Porc : Le défi de l’organisation de la filière
Depuis le printemps 2020, les chambres d’agriculture de Bretagne conduisent une vaste étude prospective pour imaginer ce que pourraient être, de manière réaliste, les agricultures bretonnes à l’horizon 2040. Pour cela elles ont commencé par réaliser un état des lieux de 13 filières présentes en Bretagne en interviewant pas moins de 90 acteurs de ces filières. Aujourd’hui, découvrons la filière porc…

"Vers des élevages plus grands, plus spécialisés et avec plus de numérique"
Le problème du renouvellement des générations, déjà prégnant en élevage de porcs, va s’accélérer dans les cinq ans à venir. 53 % des chefs d’exploitations sont âgés de 52 ans et plus et sont donc susceptibles de prendre leur retraite dans les dix ans à venir. Demain, les élevages seront plus grands, moins nombreux et plus respectueux du bien-être des animaux, des éleveurs et des salariés, avec des bâtiments qui resteront fermés. Le métier d’éleveur a déjà beaucoup évolué, si avant il suffisait d’être bon technicien, aujourd’hui il y a plus de composantes à maîtriser pour aboutir à de bons résultats. Le développement du numérique devrait s’amplifier et se traduire par de plus en plus d’enregistrement d’informations dans les élevages et aussi dans l’industrie.
"La production sera en grande majorité standard"
La viande de porc devra rester à un prix abordable pour le consommateur, avec une partie de la population qui pourrait voir son pouvoir d’achat diminuer : la production sera en grande majorité standard. Les différents modes d’élevage vont quand même se renforcer pour répondre aux attentes sociétales (du local, du plein air, du bio, du Label Rouge…). Mais la montée en gamme devra se faire avec une maîtrise des coûts de production.
"Vers une verticalisation de la filière"
La filière a déjà beaucoup évolué avec une concentration des différents maillons et le renforcement de la distribution dans l’aval. Le paysage industriel devrait poursuivre sa concentration. L’aboutissement de l’Association d’Organisation de Producteurs va permettre un renforcement du maillon de la production. La filière pourrait se verticaliser, avec plus de liens entre les éleveurs et leur groupement. En apportant plus de visibilité, la contractualisation pourrait favoriser les investissements en élevage avec des aides de l’OP, de l’industriel, du distributeur.
"Le consommateur devra être rassuré sur ce qu’il mange"
La consommation de viandes, y compris celles à base de porcs, diminue, que ce soit en viande fraîche et plus récemment en charcuteries. Le risque est grand que la déconsommation se poursuive. La production porcine bretonne est bien placée pour apporter des garanties sanitaires mais il faudra être capable de rassurer le consommateur sur ce qu’il mange.
Info : Cette analyse s’est appuyée sur 6 entretiens, réalisés en mai et juin 2020, auprès d’exploitants, de conseillers techniques, d’industriels et d’élus. Certains des messages marquant ont été repris tels quels dans cet article, ils apparaissent "entre guillemet".
La filière porc bretonne en 2021 : carte d’identité
- En 2017, 13,4 millions de porcins ont été produits en Bretagne, soit 57 % de la production française.
- La région compte 5 458 sites d’élevages. 88 élevages sont en production bio (19,5 % des truies en élevages biologiques en France).
- La production bretonne est très organisée, sept groupements de producteurs sont actifs dans la région.
- La Bretagne réalise 59 % de l’abattage et 51 % de la découpe de porcs français. Le secteur coopératif est présent avec le groupe Cooperl, pour un tiers des volumes d’abattages bretons, un autre tiers est réalisé par la distribution et le dernier par des structures privées.
- Les abattoirs industriels se sont progressivement développés vers la découpe puis vers la fabrication de charcuteries. Ce maillon a connu d’importantes restructurations, avec notamment la reprise du groupe coopératif Socopa par Bigard, puis la fermeture du site de Gad à Lampaul-Guimiliau.
Thierry Marchal, éleveur de porcs à Sizun (29), élu chambre d'agriculture et responsable professionnel du groupe de travail Porcs
"Encore plus de diversité dans les élevages"
Attendue depuis plusieurs années, l'AOP Porcs Grand Ouest vient de voir le jour en avril. Qu'en attendez-vous ?
Thierry Marchal. La création de cette AOP était attendue et demandée depuis un moment. C'est donc une très bonne chose et c'est un signe positif envoyé aux jeunes qui regardent la profession et s'interrogent. Cela va permettre de se structurer sur des sujets communs et aussi de concentrer l'offre, ce qui est nécessaire quand on voit les restructurations des acteurs de la filière. Pour les éleveurs, c'est l'opportunité, au sein de leur organisation, de travailler sur des questions comme la montée en gamme, la commercialisation...
Mâle entier, vente d'Abera par Avril, développement de la Copperl... Les sujets d'actualité ne manquent pas..
T.M. La question des mâles entiers est au cœur des préoccupations actuelles car elle cristallise les tensions entre éleveurs et abatteurs. Toutes les négociations qui vont avoir lieu sur cette question à travers des accords spécifiques, c'est l'enjeu du moment. Pour ce qui concerne Abera, je ne suis pas inquiet car c'est une entreprise qui tire des bénéfices et intéresse des repreneurs.
Aujourd'hui, il faut réussir à garder un équilibre entre acteurs de la distribution, privés et coopératifs. L'important, c'est qu'à chaque fois qu'il y a une demande, la production française soit en capacité d'y répondre.
Avec cette étude prospective, comment se dessine l'avenir de la production ?
T.M. Ce qui ressort, c'est que l'on va vers encore plus de diversité dans les élevages, avec des ateliers qui vont se moderniser, s'automatiser, pour être compétitif sur les marchés nationaux et internationaux. En parallèle on va avoir des ateliers un peu plus petits, un peu plus liés au sol, avec une recherche de diversification et de marge. Avec toujours en point de mire les problématiques climatiques et environnementales et une concentration des ateliers pour répondre aux nouvelles normes. Si il y a un travail qui doit être mené, c'est celui de la promotion des métiers. Il faut réfléchir à un système économique qui permette aux jeunes de s'installer plus facilement. Et les former aussi sur les marchés et les outils qui permettent de limiter la prise de risque. Le paradoxe aujourd'hui c'est que tout ce qui est autour de la production est dynamique, excepté l'installation.
Propos recueillis par Arnaud Marlet