"Nous, les insulaires, on est des berniques sur un rocher"
Installé au Palais, le point de vente collectif né de l'association "Le coin des producteurs"* regroupe aujourd'hui une douzaine d'agriculteurs. Rencontre avec Huguette Huel, pionnière des circuits-courts, l'agriculture chevillée au corps.

"À l'âge de six ans déjà, je me levais la nuit pour aller faire la traite des vaches". Aussi loin que portent ses souvenirs, Huguette Huel a toujours rêvé de faire le métier d'agricultrice. Si bien qu'à 16 ans, elle fait une école d'agriculture et s'installe avec son papa dès ses 18 ans sur l'exploitation familiale. Agneau, volaille, lait..., "ici, chaque producteur fait un peu de tout", explique Huguette. En 2006, l'association "Le coin des producteurs" voit le jour, sous l'impulsion de quelques femmes, qui voulaient "améliorer leur quotidien, et assurer l’avenir de leur profession et de leurs familles". Au départ, c'est sur les marchés dans les communes qu'elles vendent leur production. Avant de trouver en 2009 un local qui va permettre à l'association de se développer, d'y installer un lieu de vente et un atelier de découpe. Porc, agneau, volailles, charcuterie, fromage, beurre, glaces, légumes, champignons... L'association compte désormais 12 producteurs, une salariée, une comptable de caisse et des caissières bénévoles. "Et tout ce que nous vendons dans le local de vente directe, hormis le sel, est produit sur l'île", ajoute Huguette. Le magasin est ouvert les vendredis et samedis matins (jeudi matin en été) et a mis en place un service de livraison.
Des plats préparés
Lors de notre visite, un jeudi après midi, pas encore de produits dans les rayons. Mais derrière les fourneaux, Kristen Juhel, salariée de l'association s'active.
En début de semaine, le mardi, elle commence par exemple par préparer la viande pour faire les saucisses, un cinquantaine de kilos par semaine en ce moment. Sauté de veau au chorizo, saucisses aux chèvres, cassoulet... "J'essaie d'utiliser au maximum les produits qu'il nous reste pour cuisiner des plats préparés", témoigne Kristen.
Sur Belle-Île, on trouve de nombreuses maisons secondaires. Alors forcément, au rythme des confinements successifs, la population sur l'île varie. "Au premier confinement, quand il n'y avait plus de marchés, on a eu beaucoup de monde", confie Huguette. L'occasion aussi pour l'association d'accueillir de nouveaux producteurs dans la boutique, comme du savon ou du chocolat. Mais aussi l'opportunité de mettre en place de nouvelles formes de solidarité et de partenariat. Comme avec cet hôtel-restaurant qui a dû fermer mais qui dispose dans ses cuisines d'un autoclave. "Du coup, ils viennent récupérer la matière première chez nous et ça leur permet de faire des bocaux de plats préparés ou encore des terrines", sourit Huguette. Bref, l'association se développe et élargit sa gamme de produits. De quoi se sentir un peu à l'étroit ? "On a pensé un moment à s'agrandir mais finalement on a tout refait ici il y a peu".
Vivre sur une île, qui plus est, y travailler et vivre de l'agriculture, est plein de spécificités que l'on ne retrouve pas sur le continent. Une richesse mais aussi des contraintes et des fragilités. Avec l'association "Le coin des producteurs", c'est l'occasion de créer des passerelles entre les consommateurs et les producteurs, d'expliquer les modes de production et de mettre en avant cette filière alimentaire de proximité.
Quant à la relève, elle semble assurée. "Dans ma famille, nous en sommes à la 6e génération d'exploitants", se réjouit Huguette, qui a vu son fils Yannick s'installé en 2012 et sa fille Emilie devenir salariée. Alors quand elle décidera de s'arrêter, il sera peut être temps de profiter de la plage. Elle qui confie : "j'habite tout près mais je n'y vais jamais !"
* Le coin des producteurs est une continuité d'exploitation sans TVA, ce sont les exploitants qui sont assujettis.