Méthanisation : favoriser l’acceptation du projet par voisins et élus
Vous souhaitez vous lancer dans un projet de méthanisation pour valoriser vos effluents d’élevage, produire de l'énergie substituable aux énergies fossiles mais vous craignez la réaction des riverains et des élus ? Pour mettre toutes les chances de votre côté, suivez les conseils de Caroline Depoudent, conseillère à la chambre d’agriculture.

Encore peu nombreux dans les campagnes bretonnes, si on se compare à l’Allemagne, les projets de méthanisation cristallisent parfois de fortes tensions au niveau local. S’il n’y a pas de recette miracle pour s’affranchir de ces conflits, s’appuyer sur les facteurs sociaux peut aider à mettre un peu d’huile dans les rouages. En commençant par décortiquer ce qui pose problème.
"Sauf à vouloir se lancer dans un projet très atypique, les caractéristiques du projet de méthanisation jouent très peu dans le déclenchement d’un conflit", constate Caroline Depoudent, en citant le projet Méthasocio*. Par contre, des réticences apparaîtront lorsque le projet veut utiliser des intrants industriels ou extérieurs au territoire. "Mais la sensibilité est différente selon les publics, souligne la conseillère à la chambre d’agriculture de Bretagne. Les élus sont attachés à un lien au territoire, avec l’utilisation de déchets locaux, la fourniture d’énergie aux entreprises ou aux collectivités locales. Les riverains, eux, sont plus favorables aux intrants agricoles locaux".
Apaiser les craintes
Néanmoins, quel que soit le projet, on constate toujours une certaine crainte des riverains. "Ils ne sont pas forcément opposés à l’élevage ou à la méthanisation, précise Caroline Depoudent. Mais ils n’en veulent pas près de chez eux". Parmi les craintes le plus fréquemment citées, on retrouve les nuisances : odeurs, bruits, mais aussi circulation routière accrue, dégradation du cadre de vie et de la tranquillité, moindre valeur de leur logement, risque d’explosion ou de pollution accidentelle du milieu… "Il faut que le porteur de projet arrive à objectiver ces craintes : chiffrer le nombre de camions, l’intensité du bruit à telle distance de l’installation…".
Les riverains, eux, sont plus favorables aux intrants agricoles locaux".
En zone peu peuplée
L’acceptation d’un projet de méthanisation dépend aussi du contexte géographique, social et environnemental dans lequel il va s’insérer. "Ce sera plus facile dans une zone géographique peu peuplée, à forte densité d’élevages ou de projets similaires, indique la conseillère. À l’inverse, ce sera plus compliqué si le territoire est perçu comme un cadre de vie ou un endroit récréatif, où on va se balader le dimanche, ou une zone à protéger pour des enjeux environnementaux ou touristiques".
De même, le projet sera plus difficile à accepter dans les communes péri-urbaines, avec un renouvellement récent de population ou des conflits, même sans aucun rapport avec l’agriculture. "Le projet peut servir de prétexte pour faire ressortir des histoires vieilles de 10-15 ans".
Impliquer les riverains
La personnalité du porteur de projets rentre aussi en ligne de compte. "Ce sera plus simple s’il habite de longue date sur la commune ou le territoire, s’il est bien intégré dans la vie locale et dispose d’un capital confiance, de la part des élus et des riverains", indique Caroline Depoudent.
Pour mettre toutes les chances de son côté, mieux vaut également choisir des entreprises employeuses au niveau local. Et permettre aux riverains de s’approprier le projet peut limiter l’opposition. "Il ne leur revient pas de s’impliquer dans les choix techniques. Mais pourquoi pas dans le projet, via un financement participatif ou sur le volet insertion dans le paysage".
Pouvant servir de médiateur ou de "facilitateur", les élus locaux doivent aussi être impliqués. "Ce sera d’autant plus facile que le projet aura un impact direct sur leur territoire, en fournissant du gaz à une entreprise locale, en chauffant la piscine municipale…".
Informer tôt
Pour éviter les conflits, les porteurs de projet doivent à tout prix être la source d’information des riverains et des élus. "Il faut informer tôt toutes les personnes concernées, afin qu’elle ne découvrent pas le projet par les "on-dit", insiste Caroline Depoudent. Et ne pas hésiter à les emmener voir un projet similaire, afin qu’elles puissent visualiser ce que ça va donner".
* Financé par l’Ademe, le projet Méthasocio est chargé d’étudier le rôle des facteurs humains et sociaux dans la réussite ou l’échec des projets de méthanisation.
De nombreux points de vigilance
Pour mettre toutes les chances de leur côté, les porteurs de projets doivent prévoir plusieurs cordes à leur arc : disponibilité, compétences techniques et organisationnelles, capacité à présenter le projet de manière adaptée aux différents publics, soutiens locaux… Sans oublier de lancer l’information locale bien en amont du projet, dans une logique de concertation. "Mais il y a des facteurs sur lesquels ils ne peuvent pas faire grand-chose", constate Caroline Depoudent, en citant l’identité du territoire et sa cohésion sociale, l’historique relationnel et l’insertion sociale du porteur de projet.