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"Cela fait 15 ans et on se paye tout ça sans PAC"

14h30, Kerzo en Sauzon, mi-avril. Se jouant des tunnels, le vent est à peine freiné par l’écran des hauts conifères distillant leur fragrance résinée. A côté, le cri strident des faisans. Pas loin, les lapins. Sur les planches, agenouillée sous le soleil, avec Baptiste Vasseur, l’équipe concentrée repique ses plants bios. De projet qualifié d’atypique, il y a 15 ans, la ferme maraichère de Kerzo s’est imposée, nécessaire à l’autosuffisance de l’île. Parcours.  

Des friches. "Ici, ça l’a été durant cinq ans, nous avons mis trois ans à défricher. La galère pour récupérer trois ha ! Nous avons installé tout de suite nos tunnels, 3 300 m², une chance. Tout est irrigué parce qu’il n’y a pas de maraîchage sans eau. Et tout est protégé, voilé, grillagé parce qu’il n’y a pas de maraîchage sans protection contre le gibier, et c’est un mi-temps à l’année", campe sur les contraintes insulaires, le maraîcher installé depuis mars 2007. Baptiste Vasseur avait alors 25 ans, il y aura bientôt 15 ans. Un "parisien", épris de Belle-île, la bien nommée, contrée de tous ses étés depuis l’enfance, alors forcément : "ça me trottait dans la tête de m’y installer", évoque le jeune quarantenaire. Déterminé à y vivre, il passe un BTS d’aménagement paysager au lycée de Kerplouz à Auray suivi d’un BPREA à la chambre d’agriculture du Morbihan, par alternance durant deux ans… Et l’installation en maraîchage bio, "sur une ancienne ferme. Au début tout seul et puis Amandine m’a aidé, elle est devenue salariée et aujourd’hui co-exploitante", avec un salarié permanent l’hiver et trois saisonniers, l’été. "Cela fait 15 ans et on se paye et tout ça sans PAC !".

"On a essuyé les plâtres"

Une installation hors cadre, aidée malgré tout, et qui n’a pourtant pas coulé de source.  "Du maraîchage en bio, le prévisionnel ne passait pas, le projet était qualifié d’atypique ! J’ai dû me faire représenter par la Confédération Paysanne en CDOA pour avoir gain de cause", s’insurge encore ce paysan militant qui a cru ne pas pouvoir exercer ce métier dans cette zone classée N (naturelle) au PLU, l’une des plus restrictives en matière de construction, à laquelle s’ajoute la loi littoral. "On a essuyé les plâtres", conviennent Baptiste et Amandine, balayant les intimidations dont ils ont fait les frais au départ, "notre bassin d’irrigation a été pollué intentionnellement et toutes nos cultures irriguées fichues, une année blanche". Leur place, ils l’ont faite, s’intercalant avec les productions des deux maraîchers historiques pour ne pas les concurrencer. "Nous avons développé toute la gamme d’hiver, pour travailler toute l’année une fois les touristes partis", résume Amandine de leur stratégie avec une offre de 60 légumes à l’année. Une cinquantaine de paniers sont vendus par semaine à la ferme, une quinzaine de restaurants font partie de leur clientèle qu’ils retrouvent aussi sur un marché au Palais, l’hiver et quatre en saison estivale.

Terres froides, espace venté, manque d’eau, petit gibier vorace…, être agriculteur ou maraîcher à Belle-Île n’est pas une sinécure, y vivre se cultive, Baptiste Vasseur et Amandine y sont parvenus.

"Ne pas dépendre du bateau"

Leurs méthodes culturales ont, elles aussi, évolué. "Il fallait remettre en route ces terres des îles qui sont froides et démarrent tard. Nous avons appris à travailler sur planches permanentes, réalisé nos outils adaptés avec l’atelier paysan, dont le triangle d’attelage, génial pour l’ergonomie et la sécurité", et des engrais verts l’hiver, mélanges de seigle féverole, phacélie, radis trèfle d’Alexandrie… L’autonomie de la ferme est un maître mot à Kerzo et une nécessité économique. "Nos plants sont faits maisons à 70 %, ils sont super adaptés à notre territoire", avec les investissements de serre à semis et de couches chaudes qui vont avec "pour ne plus dépendre du bateau qui est cher". Ici, les huiles essentielles soignent les humains et les plantes. Les déchets verts de l’île amenderont bientôt leurs planches, sans compter les essais de "maraîchage sur sol vivant, MSV". Et des projets encore à venir empreints de pragmatisme. "Nous sommes fiers de ce qu’on vend et fait pour l’autonomie de l’île. Oui il y a de la place pour d’autres mais attention, le territoire est arrêté et fermé", mettent-ils en garde sur des projets qui, s’ils sont les bienvenus, doivent répondre à un besoin.

 

 

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