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La sole bretonne va-t-elle changer de visage ?

Si les productions "reines" bretonnes ne sont pas prêtes d’être détrônées, pour autant s’esquissent peu à peu les nouveaux traits des assolements bretons de demain. Impacts des aléas climatiques, enjeux de la souveraineté alimentaire des cheptels bretons et nouvelles tendances de consommation, la Bretagne végétale s’y adapte.

La Bretagne présente la part de surfaces fourragères (fourrages annuels, prairies artificielles et temporaires) dans sa surface agricole utile (SAU) parmi la plus développée en France (55 % en moyenne), après l’Auvergne et la Corse. Néanmoins, elle peut compter sur ses 590 000 hectares de céréales ; c’est plus d’un tiers de la SAU bretonne. Le blé prédomine en occupant un hectare sur deux et le maïs grain un hectare sur quatre. Côté oléagineux (52 330 hectares en 2019), les surfaces sont trustées par le colza (98 %). Ses implantations augmentent par pallier ces dix dernières années et retrouvent dorénavant leur meilleur niveau, atteint en 2007. Ces différentes productions se concentrent à répondre aux besoins en grain et en paille des animaux des élevages bretons (2,2 millions de tonnes de paille produites en 2019) ; les céréales à paille représentent en moyenne 75 % des surfaces céréalières ces dernières années. Ces dernières se sont toujours développées, mais elles semblent avoir atteint un plafond depuis les dix dernières années. Cela n’est pas le fruit d’un changement de modèle agricole breton puisque l’élevage reste dominant. Il s’agit plutôt du recul de certaines productions animales lié à leurs difficultés propres plus qu’à une concurrence directe de la part des productions végétales. Pour autant, les assolements évoluent au sein des exploitations agricoles d’élevage. La sole dédiée aux cultures de vente est de plus en plus optimisée, dans un contexte de recul du foncier disponible (1,7 million d’hectares de SAU sur 2,7 millions d’hectares de surface bretonne)

 

Orge de printemps grande gagnante au jeu de la chaise musicale 2019-2020

La campagne de production 2019-2020 des grandes cultures bretonnes aura été très atypique pour ses conditions climatiques et lourdement impactante dans les choix d’ensemencement des producteurs. La surface de blé tendre d’hiver a été inférieure à 235 000 hectares, c’est un seuil jamais atteint ces 30 dernières années.
Alors que 91 % des surfaces bretonnes d’orges (un peu plus de 100 000 hectares ces cinq dernières années) sont implantées en orge d’hiver, pour cette campagne très particulière, l’orge de printemps s’est hissée à la hauteur de 36 000 hectares (une surface multipliée par 4 en un an). Un essai qui ne devrait pas se transformer lors des prochaines campagnes, tant que l’intérêt économique pour l’agriculteur restera limité pour cette culture, son débouché étant principalement fourrager.

sole bretonne

Autonomie protéique du cheptel d’élevage : une priorité

Le travail sur le taux de protéines des cultures est enclenché depuis quelques années, sur le blé notamment pour des questions d’accessibilité des blés français aux marchés à l’exportation. Plus récemment, il est réactivé avec l’élaboration tant attendue de la stratégie nationale pour le développement des protéines végétales, fraîchement annoncée en ce début décembre. Ce plan protéines, qui s’inscrit dans le cadre du plan de relance, fixe comme objectif d’augmenter de 40 % la surface de production de cultures riches en protéines sur trois ans, d’améliorer l’autonomie alimentaire des élevages, et de soutenir la recherche et le développement. Aucun débouché n’est donc mis de côté, le critère "protéine locale" est demandé aussi bien en alimentation animale qu’en alimentation humaine, compte tenu du fait que cette dernière se végétalise.
Dans la ligne de mire, c’est la réduction de la dépendance aux importations de protéines végétales notamment du soja. Maintien d’une production d’oléagineux compétitive, augmentation de la part de protéines fournies par les céréales, renforcement de l’autonomie fourragère des exploitations d’élevage, soutien de la culture des protéagineux. Les pistes sont nombreuses pour l’alimentation animale.

 

Le retour des protéagineux ?

