Demain 10 000 ha de Leggo !
Dans le cadre de l'ambition française de développement de l'autonomie protéique, le grand ouest se fixe pour objectif de répondre aux attentes en protéagineux pour l'alimentation humaine. Les acteurs de cette filière, en devenir, viennent de lancer les bases de leur structuration avec une association, Leggo (Légumineuses à Graines du Grand Ouest) qui se fixe pour ambition de développer la culture de 10 000 ha de protégineux à graines dans le grand ouest. Pour qui ? Comment ? Pourquoi ? Ils nous expliquent leur démarche.

L'affirmation du besoin de souveraineté alimentaire, et en particulier d'autonomie protéique n'est pas une nouveauté. À plusieurs reprises déjà des plans protéines ont été lancés, sans grand résultat probant. Jean-René Mennier responsable régional veut croire que cette fois les choses seront différentes. Souvent des accords internationaux sont venus contrecarrer les belles ambitions affichées. Cette fois, la crise du Covid a remis en avant les besoins de notre pays de s'affranchir des importations, notamment dans cette filière de l'alimentation humaine des protéagineux ou l'essentiel de la consommation est réalisée grace aux importations.
Un aspirateur à protéines étrangères
Mais pour que cette fois l'ambition de développer l'autonomie protéique profite aux producteurs locaux, et ne soit pas un énorme aspirateur à protéines étrangères, notamment canadiennes, il s'agit de structurer la filière, où les filières, puisque l'on parle de produits et de modes de consommation très différents.
Actuellement, une production d'un million d'hectares de protéagineux existe en France mais elle est essentiellement dédiée à la consommation animale. L'offre locale de légumineuses à destination de l'alimentation humaine est faible. La France importerait annuellement 157 000 t de légumineuses à graine chaque année, soit l'essentiel de sa consommation.
Et Jean-René Mennier le souligne, la demande "explose" littéralement. Les Français adoptent un régime alimentaire de plus en plus flexitarien, dans lequel les protéagineux sont beaucoup utilisés. De plus, l'agro-alimentaire cherche à surfer sur cette "mode" et à incorporer moins de protéines animales, des ingrédients plus locaux, et par conséquent des protéines végétales.
Lentilles, pois chiche, féverolle, haricots...
Les chiffres de progression sont impressionnants. Jean-René Mennier souligne que depuis la demande de l'État de proposer un menu par semaine avec des produits végétaux, la pression est forte. Mais "répondre à cette nouvelle demande ne se fera pas en un claquement de doigts". Il est essentiel de construire une filière qui intègre tous les maillons et les modes de production. Depuis 18 mois les responsables professionnels se sont attelés à cette tâche afin de mettre autour de la table l'ensemble des maillons de cette filière. Ce sera le rôle de la structure Leggo créée depuis le mois de mai. Du producteur au consommateur, en passant par la restauration collective, la distribution, les transformateurs, les organismes de stockage et de collecte, ils seront tous autour de la table parce que chacun a un rôle à jouer et surtout une attente ou une vision particulière des choses. Pour Jean René Mennier l'essentiel est de partir de ces besoins de consommation exprimés, mais aussi des futurs besoins imaginés par les restaurateurs, les transformateurs, pour remonter jusqu'au producteur. L'ambition sera de lui amener une sécurisation, au travers notamment d'une contactualisation. Mais le débat ne sera pas seulement économique.
Tout reste à inventer
Le mode de consommation des protéines végétales est appelé à considérablement évoluer. D'un mode de consommation de la graine en entier, il est fort probable que l'on aille très rapidement vers une diversification des modes d'utilisation et d'incorporation par l'industrie. Jean Michel Noël responsable des achats chez Sodexo le souligne. En farine pour l'incorporation, en surgelé, en conserve, en frais, les modes de consommation vont très rapidement évoluer et correspondre à des cahiers des charges de production probablement très différents. La génétique, les modes de production, les lieux de production autant de chantiers de recherche et de développement se profilent.
100 000 ha à substituer
Leggo imagine une capacité de substitution de l'ordre de 100 000 hectares, en France, par rapport aux importations actuelles. Et si l'on décline ce chiffre pour le grand ouest cela représente 2 000 producteurs à raison de cinq hectares d'ici quelques années seulement. Des producteurs qui ne prendront le risque que s'ils sont accompagnés et si le risque est limité et partagé contractuellement par les autres maillons de la filière. Car chacun pourrait demain apporter sa pierre à l'édifice de ce nouveau mode de consommation. Jean-René Mennier estime que ce travail impliquera autant d'aspects comme la communication, la recherche nutritionnelle, la recherche technique génétique... bref, presque une nouvelle filière.
"On ne partagera sans doute plus demain un plat de lentilles !". On consommera sans doute des gâteaux à base de farine de féverolles, de haricots rouges, ou un steack haché intégrant de la farine de pois chiche. Une alimentation et des produits plus modernes, un gage de pérennité pour l'agriculture bretonne si elle se positionne dès aujourd'hui... et c'est son ambition !