Yann Chéritel - Agriculteur à Moustéru (22)
"Le marché de la restauration collective est énorme"
Depuis l’été 2018, les élus de Guingamp-Paimpol Agglomération travaillent au développement de l’approvisionnement local de la restauration collective. Pour cela, un annuaire des agriculteurs locaux disposés à livrer la restauration collective a été constitué l’an passé. Les 57 communes de l’agglomération ont également été sensibilisées. C’est l’occasion de faire le point avec Yann Chéritel, agriculteur depuis 4 ans, à la tête d’un élevage de 40 vaches laitières sur l’exploitation Ty Lipouss à Moustéru. Entretien.

Tout d’abord, comment votre exploitation traverse cette crise depuis le début du confinement le 17 mars dernier ?
Yann Chéritel. Notre exploitation a plusieurs canaux de commercialisation et la restauration collective en est un. Évidemment, il y a une forte baisse sur ce débouché, mais elle a pu être en partie compensée par les autres circuits, notamment une hausse des ventes en grande distribution - surtout les premières semaines - et dans les épiceries locales. Il y a de nouvelles formes de ventes qui s’installent et certaines perdureront. On s’adapte à la demande, avec de nouveaux clients à la clé qu’il faudra réussir à capter sur le long terme. Il faut être optimiste. Les gens reprennent conscience que localement, nous sommes là pour les nourrir. La seule crainte est le contexte économique d’ici quelques mois, s’il y a une perte du pouvoir d’achat des ménages.
Le 27 mars 2019 à Bourbriac avait lieu un forum professionnel réunissant des agriculteurs du territoire disposés à livrer la restauration collective et 70 acheteurs (élus, cuisiniers, gestionnaires) des écoles, collèges, lycées, hôpitaux, Ehpad, de Guingamp-Paimpol Agglomération. Quel constat en tirez-vous un an après votre participation ?
Y.C. Cette démarche va dans le bon sens. J’ai pris conscience que le marché de la restauration collective était énorme. Suite à ce forum, nous avons progressé dans nos ventes, de nouvelles écoles nous ont fait confiance. Mais il reste encore beaucoup de potentiel ! Je pense par exemple aux Ehpad et maisons de retraite, que cela soit en volumes et en régularité de commandes. De notre côté, nous avons aussi des efforts à faire. Pour ma part, la priorité est de fidéliser notre clientèle. Ensuite, il s’agit de répondre aux nouvelles demandes que nous avons. Enfin, nous prospectons des écoles. Mais ce troisième point nécessite du temps et des compétences, en plus de savoir produire, transformer et assurer la logistique !
Depuis novembre, vous exploitation est certifiée en agriculture biologique. Notez-vous des changements ?
Y.C. Le fait d’être engagé en bio, cela ajoute un argument auprès des acheteurs. Même si le premier critère c’est avant tout le "local".
Le second, c’est "bio", et le troisième "fermier". Cela devrait nous aider car la restauration collective devra intégrer 20 % de produits bio.
La restauration collective dépend beaucoup des élus locaux. Quels arguments pour les convaincre d’aller encore plus loin dans l’approvisionnement local de la restauration collective ?
Y.C. Il faut mettre en avant le développement durable. Économi-quement, lorsqu’on relocalise, on réinjecte l’argent sur le territoire. Sociétalement, la crise actuelle nous montre qu’on doit dépendre de nous-mêmes. Et environnementalement, c’est le consommateur - particulier et/ou collectivité - qui a un rôle à jouer, en privilégiant un cercle vertueux.