Trévarez, une longue histoire au service des éleveurs laitiers
En 1970, le département du Finistère a confié une mission à la chambre d’agriculture sur le site de la station expérimentale de Trévarez. C’est le début de 50 ans de recherches innovantes au sein d’une station qui a osé régulièrement tester des techniques qui posaient parfois question et qui pour certaines sont ensuite rentrées dans la boîte à outils de l’éleveur laitier breton. Voici une petite révision historique en attendant les portes ouvertes du 1 et 2 juillet 2021.

La vocation en tant que centre de développement de la ferme de Trévarez remonterait à Louis Monjaret de Kerjégu (1812-1880) qui avait déjà inauguré en 1847 une première "ferme école de Trévarez" sur le site du manoir, et ce jusqu’en 1865 (puis déménagement des essais à Kervoazec). Le site de Trévarez garde cependant une vocation de transfert et il accueille dans la première partie du XXe siècle un troupeau de race Armoricaine réputée auprès duquel de nombreux jeunes finistériens se sont perfectionnés. Dans les années 50-60, la chambre d’agriculture du Finistère y présente des suivies de "prairies temporaires" début de la révolution fourragère.
La chambre d’agriculture prend la barre…
En 1970, La chambre d’agriculture prend la barre de la station. Cette année-là, un groupe d’éleveurs et techniciens découvre une conduite intensive du pâturage à base de Ray Grass anglais lors d’une visite du sud-ouest de l’Angleterre et du Pays de Galles. La mise en pratique à la ferme Trévarez, devenue station expérimentale, comprend alors des paddocks de trois jours, le RGA pur et déjà un faible niveau d’apport de concentré au pâturage. Les sujets d’étude vont s’enchaîner : la mise à l’herbe précoce des génisses, la mise en place d’un bâtiment "économe pour 100 vaches". Les années 80 verront le retour du trèfle blanc - la station est au premier plan de ce retour - et l’apprentissage de la gestion des excédents de pâturage grâce au mi fané.
Le contexte des quotas
Dans les années 90, avec des troupeaux qui s’agrandissent, la station investit dans l’étude de l’accessibilité au pâturage en mettant en place des chemins stabilisés. Dans un contexte de quota, les surfaces liées aux agrandissements peuvent produire du blé pour la ration des vaches laitières, encore un sujet étudié à la station. Ce contexte demande de travailler sur les coûts de production avec un objectif proposé par les équipes de la chambre de 30 cts de coût alimentaire/l de lait. La station démontre ainsi que l’aliment concentré des laitières peut avoir une efficacité inférieure aux idées reçues. Dans le domaine de l’environnement, des essais préparent l’homologation du traitement des eaux blanches par filtrage à roseaux.
Innover aujourd’hui et préparer demain
Au tournant des années 1990-2000, la station conduit de nombreux essais innovants pour réduire les coûts, l’astreinte, améliorer le bien-être de l’éleveur ou des animaux : le lait yogourtisé pour les veaux, les parcs stabilisés ("stand off pad"), le pousse-fourrage, la monotraite, les lactations longues, le robot de traite déplaçable en zone pâturée, l’agroécologie, le croisement entre races laitières… Au fil du temps, la ferme a créé des liens étroits avec de nombreux partenaires, notamment l’Institut de l’élevage qui est très impliqué dans les recherches menées sur le site.
Depuis 2005, la station participe à des projets européens. La mise en place du robot de traite mobile en 2013 est associée à la construction du second site laitier et coïncide avec la conversion vers l’agrobiologie de cette partie de la ferme. En 2017, Trévarez est l’une des fermes expérimentales fondatrices de F@rmXP, réseau de recherche qui regroupe huit stations françaises.
Au fil des années, les essais ont toujours porté sur la qualité et le rendement/ha des fourrages, ainsi que sur l’efficience de la production laitière. Actuellement, les élus et les partenaires de la Chambre ont choisi de projeter Trévarez sur l’autonomie protéique et une empreinte carbone performante pour les élevages laitiers.