47 200 hectares, c’est la surface maximale atteinte par les protéagineux dans les années 1990 (jusqu’à 9 % de la sole de grandes cultures bretonnes). Elles ont été divisées par dix ensuite pour rebondir ces dernières années. Plus de la moitié est en pois (56 % en moyenne 2015-2019 contre 37 % en féverole)… Difficile d’imaginer un retour à des niveaux de surfaces d’avant, tant la contrainte technique de gestion de cette culture reste forte et ses rendements trop variables. Néanmoins, une fois cette contrainte levée, il faudra aussi susciter l’intérêt économique des producteurs pour ces cultures. Le Groupement d’Intérêt Économique "Services de Valorisation des Protéines", entre les acteurs bretons Eureden, Tromelin Nutrition et Valorex, souhaite y répondre. Les partenaires visent l’implantation de1 000 ha de pois et de féverole dans le cadre de la mise en place d’une filière organisée dans une logique de territoire, sur la base de contrats pluriannuels à prix garantis.
Pour autant, le chemin risque d’être long et le soja sera encore là demain. Le vice-Président du SNIA (Syndicat national des fabricants d'alimentation animale), lors d’une conférence de presse le 1er octobre dernier alerte d’ores et déjà : "Il faut que le soja zéro déforestation devienne le standard du marché", à l’échéance 2025. À moins que la culture du soja trouve une place dans les assolements bretons... La recherche et le développement s’y emploient.

 

Travailler à la différenciation porteuse de valeur

Si depuis des années les bretons produisent des blés panifiables sur leurs terres, le débouché reste quasi-exclusivement l’alimentation animale. Très modestement, une cinquantaine de moulins écrasent moins de 200 000 tonnes de grain pour en faire de la farine (150 000 tonnes en 2019) pour les industriels de la panification en boulangerie-pâtisserie, biscuiteries, crêperies ou encore des céréales pour le petit-déjeuner, à destination du marché local et à l’export. Des acteurs qui ne manquent pas en Bretagne, néanmoins rares sont ceux qui ont travaillé à la valorisation de l’origine locale. Le sarrasin et son IGP Blé Noir Tradition Bretagne l’illustrent, il ne comble aujourd’hui que 25 % des besoins du marché breton, face à la concurrence féroce des blés noirs des pays de l’est ou de Chine.
De nouvelles initiatives émergent. Cette année, la filière U Blé de Bretagne, lancée par la Coopérative U Enseigne, en partenariat avec Eureden, Paulic Meunerie et la boulangerie Leroux s’est concrétisée par 150 hectares de blé implantés. Les agriculteurs ainsi engagés signent un contrat pour trois ans, leur garantissant un revenu minimum à l'hectare. L’objectif serait de monter en puissance (500 ha) et d’étendre la zone de production sur le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine. À bon entendeur.

 

Les légumineuses, nouvelles tendances

Produits à base d’avoine, jus de légumineuses, huile de chanvre, graines de lin... Les acteurs industriels du secteur laitier et d’autres secteurs ne manquent pas d’idées pour diversifier leur gamme avec des alternatives produites à partir de végétaux. Ces démarches s’accompagnent parfois par la structuration d’une filière d’approvisionnement locale, à l’image de l’atelier V* à Vannes. Ce fabricant vannetais de tartinables et de produits (falafels, houmous) à base de légumes, légumineuses et céréales bio (pois chiches, pois cassés, lentilles jaunes, lentille corail, haricot rouge…), collabore avec une vingtaine de producteurs bretons depuis quelques années pour la production d’une centaine de tonnes de matières premières. La nouvelle association LEGGO "Association Légumineuses à Graines Grand Ouest" y travaille également. Sous conditions de débouché et de prix à la hauteur, des opportunités de diversification des assolements existent.

 

Les surfaces bio bretonnes sous les projecteurs

Les surfaces de production en bio (fourrages et COP) s’étendent ces dernières années (multipliées par 2 en 4 ans), en parallèle du développement des produits animaux bio. Ce sont donc plus de 140 000 hectares (source Orab-Frab) engagés en bio, soit 8,6 % de la SAU bretonne en 2019. Par conséquent, la collecte de céréales et d’oléoprotéagineux bio pèse davantage, avec 26 834 tonnes en 2019. Plus spécifiquement, les céréales bio collectées ne représentent que 1 % de la collecte globale céréalière bretonne, elles sont en hausse de 34 % sur un an. Ce sont surtout les protéagineux bio qui se démarquent par leur bond de 82 % sur un an en 2019 à 2 436 tonnes. Ils représentent dorénavant plus d’une tonne sur 5 des protéagineux bretons (22 %).
Le déploiement sur le territoire régional du nouveau label Territoire Bio Engagé, porté par IBB Initiative Bio Bretagne, est donc l’occasion d’une nouvelle mise en avant de la bio en Bretagne, cette fois-ci pour la SAU spécialement dédiée à l’agriculture biologique des collectivités territoriales. En effet, une collectivité qui recense un minimum de 11 % de sa surface agricole en bio, peut prétendre à la labellisation qui comporte quatre niveaux de graduation. Pas de quoi susciter des vocations dans la bio, pour autant, c’est l’occasion pour les territoires de mettre en avant leurs producteurs locaux bio.

 

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