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Terremo’logic, de la coquille d’œuf à l’amendement calcaire

Cercle vertueux, économie locale et aventure humaine… Le projet porté par Florence et Paul-Gilles Chedaleux à Lizio (56), avec l’entreprise Terremo’Logic, coche toutes les cases en transformant les déchets coquillés de la branche œuf de Cocotine, Eureden, en amendement calcaire, local et naturel. Leur process innovant est déposé à l’INPI et précieusement gardé.

"On transforme un déchet en produit qui améliore et amende le sol", un procédé qui a tout de la transmutation avec au bout du compte, un or blanc pour amender en calcium naturel les terres acides bretonnes. Au milieu des 100 ha de cultures que le couple Chedaleux a conservé de sa vie d’avant, celle d’éleveurs laitiers, s’élève Terremo’logic : une entreprise avant tout agricole, basée sur la chaleur et imprimant sa logique d’économie circulaire et locale. L’idée est simple en apparence, comme une évidence : "on hygiénise en les chauffant les coquilles d’œuf. Un déchet que l’on reçoit de l’usine Cocotine à Ploermel. Plus de 4 000 tonnes par an. Nous récupérons un amendement calcaire, naturel, que nous valorisons chez nos collègues". Un produit qui peut être enlevé sur le site de production, épandu par la société dans un rayon de 20 km, pas plus, ou livré. Une entreprise à trois, avec leur salarié, Valentin Goulard.

Nous avons été des éleveurs heureux.

Fin du lait

Mais il leur aura fallu 15 ans pour mettre leur projet sur pied. Depuis décembre 2017, finis les 600 000 litres de lait produits sur 110 ha, adieu les 90 vaches et tout autant de génisses et veaux. "C’était un déchirement quand même car nous avons été des éleveurs heureux. On aimait ce qu’on faisait", assure Florence Chedaleux. "Là s’est arrêté tout le travail qu’avait mis sur pied mon papa, passionné de génétique", renchérit Paul-Gilles, qui avait repris à l’âge de 20 ans l’exploitation familiale faisant face au décès prématuré de son père. Un couple, porteur de nombreux projets, dont celui collectif des méthaniseurs de l’Oust avec 11 autres fermes et aux tout aussi nombreux engagements collectifs et syndicaux.

Terremo’logic

 

Quand l'idée germe

L’élément déclencheur : "jusqu’ au début des années 2000, nous recevions des coquilles fraîches en plan d’épandage. Et puis, en raison du risque de Salmonelles, cela a été interdit", raconte le couple qui regrettera d’emblée "cet amendement calcaire, gratuit. Je me disais que ce serait bien de trouver une solution pour valoriser ça. J’en ai parlé. Les directeurs de la branche œuf de la Cecab se sont toujours montrés intéressés car la coquille d’œufs est un déchet avec un coût de traitement vers les usines agréées". L’idée prend alors forme. "Si vous êtes capables d’hygiéniser et que ça ne nous coûte pas plus cher que d’envoyer en centre de traitement des déchets, on vous suit", leur assure régulièrement la direction de Cocotine qui les soutiendra dans ce cercle vertueux, "contribuant à améliorer leur image", contractualisant cet échange sécurisant, "gagnant-gagnant".

 

Expérimentateurs

"On sortait des sentiers battus, ça paraissait utopique. Il n’y a qu’un seul autre exemple en France et ce n’est pas le même procédé", racontent ces défricheurs qui trouveront sur ce parcours semé d’embûches, appuis, soutiens, "et des gens formidables, à Cocotine, à la DDPP du Morbihan, partout", assure le couple, enthousiaste et positif. "La coquille, c’était un gros problème à risque sanitaire", situe Florence. "Nous sommes les seuls à avoir l’agrément sanitaire", poursuit celle qui transformera, durant de longs mois, le four de sa cuisine en centrale d’expérimentations diverses avant que ne fasse ses preuves leur prototype industriel. "En un mois, nous avons effectué 330 analyses pour que le process soit validé avec une AMM (autorisation de mise sur le marché) délivrée par l’ANSES au bout de deux ans", précise Paul-Gilles, ce qui donne une idée du niveau d’exigence requis. Un parcours du combattant mené en famille.

Terremo’logic

Jusqu’à la maîtrise du process

"Chauffer de manière homogène, c’était le plus compliqué". Le couple opte pour une chaudière à plaquettes, alimentée à partir de bois d’opportunité déchiqueté dont ils gèrent les chantiers. Mais la différence est apportée par l’air chaud pulsé sorti d'un générateur déniché en Espagne, qui envoie l’air dans un séchoir, trouvé à l’époque en Asie. "Aujourd’hui, l’industrie bretonne saurait le faire", assure Paul-Gilles Chedaleux qui garde toute discrétion sur un procédé qui commence à vouloir être copié. Là, les coquilles sont mélangées et séchées, la membrane séparée. "On a fait développer un processus informatique d’automatisation et de régulation". La chaîne est alimentée en continu par des vis sans fin à partir des coquilles livrées quotidiennement et dont la logistique est gérée par Terremo’logic.

 

Aux débuts difficiles

"La gestation du projet a duré 15 ans. Et quand on l’a mis en route début 2018, ça cassait à tout bout de champ", raconte le couple qui aura essuyé bien des plâtres. "On passait 24h sur 24 ici, dans la pièce de contrôle", se souviennent-ils jusqu’à ce que la providence mette sur leur chemin Christian Le Roy, ingénieur rencontré par la méthanisation. "Il a passé des nuits ici, à résoudre et faire évoluer l’installation, un magicien, notre sauveur". Et de créer une autre société avec lui, "si on a envie de déployer notre idée ailleurs, on est prêts", notent-ils gardant ce temps d’avance, emplis de projets, notamment sur la membrane de cette coquille "pleine de protéine de collagène, l’acide hyaluronique", valorisée pour l’instant dans la méthanisation.

"Aujourd’hui, on a trouvé notre équilibre, tout va bien", assure ce couple aux personnalités complémentaires, dont l’une dit "l’expérimentateur, c’est Paul-Gilles" et à qui l’autre répond "le garde fou, c’est Florence", puisant chacun dans les yeux de l’autre l’assentiment et l’inspiration. Un couple sans regret sur la vie d’éleveurs et libéré de ses contraintes, avec en vue de nouveaux débouchés "vers nos collègues arboriculteurs et maraîchers. On pense aussi développer avec l’appui de jardineries, de plus petits contenants pour les particuliers jardiniers".

 

De ferme à site industriel

Terremo’logic

Terremo’logic a pris place dans les anciens bâtiments de l’exploitation transformée en site industriel avec ses sens de circulation pour les camions qui quotidiennement le pratiquent. La stabulation des génisses est devenue un grand bureau. Le hangar à paille abrite le process de fabrication de l’amendement, séparé par une cloison du local de conditionnement. Le stockage du bois déchiqueté a trouvé place dans les anciens silos à maïs couverts, l’amendement prêt à être livré dans l’ancienne stabulation...

Terremo’logic

En chiffres
- Investissement : 700 000 euros dont 140 000 apportés par l’Ademe,
- Retour sur investissement : inférieur à 10 ans,
- Production annuelle : 4 200 t, soit 60 à 80 t par semaine,
- Produit : Terremo’coquilles : amendement calcaire, CAO : 58,8 % utilisable en bio,
- Volume de bois déchiqueté nécessaire par an : 1 500 m³ de bois d’opportunité,
- Terremo’Logic : deux associés, un salarié.

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