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Revitaliser les sols, vital pour l’agriculture

Tout part de là, du sol. Il accueille dans ses écosystèmes, 50 % de la biomasse terrestre. S’il faut 1 000 ans pour le construire, quelques années suffisent pour l’amoindrir, voire le détruire. Socles de l’agriculture, de la vitalité des sols dépend celle des cultures. Les revitaliser est donc vital, thème du webinaire* organisé par Gaïago, fin décembre 2020.

Le groupe, un puissant levier de diffusion d’innovations et de nouvelles pratiques pour une agriculture confrontée à l’obligation de transition.

"Le sol se met en place en mille ans. On en hérite, il faut gérer ce capital sans l’éroder en prélevant juste les intérêts. Car d’un sol, on peut faire le pire comme le meilleur. Or nous avons le devoir moral de le transmettre en bon état", prévient en préambule Marc-André Selosse, biologiste et botaniste du Muséum d’Histoire Naturelle. Labours trop profonds, irrigation mal gérée… "Dans le bassin méditerranéen, si fertile il y a 2 000 ans, on a changé le climat sans tracteur, juste à la fourche avec le travail du sol et la déforestation", situe des dégâts occasionnés, Frédéric Thomas, agriculteur du Loir et Cher, partisan des TCSL (techniques culturales sans labour) et de l’agriculture dite de conservation. "Idem pour les plaines de la région Dust Bowl aux USA dans les années 1930", renchérit Francis Bucaille, agriculteur (voir encadré).

Revitaliser les sols

Pour quels enjeux ?

Cet agronome, créateur de Gaïago estime qu’il faut à la fois répondre à la problématique du réchauffement climatique, et à celle du besoin en eau des plantes "en augmentant la RFU des sols (réserve facilement utilisable)". Autre enjeu ; les maladies. "Il y a le retrait de certaines molécules et je pense à la virose sur betterave. Mais il y a 30 ans, ces maladies n’existaient pas", pointe-il sur l’évolution des pratiques culturales qui accélèrent, voire précipitent, les attaques : "Il y a des autoroutes qui sont ouvertes aux pathogènes, par la disparition de maillons dans la chaîne des agrosystèmes, des champignons… qui mènent à des impasses techniques", affirme-t-il enjoignant par exemple d’alléger d’utilisation "des fongicides en 3e passage".

Arriver à sevrer le sol du travail du sol.

Revitaliser les sol et les agriculteurs

Revitaliser, pour ces spécialistes, c’est "ramener les sols à la vie" et cela passe donc par une agriculture régénérative dite aussi de conservation. "C’est arriver à sevrer le sol du travail du sol. La difficulté, c’est de gérer cette transition", pointe Frédéric Thomas car de tout temps, le travail du sol a été pratiqué parce que "c’est hyper minéralisant, cette agressivité libère de la fertilité. L’enjeu c’est d’apprendre à gérer différemment fertilité et fertilisation", pour ce spécialiste qui bichonne les "travailleurs de l’ombre que sont les vers de terre, champignons..." et prône de nouvelles rotations, des couverts végétaux pour leur offrir une biomasse nourrissante, en utilisant des outils différents. "Ces techniques sont maîtrisées, avec quelques petits efforts, on peut les généraliser et ça revitalise aussi les agriculteurs. Car ceux qui l’ont fait sont contents d’enfiler leurs bottes et parcourir leurs champs. Et quand ils ont retrouvé du sens à leur passion, ils retrouvent leur fierté", estiment ses promoteurs.

 

Franchir le pas et apprendre en faisant

Quels freins à lever pour la diffusion de ces pratiques ? Le principal serait lié aux risques que fait peser le changement. Car "oui, il y a un apprentissage, le pas de temps est celui d’une saison et il n’y en a que 35 à 40 dans la vie d’un agriculteur". Alors oser ou pas ? C’est tout l’enjeu de la transition en agriculture."On est à 70 % de psychologique et 30 % de technique" pour Sébastien Roumegous, agronome (co-fondateur du CDA, Centre de développement de l'agro écologie), "c’est de moins en moins un problème de techniques, on a beaucoup de leviers pour sécuriser cette transition", encourage-t-il, adepte du travail en groupe, avec pour challenge le passage rapide à l’action, "je teste pour apprendre à faire".

 

Qu'en attendre ?

