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Continuer le pâturage en période hivernale lorsque la pousse de l’herbe est quasi nulle, c’est possible !

Le bale grazing est une technique qui vient d’Amérique. Cela consiste à prédisposer des rounds de foin ou d’enrubanné sur des parcelles destinées à être pâturées au cours de l’hiver. Cette pratique a de nombreux attraits : prolonger au maximum le pâturage, valoriser la pousse d’herbe automnale et régénérer des prairies via l’apport de matière organique et de re-semis naturel par le fourrage. Elle s’importe en France dans nos systèmes bretons. Baptiste Coent de Cleden-Poher, Gweltaz Le Berrigaud de Gourin et Kévin Tymen de Plonevez-Porzay témoignent sur la mise en œuvre de cette pratique.

Les rounds d’enrubanné sont en place pour l’hiver chez Kévin Tymen à Plonevez-Porzay.

"Le bale grazing demande quelques essais pour être maitrisé", confirment ces trois jeunes éleveurs bio du Finistère et Morbihan qui pratiquent déjà depuis quelques hivers. Ils constatent un gain de temps et une réduction des charges avec le bale grazing. "Dans nos systèmes de vêlages groupés de printemps, cela permet de passer la période d’hivernage des vaches taries au champ. On simplifie le travail et on réduit les charges à condition que la pratique ne devienne pas une contrainte. On doit être organisé". En effet, le bale grazing se prépare dès la fin du printemps lors des premières coupes de fourrage. Gweltaz dispose les rounds en fin d’été début d’automne dans les parcelles de pâturage hivernal. Après la dernière coupe tout est déjà en place. "Avec du foin, il y a un peu de perte liée au stockage au champ, il faut le prendre en compte dans les calculs, mais c’est acceptable à tout point de vue. J’évite de rentrer le fourrage pour le ressortir ensuite et j’abime moins mes parcelles". Même constat pour Baptiste : "J’ouvre simplement mes enrubannés tous les matins et je déplace le fil. Je n’ai plus l’astreinte du paillage, raclage et de la distribution de l’alimentation que j’avais au bâtiment".

 

Sur-semis naturel

Cette technique permet aussi d’améliorer la fertilité des sols et la pousse de l’herbe au printemps : "L’idéal serait de changer de parcelle de bale grazing chaque année pour tirer partie de la fertilité par les animaux. Sinon on se contente de changer l’emplacement des rounds d’une année sur l’autre. En tout cas, l’effet est immédiat, l’herbe repart de plus belle après le bale grazing", insistent Kévin et Baptiste. "Et ça permet de ressemer d’une année sur l’autre via le fourrage. C’est bien plus visible avec du foin qu’avec l’enrubannage. On voit clairement les endroits où sont déroulées les bottes de foin, la flore est plus dense et plus variée : la technique de re-semis naturel fonctionne pour la chicorée, plantain, fétuque, dactyle. Je vais faire des essais avec luzerne et trèfle violet l’année prochaine", ajoute Gweltaz.
Aucune conséquence au niveau reproduction et sanitaire sur l’élevage n’a été constatée. "Pour les vaches qui sont taries à cette période de l’année, il n’y a pas de perte d’état, je surveille les panses et elles sont toujours pleines. Je n’ai pas de problèmes non plus sur les vêlages et les animaux sont mieux dehors qu’en bâtiment", d’après Baptiste. Cependant cette pratique ne semble pas convenir à l’ensemble des animaux, "C’est top pour le maintien en état des vaches taries, mais ce n’est pas adapté pour des génisses en croissance", souligne Kévin.

pâturage

Foin ou enrubannage, c'est le chargement qui est important !

