Dossiers réexamen volailles et porcs : ça urge !
Toutes les exploitations dites "IED" devaient, avant février 2019, déposer un dossier dit de réexamen. Le dernier tableau de bord national montre que le retard accumulé a du mal à se résorber, malgré les multiples relances faites auprès des éleveurs. Petit rappel du contexte, des échéances et des enjeux.

Les États membres ont adopté en 2010 la directive IED portant sur les émissions polluantes (IED pour "Industrial Emissions Directive"), rénovant celle de 1996. Les activités concernées, essentiellement industrielles, sont nombreuses et parmi elles figure l’élevage au-delà de certains seuils : plus de 750 truies ou 2 000 porcs +30 kg ou 40 000 emplacements volailles.
Cette directive, apparentée à notre réglementation nationale "installations classées", s’appuie sur une approche dite "intégrée" de la prévention des pollutions émises (notamment dans l’air et l’eau) et définit en quelque sorte les conditions d’exploitation que doivent respecter les activités soumises, conditionnant ainsi leur permis d’exploiter. Elle constitue notamment un des outils déployés pour la préservation de la qualité de l’air.
Un cadre européen
Cette approche intégrée repose entre autres sur la mise en œuvre des meilleures techniques disponibles (MTD), issues d’un catalogue européen dénommé "BREF élevage", recensant ces techniques avec leurs performances et leurs conditions de mise en œuvre. Âprement négocié avec les représentants des pouvoirs publics et des scientifiques du secteur concerné, chaque pays a tenu à faire valoir les spécificités des techniques présentes sur son territoire (mode de logement des animaux, d’alimentation, de traitement, de gestion des effluents…). À noter que certaines techniques disposent de niveaux d’émission associés (NEA) à ne pas dépasser. C’est le cas notamment de l’ammoniac (NH3) ainsi que l’excrétion d’azote et de phosphore, constituant en quelque sorte une obligation de résultat appliquée à chaque exploitation concernée. Mais au-delà de cette notion, les IED conduisent d’abord à une obligation de moyens, exigeant pour février 2021 la mise en œuvre des MTD, la tenue d’un certain nombre de registres (consommations, déchets…) et la réalisation de bilans annuels visant à évaluer les émissions dans l’air (Gerep) et les effluents (BRS).
Nombre d'exploitations sont en mesure de respecter les fameux MTD et NEA... mais encore faut-il le démontrer.
À peine 60 % de dossiers déposés en Bretagne
Les 3 131 exploitations agricoles IED françaises sont pour les trois quarts des élevages avicoles dont une large majorité en volailles chair ; en Bretagne la répartition des 1 512 exploitations concernées est quelque peu similaire avec une proportion porcine toutefois un peu plus élevée (environ 30 %). La France a décidé d’accompagner le déploiement de cette réglementation par une étape dite de réexamen qui prévoyait de réaliser avant février 2019 un état des lieux complet sur chaque exploitation, permettant de se positionner et de programmer les éventuelles modifications à apporter afin d’être conforme en février 2021. Le tableau de bord produit par les pouvoirs publics montre que nous sommes encore loin du compte avec encore quasiment 40 % de dossiers non déposés en Bretagne (1). Même si les exploitations avicoles sont plus nombreuses, on peut souligner qu’en production porcine le retard est encore plus marqué puisqu’à peine la moitié des dossiers est déposée.
Les enjeux
Le premier des enjeux est, pour chaque exploitation concernée, de vérifier qu’en 2021 elle sera bien en mesure de respecter les fameuses MTD. Dans le cas contraire, la directive prévoit que le permis d’exploiter pourrait être remis en cause. Il ne faut probablement pas minorer ce risque car les autres bassins de production, selon le niveau de mise en œuvre chez eux, pourraient très bien dénoncer une certaine distorsion de concurrence. L’enjeu qualité de l’air étant relativement central dans ce dossier, il convient aussi de prendre en compte les risques de contentieux dans ce domaine, au regard des objectifs retenus pour la France et qu’elle a du mal à respecter.
La mise en œuvre des MTD peut, dans certains cas, nécessiter une adaptation de pratiques, voire des investissements à l’instar de l’obligation de couverture des ouvrages de stockage. Les délais que l’on connaît pour déposer un dossier et réaliser les travaux font que les 15 mois qui restent d’ici l’échéance ne seront pas de trop…
Sur le plan administratif, les pouvoirs publics indiquent clairement que toute nouvelle instruction de dossier ICPE devra au préalable passer par le filtre MTD. Des mises en demeure sont annoncées à l’occasion de l’étude ou le contrôle de dossier n’ayant pas engagé son réexamen. Ne l’oublions pas, ce dernier est aussi l’occasion de mettre en place les outils d’enregistrement et d’évaluation annuels rendus obligatoires pour toutes les exploitations IED en Europe.
Enfin, la connaissance du niveau de performance des exploitations françaises sur le plan environnemental est aussi à considérer car nombre d’entre elles sont en situation de respecter les fameux MTD et NEA… mais encore faut-il le démontrer et le faire reconnaître. Et pour celles qui ont des aménagements à prévoir, la conjoncture assez favorable de certaines productions est probablement une opportunité pour engager les travaux nécessaires à la pérennisation de son droit d’exploiter. Les retardataires sont donc invités à se manifester au plus vite auprès de leur technicien référent environnement.