Le Green deal chamboule les négociations sur la PAC
Le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans a menacé de retirer la proposition sur la future PAC si au cours des négociations qui viennent d’être lancées les objectifs environnementaux du texte n’étaient pas renforcés. Une prise de position qui a fortement irrité les ministres de l’Agriculture des Vingt-sept.

Lors du lancement des négociations finales en trilogue entre les États membres et le Parlement européen sur la future PAC qui ont débuté le 10 novembre, Frans Timmermans a brandi cette menace pour mettre la pression sur les pourparlers qui doivent aboutir au printemps 2021.
Dans une lettre adressée le 13 novembre à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, plusieurs eurodéputés du groupe démocrate-chrétien de la commission de l’Agriculture (Peter Jahr, Herbert Dorfmann, Anne Sander...) s’étaient également inquiétés des positions "contradictoires" de la Commission.
Fake news
Mais la ministre allemande de l’Agriculture, Julia Klockner, qui préside le Conseil, a été claire : "La Commission a outrepassé son rôle en faisant ce genre de déclaration qui remet en question l’intégralité du compromis trouvé entre les ministres de l’Agriculture sur la PAC". Un compromis qui va pourtant au-delà de la proposition initiale de Bruxelles qui ne prévoyait aucune enveloppe dédiée aux éco-régimes, a-t-elle souligné qualifiant même les propos de Frans Timmermans de "fake news".
Le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski a voulu rassurer, promettant, comme l’a déjà indiqué la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans une lettre du 30 octobre à des eurodéputés, que Bruxelles n’a pas l’intention de retirer sa proposition. "Le premier trilogue (du 10 novembre) a été un bon départ", assure-t-il.
Timmermans persiste et signe
"Pourquoi suis-je catégorique quant à une nouvelle politique agricole adaptée au Green Deal ? Parce que les positions actuelles sur la PAC doivent encore être améliorées pour respecter notre engagement commun en faveur du climat et mettre en œuvre nos stratégies De la ferme à la table et Biodiversité", a réaffirmé, sur Twitter, Frans Timmermans le 17 novembre au moment où la Commission européenne présentait un document sur ces ambitions pour la prochaine PAC confirmant que Bruxelles se montrera très vigilante sur le respect des objectifs du Green deal. "Si certains éléments de flexibilité peuvent s’avérer utiles, d’autres aspects proposés risquent de compromettre l’efficacité des dépenses consacrées à l’environnement et au climat, car ils permettraient de réaffecter les ressources destinées à l’environnement et au climat à d’autres paiements au titre du premier pilier, ce qui se traduirait par un impact moindre sur le climat et l’environnement", souligne le document. La Commission veut s’assurer que des enveloppes budgétaires suffisantes soient attribuées aux éco-régimes.
Les plans stratégiques nationaux dans le viseur
Autre inquiétude de Bruxelles : l’éco-conditionnalité renforcée des aides, dont la portée a été réduite dans les positions du Conseil et du Parlement européen. Le Parlement propose notamment que les exigences concernant les surfaces agricoles couvertes par des éléments naturels ne s’appliquent qu’aux terres arables ce qui signifierait seulement que 66 % des terres agricoles et 89 % des agriculteurs bénéficiant d’une aide directe seraient concernés. Le Conseil prévoit, lui, que cette exigence de conditionnalité s’applique uniquement aux terres arables et exempte les petites exploitations (inférieures à 10 ha de terres arables). Dans ce cas, 54 % des terres agricoles et 20 % des agriculteurs bénéficiant d’une aide directe seraient couverts. Insuffisant aux yeux de la Commission.
Pour la Commission il n’est néanmoins pas nécessaire d’inscrire formellement les objectifs du Green deal dans le texte législatif de la PAC. D’une part ces objectifs n’ont pas fait l’objet d’étude d’impact et d’autre part ils ont été présentés longtemps après les propositions sur la PAC. Mais la Commission compte sur les plans stratégiques nationaux de cette future PAC - que chaque État membre devra faire valider lors du premier semestre 2022 - pour participer à l’effort collectif. La Commission a d’ailleurs commencé à adresser, le 16 novembre, aux États membres ses premiers documents de recommandations sur les plans stratégiques au regard des objectifs du Green deal.