Dans la campagne, la chapelle Saint Antoine cache ses trésors
Du schiste et de l'ardoise de pays, un peu de granit de Kersanton pour souligner les ouvertures, un modeste clocher... Nichée dans un écrin de verdure, surplombant la campagne environnante, la chapelle Saint Antoine cache bien son jeu, en recelant de nombreux trésors sous des dehors on ne peut plus simples.

"Regardez vos pieds". En cette fin d'été, ils sont une dizaine de visiteurs à découvrir la chapelle Saint Antoine sous la houlette de Marie-Françoise Cloitre. Et une fois le porche franchi, ce qui étonne d'abord, c'est le sol, ce pavage de schiste orné d'une croix posée sur son socle, tel un calvaire, et de figures symbolisant le passage de notre réalité terrestre vers le divin. "Autrefois, il n'y avait pas de chaises dans la chapelle, indique la guide passionnée du patrimoine communal. Le sol était donc dégagé. Et à une époque où la majorité des gens ne savaient ni lire ni écrire, ces figures parlaient à tout le monde".
Deux saints pour une chapelle
Dépendant du manoir de Penarfers, la chapelle de Saint Antoine a été érigée à quelques kilomètres du bourg de Ploudiry (29), la plus grande paroisse du Léon avant la Révolution française. Si aucun document ne permet de la dater précisément, les blochets, ces pièces de bois aux quatre coins de la nef, autorisent à penser qu'elle a été construite au XVIe siècle.
D'abord dédiée à Saint Antoine le grand ou l'ermite, moine égyptien des III et IVe s, la chapelle intègre le culte de Saint Antoine de Padoue, moine prédicateur franciscain du XIIIe siècle, un peu plus tard, comme en attestent les trois retables polychromes, datés de 1635. "Ils représentent la crucifixion, le couronnement de la Vierge, et Saint Antoine de Padoue, détaille Marie-Françoise Cloitre. Et il y a une certaine harmonie entre eux. Est-ce qu'ils sortent du même atelier ? Qui les a commandés ? Hormis cette date, 1635, on ne sait rien sur ces retables. C'est frustrant". Et d'attirer l'attention des visiteurs sur un détail, à côté de Saint François d'Assise. "Ils cachent quelques petits clins d'œil, comme cette église qui ressemble bien plus à celle de Ploudiry qu'à une église italienne...".
Sauvée dans les années 50
En 1774, les propriétaires du manoir n'y résidant plus, ils vendent la chapelle à la Fabrique, l'organe de gestion de la paroisse. Alors que les routes sont souvent mal entretenues, compliquant l'accès à l'église paroissiale une bonne partie de l'année, les gens du quartier en font un lieu de culte régulier. Mais au fil du temps, l'édifice se dégrade et, en 1841, une partie de la façade du transept s'écroule.
Réparée, la chapelle sert un temps lieu de stockage de pommes de terre pour la ferme voisine. Et elle devra son salut au curé Egaret qui, en 1957, décide de redonner tout son lustre au pardon avant de refaire les lambris de la voûte, un an plus tard. Les vitraux sont à leur tour restaurés dans les années 80, date à laquelle une poignée de bénévoles s'attaque au pavage de schiste de la chapelle. Malmené par les racines d'un arbre trop proche, il est fidèlement reconstitué, avant que la fontaine, en contrebas, ne soit à son tour remontée.
Restaurée de fond en comble
En 1996, une nouvelle étape est franchie, quand Ploudiry participe au concours Un patrimoine pour demain, initié par la revue Pélerin magazine, et se voit octroyer une bourse de 69 800 francs. Dans la foulée, le drainage et la consolidation des fondations assurent d'abord la pérennité de l'édifice. Puis c'est au tour du mobilier. Inscrits à l'inventaire supplémentaire des mobiliers classés en août 1997, retables, statues et maître-autel sont démontés puis restaurés avant d'être replacés. Un chantier qui s'étalera sur plus de 10 ans. Et il était temps ! Vieux de trois siècles, les retables s'effondraient peu à peu sur eux mêmes, rongés par les insectes et l'humidité. La voûte étoilée a été peinte en juin et juillet 2016 par l'artiste Valentin Scarlatescu. Et la chapelle a été mise en lumière cette année. Entièrement restaurée grâce à la ténacité d'une poignée de passionnés réunis en association, elle révèle maintenant ses trésors lors du pardon annuel, le premier dimanche de septembre, ou lors des visites guidées, organisées tout au long de l'année.
Un pardon toujours dynamique
Célébré le premier dimanche de septembre, le pardon de Saint Antoine procède encore, tous les ans, à une vente de cochonailles au pied du calvaire, à l'issue de la messe. Une tradition héritée de temps lointains, où les finances des paroisses étaient, en partie, alimentées par des dons en nature vendus aux enchères. Elle a perduré ici, en s'adaptant au passage aux évolutions de la société. Si, jusqu'en 1982, fidèles et pélerins offraient lard fumé, andouilles, pieds et oreilles de cochons préparés à la maison, une équipe de bénévoles s'est ensuite chargée de cuisiner et fumer les andouilles à partir de porcs élevés dans le secteur, avant qu'un traiteur ne prenne le relais, en 2005.
Autrefois remis au curé de la paroisse, le produit de la vente revient maintenant à l'association Saint Antoine, qui, grâce à ces fonds, participe aux dépenses liées à l'entretien de la chapelle, qui appartient à la commune de Ploudiry.
Relancé en 1957, le pardon continue, aujourd'hui encore, à drainer de nombreux fidèles et a servi de cadre, cette année, au pardon diocésain du monde rural, accueillant pour l'occasion près de 400 personnes.