ECC : valoriser la "French Touch" de la volaille ?
Jusqu’à présent, les segmentations dans la filière volaille ont été développées pour répondre aux demandes du marché intérieur, sans avoir à lutter contre les importations. Le cahier des charges European Chicken Commitment (ECC) vient chambouler la donne : cette segmentation s’expose à la concurrence des autres pays européens. La France va devoir se démarquer pour protéger et valoriser sa filière.

Les réflexions ont émergé en 2019 pour la mise en place de ce nouveau cahier des charges. Porté par une trentaine d'ONG européennes (dont CIWF, Welfarm et L214 pour la France), l’ECC se veut être un référentiel de bien-être animal pour les poulets de chair. Il comporte plusieurs critères : l'utilisation de souches de poulet à croissance plus lente, une densité d'élevage plus faible (30 kg/m² max), de la lumière naturelle, des perchoirs et des substrats à piquer, un abattage plus respectueux des animaux et un audit externe de ces standards. Grande distribution et restauration se sont engagées à respecter ce cahier des charges dans leurs approvisionnements d’ici 2026.
La France fera-t-elle le poids face à l'ogre polonais ?
La structuration de la filière française de poulet est atypique dans le paysage européen. Près de 20 % des poulets français ont accès à l’extérieur, alors que cette part ne dépasse pas les 7 % dans les autres pays européens d’après l’Itavi. Si le poulet standard constitue la majeure partie de la production de poulet en France, c’est aussi sur ce segment que les importations sont les plus fortes.
La part des importations dans la consommation de poulet s’établit à 44 % en 2019. Sur le premier semestre 2020, la Pologne est devenue le premier fournisseur de viande de volaille en France, devant la Belgique et les Pays-Bas. Aujourd’hui, les concurrences s’expriment sur le poulet standard ; mais demain, la concurrence sera aussi féroce sur l’ECC.
La filière française est en train de s’adapter pour répondre au marché de l’ECC : création de souche spécifique par le secteur de l’accouvage, mise en place de l’anesthésie sous atmosphère contrôlée dans les abattoirs... Mais, comme pour le standard, elle sera confrontée aux autres pays européens sur ce marché. D’après l’Itavi, le coût de production ECC en France serait de 1,10 €/kg vif. En Pologne, il serait 16 % moins cher à 0,92 €/kg vif. Difficile alors d’être compétitif.
La filière française est en train de s’adapter pour répondre au marché de l’ECC
La "French Touch" de la volaille
Pour autant, l’ECC peut représenter une opportunité pour la France. Pour cela, il est important de mettre en avant les atouts de la production française pour protéger la filière. Certains pays le font déjà : les vérandas pour les Pays-Bas et l’Allemagne, le temps de transport pour les Pays-Bas, les pododermatites pour le Danemark. La France pourrait par exemple valoriser ses bons résultats dans la lutte contre l’antibiorésistance. L’utilisation des antibiotiques pour les volailles a diminué de 60,5 % en dix ans et est inférieure de 38 % à la moyenne européenne.
Deuxième exemple pour se démarquer, la filière volaille française a su garder des tailles d’élevages modestes : une capacité d’un peu plus de 20 000 têtes de poulet par exploitation spécialisée, contre près de 40 000 pour la Pologne ou plus de 90 000 pour les Pays-Bas d’après Itavi - Eurostat. Ces exploitations familiales françaises sont un atout car elles sont porteuses d’emplois et d’économie dans les territoires.
La France a des arguments pour lutter contre les importations et reconquérir le marché intérieur, que ce soit sur le segment standard aujourd’hui, ou sur l’ECC demain. Le décret rendant obligatoire l’indication de l’origine de la volaille en restauration hors domicile attendu pour le mois de janvier 2021 devrait l’y aider en apportant une meilleure information aux consommateurs. Reste à voir s’ils y seront sensibles !
Elle a dit : Sylvaine Dano, présidente du GT avicole des chambres díagriculture de Bretagne
"Je regrette que cet engagement à respecter l’ECC en 2026 se soit fait sans aucune concertation avec les éleveurs. Pour autant, si cela répond effectivement à une demande du marché, nous nous adapterons (comme nous l’avons toujours fait !). Nous participerons ainsi à l’ambition nationale de souveraineté alimentaire, qui fait cruellement défaut en poulet. Cela va nécessiter une adaptation des bâtiments, un recrutement de nouveaux éleveurs et des consommateurs patriotes. Nous aurons besoin du soutien de tous pour que la Bretagne relève ce défi !"