Utiliser l’arbre pour délimiter les paddocks
Souhaitant apporter sa pierre à l’édifice de la lutte contre le réchauffement climatique, Sébastien L’Hostis, éleveur à Ploudalmézeau (29), a planté des arbres pour délimiter les paddocks de ses laitières sur 24 ha. Une initiative récompensée par le premier prix du concours Agroforesterie et bocage, organisé par le syndicat des eaux du Bas-Léon.

"J’ai commencé à y réfléchir en 2007". Producteur de lait à Ploudalmézeau (29), Sébastien L’Hostis s’interroge depuis longtemps sur le changement climatique. "Le Giec affirme que le climat remonte de 7 à 8 km par an. Dans 10 ans, nous aurons ici les températures de Châteaulin, dans 20 ans, celles de Quimper, dans 30 ans, celles de Nantes". Il se documente sur Internet, prend contact avec des conseillers de la chambre d’agriculture. Et rapidement, l’agroforesterie lui apparaît comme une réponse. "Je voulais faire quelque chose, apporter ma pierre à l’édifice". Après avoir mûrement réfléchi son projet, il opte pour une plantation intra-parcellaire : sur 24 ha, il délimite des paddocks pour ses laitières, 32 ou 65 ares, pour un jour ou deux de pâturage. Les rangées d’arbres sont espacées de 35 mètres, alternant deux rangées d’agroforesterie, avec un arbre tous les 6 m, et une haie, chargée d’abriter les autres arbres des embruns, la mer n’étant située qu’à deux kilomètres à vol d’oiseau. Et les rangées, parallèles à la rivière qui coule en contrebas, sont orientées nord-sud, pour protéger des vents dominants.
Planter me permet de créer un lien avec le consommateur, sans être obligé de passer par une grande enseigne.
Lutter contre le réchauffement climatique
"L’objectif est multiple", indique l’éleveur. Si, à terme, les arbres vont stocker du carbone et lutter contre le réchauffement climatique, il y trouvera aussi un intérêt personnel. "Ils vont protéger les cultures des intempéries et abriter les auxiliaires de cultures, qui pourront lutter contre les ravageurs. Protéger les vaches du froid et du vent et leur procurer un abri en cas de fortes chaleurs. Et ils sont capables d’aller puiser les minéraux à 7-8 m de profondeur : les feuilles vont minéraliser le sol". Et Sébastien L'Hostis en est convaincu, "ces arbres, dont profitera pleinement la génération suivante, rendront ma ferme plus attractive au moment de la céder".
Autre avantage, et non des moindres pour cet agriculteur soucieux de communiquer, "planter me permet de créer un lien avec le consommateur, sans être obligé de passer par une grande enseigne". Et une porte ouverte, organisée il y a peu, lui a permis de constater que ce dernier est sensible à ce genre d’action. "Nous respirons tous le même air".
14 espèces
14 espèces ont finalement été retenues : mûrier blanc, frêne, châtaignier, orme Lutèce, noyer hybride, aulne glutineux et cordata, érable sycomore, merisier, tremble et chêne pubescent, sessile, pédonculé et vert. "J’ai choisi quelques espèces qui, aujourd’hui souffrent dans le Sud. D’autres sont légumineuses, un peu comme le trèfle, destinées à l’ébénisterie, comme le noyer, ou conviennent pour un éventuel apport fourrager, comme le mûrier ou le frêne".
Le jour J, le chantier a mobilisé 16 personnes, pour 1 250 arbres plantés. "C’est fastidieux, reconnaît l’éleveur. Il faut se faire aider". Un chantier qui ne manque pas d’interpeller certains agriculteurs. "Sur une parcelle de 3 ha, il y avait 11 champs du temps de mes grand-parents. Aujourd’hui, j’en ai refait 9, mais en plus moderne : ils sont alignés".
14 ans après avoir entamé sa réflexion, "j’ai la reconnaissance pour le travail accompli", savoure Sébastien L’Hostis, en recevant le premier prix, catégorie implantation, du concours agroforesterie, organisé par le syndicat des eaux du Bas-Léon, le qualifiant pour le concours national, qui se déroulera fin février 2022 à Paris, dans le cadre du Salon de l’agriculture, à Paris.
Pourquoi planter ?
Les avantages de l’agroforesterie sont nombreux :
- piéger le carbone,
- limiter l’érosion, le ruissellement, réduire l’intensité des crues,
- maintenir les berges, éviter la dérive de phytos et de contaminants,
- brise vent (une haie abrite 15 fois sa hauteur),
- améliorer la qualité des sols (en favorisant l’activité biologique du sol, la haie permet une meilleure assimilation des minéraux des couches profondes. Les feuilles protègent le sol et augmentent l’apport de matière organique et de minéraux),
- protéger les auxiliaires de cultures (carabes, oiseaux, chauves-souris, pollinisateurs),
- augmenter la biodiversité (oiseaux, insectes, espèces végétales au pied des talus et haies).