Quand l’agronomie revient à la ferme "on se reconnecte et on retrouve de l’intérêt au vivant", et on s’en préoccupe. "On rehausse le niveau de biomasse verte qu’on réintègre dans les sols pour nourrir la chaîne de décomposition : 15 à 20 t de matière sèche par hectare au minimum". Mais quand on sèvre de travail le sol, "il faut être vigilant à son plan de fertilisation, le flux de minéralisation est ralenti, cela s’anticipe, dès la plantation et l’interculture précédentes", note Frédéric Thomas. Pour Francis Bucaille, "l’agriculture régénérative doit amener des économies de temps de travail et de mécanisation et une rentabilité".

Revitaliser les sols

Quant au glyphosate ?

Pas l’ombre d’un doute pour Frédéric Thomas, la réduction du travail du sol a aussi été rendue possible grâce aux herbicides de synthèse. "Aujourd’hui, on ne sait pas faire sans glyphosate si on veut se passer de travail du sol", estime-t-il enjoignant d’accepter "qu’on ne fait pas d’agriculture sans impact mais en les minimisant au maximum en s’appuyant sur le vivant". La question du glyphosate agite les esprits. "On stigmatise et on se retrouve sur le terrain à devoir solutionner des problèmes techniques. Oui les sols les plus vivants sont les sols en TCS (techniques culturales simplifiées) avec un peu de glyphosate", appuie Sébastien Roumegous. "La seul chose qu’on a trouvé pour le remplacer, c’est de scalper les plants de tallage des prairies et ce sont des charges mécaniques". Solution mécanique versus solution chimique ? Le problème pour Francis Bucaille, c’est l’utilisation systématique et outrancière des herbicides. "Les conserver dans la boîte à outil est essentiel", défend-il mettant en garde contre des pratiques de remplacement "plus désastreuses au niveau environnemental".
Pour ces spécialistes de l’agriculture de conservation, il est impératif de replacer le fonctionnement du sol au centre des préoccupations. C’est considérer que "tout est lié" dans une approche globale et holistique du fonctionnement des agrosystèmes en comprenant que "bouger un élément à un endroit de l’agrosystème va avoir des conséquences à l’autre bout de la chaîne". Et de conclure, "la transition écologique passe par chacun d’entre-nous".

* Gaïago est une société dont les outils et produits visent à rétablir les équilibres minéraux et micro-biologiques des sols agricoles. Son créateur Francis Bucaille vient de publier aux éditions Dunod "Revitaliser les sols".

 

Qualité des sols et  statut du fermage

Un rapport du CGAAER (ministère de l'Agriculture) et le CGEDD (Transition écologique), publié le 18 décembre, propose d’intégrer la qualité des sols dans la partie "état des lieux" du statut du fermage. Parmi les outils d’évaluation "de la qualité multifonctionnelle" des sols, pourrait figurer un "pédo-score", à l’image des dispositifs d'étiquetage comme le Nutri-score dans l’alimentation, suggère le rapport. Les facteurs-clés à prendre en compte : la structure du sol, le pH, la vie du sol (abordée en termes de biodiversité, mais aussi de teneur en carbone, d’humus, de matière organique) et la présence d’éventuels polluants. L'objectif ? "Une meilleure prise en compte des sols et la possibilité pour le bailleur de proposer un contrat avec l’obligation pour le preneur de mettre en œuvre des pratiques rendant plus de services écosystémiques que celles de l’exploitant précédent". / Agra

 

Dust Bowl

Cette région des USA dite Dust Bowl ou "Bassin de poussière", est à cheval sur l’Oklahoma, le Kansas et le Texas. Elle est touchée dans les années 1930 par une sécheresse et une série de tempêtes de poussière provoquant une catastrophe écologique et agricole sans précédent. À l’origine, sur ces plaines du Sud couvertes de prairies paissaient des bisons et vivaient des Amérindiens nomades. Précipitations irrégulières et sols légers ne se prêtent pas aux activités agricoles qui feront cependant flores dès les années 1900 où ces terres, peu chères, attirent des immigrants. Les millions d’hectares de céréales prennent la place des prairies, machinisme agricole aidant, et la région devient le coeur agricole des USA. Au début des années 30, alors que la grande dépression touche les plaines du sud, pour compenser leurs pertes, les agriculteurs multiplient les surfaces labourées : de 1931 à 1937, la région subit la sécheresse et les terres nues, sont exposées au soleil et vent qui emportent la terre arable causant les tempêtes de poussières qui détruisent récoltes et pâturage, ensevelissant habitations et matériels… S’en suivra un exode rural massif. Des milliers de fermiers sont jetés sur les routes de l’Ouest, fuyant la crise économique, migrant vers la Californie par la route 66. La photographe Dorothéa Lange couvre cet exode, rendant compte pour la Farm Security Administration, par ses reportages, des conditions sociales dans ces états ruraux.

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