50 ans ça se fête
La station expérimentale de Trévarez fêtera ses 50 ans les 1er et 2 juillet 2021. À l’occasion de ces portes ouvertes, vous revivrez la longue histoire de Trévarez au service du développement du bassin laitier de l’Ouest, mais aussi les travaux prospectifs menés par les chambres d’agriculture de Bretagne en partenariat avec IDELE et le réseau Farm@XP. Nous vous invitons à venir partager des résultats, échanger et débattre, découvrir les installations et vous projeter vers demain. Organisées autour d’ateliers thématiques, ces Journées permettront de faire le point sur les réponses aux enjeux sociétaux (environnement, bien-être animal…), la place de l’éleveur dans les systèmes laitiers avec des solutions pour des exploitations vivables, la maîtrise technique pour des animaux efficients et le raisonnement pour des investissements utiles et rentables… Rendez-vous les 1er et 2 juillet. Venez nombreux !
Témoignage
Jean Kerouanton / Responsable des essais de 1970 à 2000
"Toujours un champ d’avance, dès l’origine"
Au cours des années 60, le ray-grass d’Italie et les régimes d’hiver “foin + chou + betteraves” dominent encore les systèmes d’alimentation. En 1970 la production moyenne est de 3 000 kg par vache. L’objectif proposé dans la revue des éleveurs finistériens "À la Pointe de l’élevage" est de produire 10 000 l de lait par ha avec des vaches à 4 500 l. Avec l’arrivée des faucheuses à disques et des ensileuses maïs à coupe fine, le ray-grass anglais et le maïs deviennent les deux nouveaux piliers du système d’alimentation des années 70. À Trévarez, l’axe principal des expérimentations est d’alors d’optimiser la production de lait par ha :
- Gestion du pâturage (fertilisation azotée, conduite en paddocks, rotations trois semaines au printemps),
- Mode de récolte des excédents (ensilages coupe fine, mi-fanés autochargeuse ou balle ronde) et place des ensilages d’herbe en complément du maïs,
- Optimisation de la complémentation.
Au début des années 80, l’arrivée des quotas entraîne un changement de logique. Il s’agit désormais de dégager le maximum de revenus avec le quota que l’on est autorisé à produire. La maîtrise des coûts de production passe avant la performance par vache ou par ha. Les excès de nitrates deviennent une préoccupation. Dans ce contexte Trévarez a conduit pendant 20 ans des expérimentations sur la maîtrise des prairies à base de ray-grass anglais + trèfle blanc et leur exploitation/valorisation par les vaches laitières et les génisses. Puis lance en 1992 "objectif 30 centimes de coût alimentaire par litre. de lait" (45 € par 1 000 l) et expérimente des quantités très faibles de concentré avec 25 ou 40 ares d’herbe par vache. Objectif technique et économique atteint, produire du lait par les fourrages équilibrés en protéines devient la méthode de référence des années 2000.
Alain Hindré / Président de la station de 2007 à 2017
Trévarez, de la recherche à la diffusion
Depuis 50 ans, Trévarez, station expérimentale des chambres d’agriculture, en lien avec l’Institut de l’élevage et les partenaires de l’élevage a contribué à l’évolution technique des ateliers bovins de cette région. Mes premiers contacts avec la station, outre les portes ouvertes et messages techniques forts, ont été des informations portées par la vulgarisation agricole, la formation et les rencontres territoires. Les choix de recherche et d’études viennent, depuis l’origine de la station, des demandes terrain des éleveurs bretons réunis régulièrement lors de rencontres territoriales. C’est cette diversité et cette richesse qui ont façonné notre station, bien concrète et proche des éleveurs.
"Prendre des risques à la place des éleveurs, en répondant à des questions techniques grâce aux études et à la recherche". Ce contrat moral entre la station et les éleveurs reste forcément gage de réussite et de succès. C’est cette ouverture à l’ensemble des systèmes et des techniques, où chacun s’y retrouve, peut comparer, évoluer, échanger ses jugements. La diversité des systèmes fait de Trévarez un modèle de recherche appliquée et de diffusion technique.
Enfin, la gouvernance de cette station aux mains des élus des chambres d’agriculture, accompagnée des équipes techniques est une garantie de pérennité, de réussite et d’évolution.
Au-delà des études et recherches très techniques, socles de nos travaux, Trévarez doit aussi considérer l’ouverture et la demande sociétale comme une chance pour l’avenir. Bon vent à Trévarez .