Dispositif de surveillance de l’azote épandu, votre avis est sollicité
Un an après l’adoption du 6e programme d’action régional nitrates (PAR 6), un projet d’arrêté modificatif est actuellement soumis à consultation publique en ligne sur le site de la Dréal. Ce projet vise notamment à préciser le dispositif de surveillance de l’azote épandu qui encadre la mise en œuvre des fameuses déclarations de flux d’azote (DFA) pratiquées depuis cinq ans en Bretagne.

Ce projet porte sur plusieurs points :
- Extension au Sage Argoat-Trégor-Goëlo du dispositif dérogatoire à l’obligation de bandes enherbées le long de tous les cours d’eau, après avoir retenu ceux des baies de Lannion et de Saint Brieuc. En effet, les linéaires de cours d’eau inventoriés sont bien supérieurs aux références IGN sur ces territoires, justifiant une approche spécifique.
- Évolution du calendrier d’épandage des effluents de type I (fumiers et composts) afin de tenir compte des règles de fertilisation adoptées par l’arrêté Gren et qui n’autorisent pas de fertilisation sur dérobées à l’automne, ramenant ainsi la date d’interdiction d’épandage du 15 novembre au 1er septembre. Ce rallongement du calendrier d’interdiction impacterait également les prairies de moins de six mois.
- Enfin, et c’est le sujet principal, le projet de texte propose l’encadrement du dispositif de surveillance de l’azote épandu.
Une négociation longue et complexe
La disparition du dispositif des "ZES" en 2012, au vu de la résorption obtenue, s’est accompagnée de contreparties dont la DFA et la mise en place d’un dispositif de surveillance de l’azote épandu. La première année de mise en œuvre de ce dispositif a généré une référence départementale de pression moyenne d’azote épandu. En cas de dépassement de cette valeur, le risque est de se voir imposer des mesures individuelles. À l’origine, l’État envisageait d’imposer des baisses d’azote organique produit ! Craignant un retour aggravé aux anciennes obligations ZES, la profession a revendiqué un raisonnement non pas en azote produit mais en azote épandu, intégrant ainsi les efforts de résorption mais aussi de substitution du minéral par de l’organique, via un raisonnement en azote total. La demande était aussi de permettre aux exploitations qui le souhaitent, en démontrant leurs bonnes pratiques, de pouvoir être exonérées de ces mesures dites "correctrices".
Après plusieurs années de négociation, les textes nationaux ont finalement en partie évolué, permettant au préfet de venir compléter aujourd’hui le programme d’action régional.
Le projet d’arrêté définit la notion de pression d’azote de référence. Le préfet vérifie tous les ans si cette valeur est dépassée pour mettre en place des mesures correctrices.
Un dispositif basé sur une pression d'azote de référence
Pour faire simple, le projet d’arrêté définit la notion de pression d’azote de référence (appelée Qref), cela correspond à la moyenne constatée en 2014 d’après la DFA à l’échelle départementale. Le préfet vérifie tous les ans si cette valeur est dépassée ou non, au-delà d’une marge dite "d’incertitude" fixée à 2 kg N/ha, pour savoir s’il faut mettre en place des mesures. En cinq ans cette situation n’a jamais été rencontrée, comme l’indique le tableau synthétisant les valeurs constatées pour chaque département . À l’occasion du lancement de chaque nouvelle campagne de déclaration, toutes les exploitations bretonnes reçoivent une fiche présentant les résultats du département. À l’échelle régionale, l’azote total épandu en moyenne s’établit à 177 kg N total/ha, dont à peine 110 kg N d’origine élevage (à comparer au fameux plafond européen de 170 kg N élev/ha).
