Le Gaec de Kerchernec produit du lait en monotraite
Lucie et ses deux associés, Erwan et Gwenolé, du Gaec de Kerchernec à Mellac (29) installés depuis 2015 et 2017 pratiquent la monotraite partielle depuis deux ans après avoir réalisé des investissements modérés. Lucie nous fait le retour de deux années d’expérience avec des données chiffrées.

Pour faire face à la charge de travail au printemps
Nous avons engagé la monotraite la première fois en 2018 de juin à mi-août (2,5 mois) pour faire face à une charge de travail importante. En phase d’installation, nous construisions un boviduc permettant d’accéder à 30 ha supplémentaires et mettions en place des chemins et paddocks en parallèle de la récolte des fauches. C’était un terrain un peu balisé, car nous avions dans le groupe lait déjà plusieurs producteurs avec des expériences de monotraite réussies et avions la connaissance des travaux de recherche de l’Inra depuis les années 95.
En 2019, nous avons renouvelé l’expérience de la monotraite sur plus de 4 mois. Ceci pour répondre à une demande de réduction de livraisons de Biolait, mais aussi pour diminuer notre travail et faciliter le travail pendant les départs en vacances des associés. Nous projetons en 2020 de reprendre la monotraite au printemps sans nécessairement revenir à la double traite en septembre.
La monotraite : le couteau suisse de l’organisation du travail
La monotraite est une solution efficace pour alléger le travail d’astreinte. Si elle est envisagée sur une période longue, elle a toutefois des conséquences fortes sur les résultats techniques et économiques. Avec une diminution des livraisons de 25 % à 30 %, elle est à réserver à des exploitations aux conduites très économes.
Au début des années 2000, alors que les essais sur la monotraite fleurissent, un exploitant plaisante : "Pour moi, c’est monotraite le matin et, pour Christine, mon épouse, monotraite du soir". Plus tard, les enfants ont grandi et, pour les accompagner lors des compétitions sportives du week-end, le couple décide de supprimer la traite du samedi ou du dimanche soir. La souplesse d’organisation du travail et le gain en qualité de vie compensent largement l’élévation du taux cellulaire jusqu’au mercredi suivant. En 2010, une nouvelle étape est franchie. La ferme passe en bio et, manque de chance, Christine se blesse au moment des grosses pointes de travail de printemps. La situation sanitaire du troupeau est bonne. Le passage en monotraite pour une durée de trois mois permettra de faire face à la charge de travail et de prendre le temps de la convalescence. Les conséquences techniques sont une diminution des livraisons de 25 % avec une élévation des taux de 2 points de TP et 3 points de TB et une élévation modérée des taux cellulaires (+50 000 cellules) sans pénalité, soit un prix du lait en augmentation de 25 €/1 000 l. Le coût alimentaire sur la période est diminué avec l’arrêt de la distribution de concentrés énergétiques et davantage de pâturage, les animaux ne recevant pas de stocks le soir ne rentrant pas au bâtiment. Expérience tellement concluante que depuis la technique est adoptée pour avoir du temps libre 2 ou 3 mois en été.
Cet exemple montre comment dans de petits collectifs de travail, il est important que la traite ne repose pas sur une seule personne qui devrait traire sans relâche tous les jours de l’année. Il est important de pouvoir se faire remplacer, d’alterner les trayeurs ou de se libérer de l’astreinte en passant en monotraite. Pour la monotraite du dimanche soir ou la monotraite sur des périodes courtes, les conséquences économiques sont peu importantes et assez faciles à compenser en augmentant légèrement la taille du cheptel. Par contre, dans le cas de la monotraite toute l’année les conséquences sont plus importantes. Les livraisons de lait diminuent généralement de 25 % à 30 %, jusqu’à 40 % quand la production par vache est élevée. La production de matières utiles diminue de 20 % avec une augmentation des taux (+2 à +6 g TB et +2 g TP). Il est impératif de partir d’une situation cellulaire correcte et de limiter au maximum les risques de contamination. Pour que cela soit tenable au niveau économique, cela est à réserver à des systèmes à faible coût de production. Il faut des coûts alimentaires très bas afin de préserver la marge brute. En général, cela passe aussi par une augmentation de la taille du troupeau sans nouveaux investissements afin de compenser en partie la diminution du chiffre d’affaires.
Actuellement, la monotraite connaît un regain d’intérêt dans les systèmes biologiques. Deux formations sur le sujet ont fait le plein à Ploërmel et vont se poursuivre par la création d’un groupe d’échange (contact : Christèle Burel). Il regroupera des jeunes installés qui souhaitent mettre en place un système qui permette de disposer de temps libre ou des personnes plus proches de la retraite qui une fois leurs exploitations remboursées aspirent à lever le pied et préserver leur santé.
Des résultats qui donnent envie de continuer
Sur la ferme, le volume laitier a baissé au passage en monotraite de 18 à 25 % sur la période . Il a été compensé par l’augmentation significative des taux (+ 3,5 à 4 g/l en TB et +1,5 à 3 g/l en TP) avec un arrière-effet à l’automne sur les 2 années. Les cellules aussi ont augmenté. C’est notre principal point de vigilance. Nous avons fait du tri et réformé quelques vaches. Notre troupeau est jeune en lien avec nos installations récentes. Le taux de réforme reste bas à 17 %. Nous avons renforcé la vigilance sur la litière avec un paillage fréquent l’hiver afin de limiter les contaminations. C’est la période la plus à risque et l’aire paillée un peu trop juste. Si j’avais un conseil, pour commencer et limiter les problèmes, ce serait de démarrer avec un troupeau sain, à un moment favorable de l’année (le printemps).
Les autres conséquences de la monotraite sur le troupeau sont un gain d’état corporel et une bonne expression des chaleurs. Nous souhaitons maintenir le coût alimentaire (actuellement 18 € pour 1 000 litres). Les vaches pâturent chacune 4 tonnes d’herbe par an. La monotraite permet de diminuer les besoins alimentaires des animaux et de mieux valoriser des stocks sur pied sans complémentation.
La traite du matin dure plus longtemps, car les vaches sont plus longues à traire, mais il n’y a pas l’astreinte de traite le soir. Nous en avons profité pour simplifier l’allaitement des veaux. Ils restent 15 jours avec leur mère et ensuite bénéficient d’un repas par jour en pâturage tournant.
Avec le passage en monotraite, nous avons gagné en sérénité au printemps avec du temps libéré pour les travaux des champs et les départs en vacances l’été. Avec 7 traites semaines et 4 personnes sur la ferme, nous avons diminué la pénibilité du travail. Nous faisons moins de 2 traites par semaine et par personne. Avec ce rythme, nous attendons avec hâte que notre tour revienne.
La ferme aujourd’hui
- 3 UTH : 3 associés et 1 apprenti
- 84 ha dont 81 ha accessibles aux vaches
- 75 vaches à 4 900 litres/vache
- 370 000 litres vendus à Biolait (43,5 g / L TB et 35 g / L TP de moyenne)
- 2 périodes de vêlage printemps (2/3) et automne (1/3)
- 82 ha herbe et 2 ha de maïs avec un coût alimentaire vaches laitières de 15 € / 1 000 l
- 4 tonnes d’herbe/vache, seulement
2 tonnes en fourrages stockés (enrubannage 1,5 t et ensilage de maïs 0,5 t) et aucun concentré.