Le type de fourrage utilisé dépend du système et du choix de l’agriculteur. La clef du bale grazing reste le chargement pour éviter les refus ou à l’inverse d’abimer les parcelles au risque de devoir tout ressemer. "Cette année, j’avais 11 m2 par vache et par jour, mais c’était trop juste, il faudrait 17 m2 pour éviter d’abimer les parcelles. J’ai dû ressemer 7 ha, alors que pour moi l’objectif de cette pratique est de ne pas ressemer", dit Kevin. "Il faut connaître les besoins des vaches, le stock sur pied disponible pour ajuster le nombre de vaches par paddock, car les rounds sont déjà en place. C’est vraiment le chargement qui va être la variable d’ajustement". Dans la pratique, les agriculteurs avancent tous les jours avec fil avant et fil arrière et chaque jour les vaches ont de nouveaux enrubannés ou bottes de foin. "On dispose le parcellaire en couloir pour faciliter l’avancement et permettre d’être plus précis dans le chargement", précise Gweltaz. "On fonctionne avec trois blocs d’hivernage de 15 à 18 ha chacun sur lesquels on tourne avec 50-60 vaches taries. On offre tous les jours 1 round et entre 1 500 à 2 000 m2 de stock sur pied. Cela nous permet de tenir 90 jours par bloc".
Plusieurs techniques ont été expérimentées par ces agriculteurs sur la distribution du fourrage complémentaire. "Je préfère dérouler les bottes de foin. Ça permet d’éviter le piétinement et donc les rumex dans nos sols. On réduit la concurrence et les problèmes d’avortement sur nos vaches taries et on étale la fertilité sur la parcelle". Et Kevin précise que cette pratique est aussi réalisable avec de l’enrubannage : "Je vais installer une dérouleuse derrière mon quad, ça me permettra de moins marquer le sol qu’avec le tracteur et de récupérer la bâche pour la recycler. Ça évitera aussi de la récupérer une fois les rounds consommés. Je réduis la pénibilité du travail".

 Le chargement va être la variable d'ajustement.

À adapter sans cesse

Il aura fallu quelques essais à ces agriculteurs pour maitriser la pratique et apprendre de leurs erreurs. Aujourd’hui encore, ils continuent d’expérimenter pour adapter au mieux le bale grazing à leur propre contexte. "Au départ, on amenait les rounds au fur et à mesure dans les champs, mais ça abîmait les parcelles et demandait trop de travail. Aujourd’hui on les laisse sur place après la fauche et on les déroule au fur et à mesure". La gestion de l’eau est aussi importante à prendre en compte si on veut éviter d’avoir à déplacer des tonnes à eau et de marquer les parcelles à chaque passage. "On va donc installer un réseau d’eau avec des petits abreuvoirs qui suivront l’avancée des paddocks". Chez Gweltaz, le bale grazing s’intègre complétement dans la gestion de l’herbe pour le reste de la saison. "Le prochain objectif va être de faire un tour de déprimage rapide avec le lot des vêlages plus tardifs pour finir de bien nettoyer avant la repousse du printemps". Et il va sans dire que le bien-être de l’Homme ne va pas sans celui de l’animal dans cette pratique, des haies sont implantées le long des clôtures pour augmenter le nombre d’abris et faire effet brise vent.

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Il a dit : 

Baptiste Coent, éleveur bio, Cleden-Poher, 140 vaches laitières sur 114ha en vêlages groupés de printemps teste le bale grazing depuis trois ans avec de l’enrubannage / Je choisis mes parcelles de bale grazing sur des parcelles de fauche bien implantées, portantes et non accessibles au pâturage. Il m’arrive de le faire sur des prairies dégradées pour les rebooster via l’apport de matière organique et éventuellement compléter d’un sur-semis si besoin. Sursemer n’est pas un problème, ça ne concerne que de petites zones dans les parcelles et ne pénalise pas les prochaines fauches. Sur ces parcelles, je dispose les rounds d’enrubannés en fin d’été après la dernière coupe et je ne reviens pas avant l’hiver pour constituer un maximum de stock sur pied. C’est la première année que je charge autant en vaches et en rounds. Ça a plutôt bien fonctionné. Je tourne sur 5 ha de bale grazing avec 90 vaches qui vêleront les premières au printemps. J’ai un chargement de 40 à 50 VL pour 1 ha pour 28 jours. Ça me permet de tenir 70 jours avec ce lot de décembre à début février juste pour le début des vêlages. J’avance tous les jours avec 2 rounds par jour. Pour compléter, je sais qu’il me faut 4 kg MS/VL/jour de stocks sur pied (soit pas moins de 4 tMS/ha disponible) pour viser 17 kgMS d’offre par vache et par jour. Maintenant que le système est calé, ça me permet de connaitre le nombre de rounds qu’il me faut et d’adapter mes stocks. J’ai testé avec et sans fil arrière, mais avec ce chargement le mieux est de ne pas le mettre. En temps normal, elles ne reviennent quasiment pas en arrière, mais ça permet de garder une marge de manœuvre et d’éviter de trop abimer les parcelles en cas de mauvais temps. Je n’ai quasiment aucune perte et aucun refus. Je les estime à 5 % mais ça vaut largement les pertes en bâtiment. Ce n’est pas comme le foin, il faut veiller à limiter les refus avec l’enrubannage pour éviter de pénaliser la repousse du printemps.

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