Les pailles à boire, une nouvelle filière pour le seigle
La SAS Bourmault produit des pailles à boire à partir de brins de seigle cultivé sur l’exploitation, à Luché-Pringé dans la Sarthe. Maîtrisant l’ensemble de cette nouvelle filière, les agriculteurs visent 8 millions de pailles par an pour ce débouché non alimentaire.

La première machine est enfin arrivée mi-décembre sur l’exploitation de Cassandra Bourmault. Elle marque l’aboutissement d’un projet porté par l’agricultrice et ses associés au sein de la SAS Bourmault : celui de créer leur propre filière de paille à boire naturelles et biodégradables à partir de seigle, de la culture à la commercialisation.

Production en continu
Plusieurs fois primés pour leur projet, Végépailles, les agriculteurs entrent aujourd’hui dans la phase concrète. Malgré le retard pris pour la fabrication de la machine - conçue sur mesure par la société Ascodero productique (80) - la production a démarré il y a deux mois. Six salariés ont été embauchés pour travailler en équipe de 2x8, afin que la machine tourne en continu, de 5h à 21h. "Ils sont arrivés début décembre pour commencer à trier les brins, explique Primaël Bourmault, c’est une tâche qui n’est pas mécanisable et qui est très longue". Stockés dans des palox, puis réchauffés à température ambiante (22°C) pour limiter l’humidité de la paille, les brins de seigle sont repris un à un par les opérateurs afin d’écarter ceux non conformes (trop écrasés, trop petits, trop abîmés). Les brins sélectionnés sont ensuite introduits dans la machine qui les découpe, à raison de deux pailles par brin : l’une de 19 cm et l’autre de 14 cm. Le diamètre des pailles varie de 4 à 6 mm. À la sortie, un opérateur assure le contrôle de la qualité.
L’interdiction de la vente d’objets en plastiques, depuis le 1er janvier 2021, ouvre de nombreuses opportunités.
Nettoyage des brins
Produit vivant, le seigle n’est pas constant. Des traces de champignons peuvent apparaître sur le brin par exemple. Certaines tiges sont très longues. "La machine doit s’adapter, indique Cassandra Bourmault, nous sommes en relation avec le constructeur pour continuer à l’améliorer". Et une autre machine est arrivée pour le nettoyage des brins, incluant la destruction des micro-organismes. Si le projet initial prévoyait une montée en puissance de la production jusqu’à six machines, l’objectif des entrepreneurs est aujourd’hui "de déjà bien maîtriser le fonctionnement à plein régime de la machine". Alors, ils estiment qu’ils seront capables de produire 8 millions de paille par an.

Offre diversifiée
La société est d’ores et déjà prête à commercialiser ses produits sous la marque Végépailles. Le conditionnement et le graphisme ont été confiés à des entreprises locales. Trois formes de boîtes (50, 100 et 200 unités) sont prévues pour la distribution des pailles auprès des GMS, grossistes, restaurants, centres médicaux et établissements publics. En raison du contexte sanitaire, Cassandra Bourmault n’a pas anticipé la signature des contrats avec ses clients. Mais elle réfléchit à une offre diversifiée, en fonction de la taille des pailles produites : outre la paille à boire, le brin de seigle pourrait servir de touillette à café ou de paille pour les sorbets. L’interdiction de la vente d’objets en plastiques, depuis le 1er janvier 2021, ouvre de nombreuses opportunités à la société sarthoise.
Recherche génétique
Pour la campagne 2022, les agriculteurs ont implanté 50 hectares de seigle au total sur les deux exploitations. De quoi assurer l’approvisionnement en matière première de leur machine. L’occasion, surtout, de tester de nouveaux itinéraires culturaux pour cette céréale qui valorise bien les terres non irriguées. "Nous privilégierons le brin plutôt que les grains, contrairement à cette année", annoncent-ils. La récolte reste une étape délicate, nécessitant une machine conçue sur-mesure. Peu développée en France, la recherche génétique sur les variétés de seigle intéresse ces agriculteurs qui font des essais dans leurs parcelles. Sur les dix variétés testées l’an passé, ils en ont sélectionné trois. Ils envisagent, à terme, d’établir un protocole cultural afin d’ouvrir la production à d’autres agriculteurs, qui deviendraient alors fournisseurs de la SAS Bourmault.

Une innovation primée
Après avoir été lauréats du concours Végépolys Valley en 2020, Cassandra Bourmault et ses associés ont remporté le premier prix, dans la catégorie Impact, du concours Start Innovation Business Award organisé par le CIC en décembre 2021. Leur projet Végépailles a également reçu de nombreux soutiens dont une bourse de 30 000 € de la BPI French tech et 35 000 € d’Initiative Sarthe (dont 5 000 € de la communauté de communes Sud Sarthe), 10 000 € du conseil départemental, 6 000 € du Crédit Mutuel (Créavenir) et 1 000 € du Crédit Agricole.
Les deux exploitations
EARL de l’Etang :
- 3 associés (Philippe, Marylène et Primaël) et deux salariés
- 6 bâtiments de volailles de chair de Loué
- 1 bâtiment de poules pondeuses
- atelier allaitant : 70 Limousines
- atelier porc : 150 places d’engraissement sur paille
- SAU : 250 ha, dont 72 ha de maïs semences.
Cassandra Bourmault :
- 1 bâtiment de poules pondeuses
- SAU : 100 ha dont 12 ha de maïs semences.