Des mesures "correctrices" en cas de dépassement
En cas de dépassement de la Qref supérieur à la marge, le préfet déploiera un dispositif imposant, sur la campagne suivante, des baisses d’azote épandu à chaque exploitation afin de ramener la moyenne départementale sous la Qref (et même en deçà, en rajoutant une marge de sécurité de 1 kg N/ha). Ainsi, un département de 400 000 ha qui aurait dépassé la marge de 2 kg N/ha aurait une obligation de réduire son azote épandu de 1 200 000 kg N au total. Le texte envisage que cet effort collectif soit réparti sur certaines exploitations avec une baisse proportionnelle à la contribution de chaque exploitation. En clair, 6 classes de réduction de l’azote épandu seraient établies, de -6 % (pour les plus fortes pressions) à 0 % (pour les pressions les plus faibles). Les exploitations les plus impactées pourraient alors subir une obligation de réduction de l’azote épandu de l’ordre de -15 kg N/ha. Cela pourra concerner des exploitations qui ne respectent pas les principes d’équilibre de la fertilisation mais aussi des exploitations qui disposent de systèmes de cultures à fort besoin d’apport d’azote (doubles cultures (dérobées, Cive), légumes, systèmes herbagers intensifs…). Les mesures individuelles ne seraient levées qu’une fois l’objectif de réduction collectif atteint.
Le projet d’arrêté envisage qu’un "dispositif alternatif" permette aux exploitations qui le souhaitent d’être exonérées de ces réductions potentielles. Le texte national précise que ce dispositif "fondé sur des obligations de résultat" doit s’appuyer sur "un indicateur de l’utilisation effective de l’azote par les cultures", laissant le soin aux acteurs locaux de déterminer la nature de cet indicateur. À ce jour, les discussions pour le définir sont restées infructueuses.
Ce n’est qu’après avoir constaté l’atteinte de l’objectif collectif que les mesures individuelles pourront être levées.
Il importe que les agriculteurs et agricultrices prennent toute leur place dans cette consultation publique qui les concerne au premier chef. Une nouvelle étape du programme d’action régional nitrates est proposée, de nouvelles références émergent et chacun.e peut aujourd’hui prendre part aux débats qui animent ces évolutions.
Pratique : Pour consulter les textes et participer à la consultation, rendez-vous à l’adresse suivante :
www.bretagne.developpement-durable.gouv.fr/modification-du-programme-d-actions-regional-a4006.html
Déclaration de flux d'azote : les nouveautés de 2019
Chaque exploitation devra recréer son compte de télédéclaration à partir de son adresse mail. Quant aux opérateurs qui reprennent et/ou commercialisent des engrais organiques et minéraux, ils sont également tenus de réaliser des DFA, déclarant les quantités d’azote reprises ou livrées dans les exploitations et les territoires. Une bonne coordination entre les exploitant.e.s et les opérateurs s’impose.
2 questions à... Edwige Kerboriou, présidente du groupe environnement des chambres d'agriculture
Vous êtes la nouvelle présidente du groupe de travail environnement des chambres d’agriculture. La chambre a déjà dû rendre un avis sur le projet d’arrêté régional. Qu’en est-il ?
E.K. Lors de sa session de juillet, les chambres d’agriculture ont clairement exprimé un avis défavorable. Nous sommes en désaccord avec un dispositif de surveillance qui s’inspire trop d’une logique de quotas, ne prenant pas assez en compte la réalité agronomique qui peut conduire à des variations interannuelles justifiées et que la cellule technique d’analyse pourrait examiner. Nous espérions que le dispositif alternatif aurait permis de tenir compte de cette réalité, mais ça bloque. Par ailleurs, l’évolution du calendrier d’épandage visant à interdire les fumiers à l’automne sur prairie de moins de 6 mois ne nous semble pas justifiée.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les blocages apparus dans la définition du dispositif alternatif ?
E.K. Nous sommes face à un problème de fond qui fait écho à un usage détourné d’outils de conseil technique, parfois complexes d’interprétation. En clair, l’administration souhaite faire usage des mesures de reliquats, que nous utilisons dans des démarches de conseil pour en faire un outil à caractère réglementaire. Quant à la profession, considérant l’effort important de transparence déjà mis en œuvre via la DFA, nous proposions de valoriser les données déjà enregistrées pour établir une balance globale azotée rénovée. Aucun accord n’a été possible à ce jour et donc le dispositif dit "alternatif" risque d’être inopérant.