projets que ce soit en terme de diversité des pratiques mises en œuvre que de localisation.
Les éleveurs intéressés s’engagent avec un porteur de projet qui assure l’accompagnement technique nécessaire à l’obtention du crédit carbone. Les agriculteurs réalisent un diagnostic CAP’2ER® niveau 2 qui évaluera leur empreinte carbone au début du projet et identifiera les actions à mettre en œuvre pour la réduire. Après un délai de cinq ans, un nouveau diagnostic sera réalisé pour mesurer les réductions de carbone.
391 fermes engagées
Lors du 1er appel à projet mis en place par FCAA début 2020, 391 agriculteurs répartis sur l’ensemble du territoire, se sont engagés. L’accompagnement technique est en cours avec les 22 porteurs de projets (Entreprises de Conseil en Elevage, OP lait ou viande, chambres d’agriculture, entreprises laitières). A ce jour, 25 % des crédits carbone de ces 391 fermes ont été vendus à un prix plancher de 30 € la tonne de CO2 évitée à la Caisse des Dépôts et Consignation, au groupe Kering,…
Pour l’éleveur, un premier versement sera effectué à mi-parcours sur la base d’une estimation des tonnes de CO2 évitées et à la fin de la démarche sur la base des tonnes de CO2 évités calculées en fin de
projet. Le montant moyen attendu par exploitation oscille entre 5 000 et 12 000 euros par exploitation suivant leurs capacités à réduire le carbone et les volumes de production (lait, viande et cultures de vente).
Le crédit carbone est un coup de pouce financier complémentaire aux gains économiques permis par le changement de ses pratiques. Parmi les pratiques reconnues, l'optimisation des concentrés, la réduction de l'âge au premier vêlage et du taux de renouvellement, l'implantation de légumineuses, l’optimisation de la fertilisation, l’amélioration de la conduite sanitaire, etc., ont un impact économique positif pour les éleveurs au quotidien.
Les ventes des crédits carbone du 1er appel à projet étant déjà bien engagées, FCAA lancera un 2e appel à projet à l’automne.
S'engager
Quel sera mon objectif ? Mettre en place des pratiques qui réduisent les émissions de GES ou stockent du carbone additionnel. Elles seront adaptées à chaque exploitation.
Que devrais-je faire ? Réaliser un diagnostic CAP’2ER® N2 en début et fin de projet avec élaboration et mise en place d’un plan d’actions (choix des pratiques et objectifs). Le conseiller réalisera ensuite des visites de suivi pour accompagner la mise en œuvre
Qu’ai-je à gagner ? La vente des crédits carbone. Et, comme les pratiques permettent d’améliorer l’efficience du système de production, un impact positif sur la marge brute.
Combien de temps dure mon engagement ? Cinq ans.
Témoignage
Jean-Michel Le Meur, associé du Gaec de Kerjegu situé à Poullaouen (29), s’est engagé dans la démarche Label Bas Carbone. Dans ce cadre, un conseiller BCEL Ouest est intervenu sur l’exploitation afin de réaliser le diagnostic CAP’2ER® Niveau 2 et valider un plan d’action sur cinq ans pour optimiser les résultats et quantifier les gains carbone potentiels.
Pourquoi vous êtes-vous engagé dans la démarche "Label bas Carbone" ?
Ma coopérative, Sodiaal, m’a invité à entrer dans cette démarche à laquelle elle souhaite participer activement au niveau national. J’ai saisi cette opportunité pour quantifier et prendre conscience des impacts environnementaux de mon exploitation, tant négatifs que positifs.
Qu’est-ce que le diagnostic CAP’2ER® vous a apporté ?
J’ai apprécié la transposition objective, précise et peu discutable des éléments chiffrés techniques et économiques en résultats environnementaux. Les échanges au cours de la saisie et de la restitution du résultat m’ont fait prendre conscience du lien fort entre technique et environnement.
Quels leviers avez-vous identifié et sélectionné pour le plan carbone ?
Avec des émissions brutes de GES et une empreinte carbone nette de 1,01 et 0,90 kg
éq CO2/l lait, mon élevage affiche des résultats similaires à la moyenne du système breton. Différents leviers simples à mettre en place et efficaces ont été identifiés :
- Mieux valoriser le pâturage en ajustant la gestion au quotidien et en investissant dans des chemins pour allonger la période pâturante en période humide.
- Optimiser les effectifs d’animaux improductifs en suivant un schéma défini de renouvellement et en diminuant l’âge au 1er vêlage des génisses
- Substituer le correcteur alimentaire 70 % soja/30 % colza par du tourteau de colza 100 %.
L’ensemble de ces pratiques me permettent de diminuer de 11 % les émissions de l’atelier laitier.
Comment allez-vous mettre en place ces leviers ?
L’accompagnement par BCEL Ouest pour suivre le plan d’action détaillé chiffré ainsi que la motivation me semblent les deux facteurs clés de réussite. Le frein potentiel lié aux 12 000 € de travaux pour les chemins d‘accès au pâturage est en partie levé par une estimation d’un retour très rapide de l’investissement sur les coûts opérationnels. Je vais également me renseigner sur les subventions potentielles pour la mise en place de ces leviers.
Quels gains économiques ce plan d’action peut-il vous apporter ?
La mise en place de ces leviers permet d’espérer une réduction de 358 tonnes de CO2 sur la durée du projet. À 30 €/t économisée, j’espère arriver à l’objectif de 10 740 €. Par ailleurs, les leviers techniques ont aussi des répercussions économiques favorables. L’optimisation de l’alimentation (pâturage, colza) et la réduction du nombre d’animaux élevés vont engendrer moins de charges opérationnelles, sans dégrader les produits. Un budget partiel lié au plan d’action estime à 7 000 € les gains supplémentaires possibles. Ces leviers ont aussi été choisis dans l’objectif de réduire le temps et la pénibilité de travail.