Abandonner la charrue pour lutter contre l’érosion ?
En juin 2018, de gros orages sur le secteur de Morlaix ont provoqué une érosion de certaines parcelles, en forte pente. Si les causes sont multiples, la préparation du sol permet-elle de réduire le risque ? Pour en avoir le coeur net, la chambre d’agriculture et Morlaix communauté viennent de mettre des essais en place, en blé et maïs.
Si l’érosion pose problème au niveau de l’exploitation agricole, en entraînant la terre arable hors de la parcelle, elle a aussi une incidence sur la qualité de l’eau, à cause du transfert de matières en suspension, de phosphore et de phytos vers les ruisseaux. C’est donc ensemble que la chambre d’agriculture et Morlaix communauté, chargée de la fourniture de l’eau potable, ont mis des essais en place, afin de voir comment limiter ce phénomène.
Couvrir le sol
"Plusieurs facteurs de risques influent sur l’érosion", rappelle Cécile Goupille. S’ils ne peuvent pas faire grand-chose sur la pente de leurs parcelles, la fréquence ou l’intensité des pluies, les agriculteurs ont néanmoins quelques cartes en mains pour tenter de limiter l’érosion. "Plus le sol est couvert, et le plus longtemps possible, et plus il est protégé de ces gouttes de pluie qui vont le damer et provoquer le ruissellement," indique la conseillère agronomie à la chambre d’agriculture. Ainsi, un essai réalisé après céréales à la station de Kergehennec (56) a montré qu’en mars, sur sol nu avec paille broyée, une pluie de 30 mm/h entraînait un ruissellement au bout de 5 mm d’eau. Avec un RGI implanté après récolte et suffisamment développé, 1,5 t/ha au printemps, le ruissellement ne démarre qu’après 20 mm de pluie.
Eviter les sols trop affinés
Une rugosité de surface permettra également de retenir l’eau et de limiter l’érosion. "Au moment de la préparation du sol, il faut éviter un affinage excessif, prévient Cécile Goupille. Attention aux outils rotatifs et à leur réglage !". Et il ne faut pas hésiter, en culture, à passer une bineuse, une herse étrille ou une houe rotative, qui vont recréer du volume.
De même, parvenir à éviter les chemins préférentiels de l’eau permettra de réduire le ruissellement de 60 %. "On peut s’équiper d’effaceurs de traces, ou semer en réparti, sans traces de roues ni lignes de semis. Et éviter le maïs sous plastique".
Améliorer la stabilité structurale
"Pratiquer le sans labour, via les TCS, les techniques culturales simplifiées ou le semis direct, va préserver l’état de surface du sol, en jouant sur plusieurs facteurs", détaille Cécile Goupille. Les résidus de culture vont protéger le sol contre la pluie et retarder la battance. La stratification de la matière organique, concentrée en surface, améliorera la stabilité structurale, entraînant une moindre désagrégation par les gouttes de pluie et une meilleure rétention de l’eau. Plus portant, le sol sera moins marqué par les traces de roues, une étude montrant que si la profondeur d’orniérage atteint 7 cm en labour, elle n’est plus que de 5 cm en TCS et 2,5 cm en semis direct.
"Mais des essais menés à Kerguehennec ont montré que si, par rapport au labour, le ruissellement est, en moyenne, réduit de 68 % en techniques simplifiées, 73 % en semis direct, ceci n’est pas toujours vrai en hiver", tempère Cécile Goupille. Sur des sols saturés en eau, le facteur porosité est primordial. Et en semis direct, aux sols plus denses, la porosité mécanique, due au labour, diminue, remplacée au fil du temps par celle due aux racines et aux trajets des vers de terre. "Le temps qu’elle se mette en place, la situation peut être un peu moins bonne".
Pour en avoir le coeur net, des essais ont démarré sur le secteur de Morlaix, en blé et maïs, semés selon les trois techniques. Et des rendez-vous réguliers seront fixés aux agriculteurs. "Pour le moment, la densité du blé est la même, quel que soit le mode de semis".
Quelques conseils pratiques
"Commencez par vous former et aller voir ce que font les autres", indique Jean-Luc Baron aux agriculteurs qui voudraient à leur tour supprimer le labour. Producteur de lait à Plourin les Morlaix, il pratique le semis direct depuis 2015, après une bonne quinzaine d’années en TCS, et délivre volontiers quelques conseils. "Le plus simple ? Commencer après une prairie temporaire". Et veiller à modifier ses pratiques. "Il faut semer plus tôt. Et éviter à tout prix d’abîmer la structure du sol au moment de la récolte". Cerise sur le gâteau : TCS et semis direct "permettent plus de souplesse pour l’organisation des chantiers, apprécie Thierry Quéré, producteur de lait à Plourin les Morlaix. "Et sont moins gourmands en carburant et en temps de travail", précise Cécile Goupille.