Plant de pomme de terre : quelles solutions contre les taupins ?
Faute de solution chimique efficace contre le taupin, certains agriculteurs devront-ils arrêter la production de plant de pomme de terre ? Depuis quelques années, Bretagne plants teste des solutions alternatives. Le résultats des essais ont été présentés le 11 février dernier, avant l’assemblée générale du syndicat de producteurs Bretagne Ouest.

Seul à être réellement efficace contre le taupin, le Mocap a pu bénéficier de dérogations pendant deux ans mais est désormais interdit. Dans le même temps, des produits de biocontrôle sont apparus sur le marché et Bretagne plants a décidé de mener une expérimentation pour évaluer leur efficacité. "En 2019, nous avons testé 14 produits différents en 23 modalités et 126 micro-parcelles, détaille Julie Le Moal, technicienne d’expérimentation. Et nous avons aussi collecté 56 échantillons chez des producteurs".
Une efficacité faible et variable
Dans chaque parcelle, 100 tubercules ont été prélevés et les piqûres et morsures de taupins ont été relevées en épluchant chaque pomme de terre au couteau économe, "ce qui nous a demandé 140 heures…". Et en moyenne, deux morsures ont été relevées par tubercule.
Utilisé comme référence, le Mocap a montré une efficacité évaluée à 85 %, loin devant Karaté, une autre solution chimique, 60 % dans cet essai mais plus souvent entre 10 et 30 %. "A base d’extraits végétaux, Tercol présente une efficacité de 58 %"sur l’année 2020 mais avec des efficacités plus faibles les années précédentes", relève Julie Le Moal.
Les autres méthodes de bio-contrôle, à base de bactéries ou de champignons, s’échelonnent entre 49 et 3 %. "Et contrairement au Mocap, aux résultats homogènes, leur efficacité se révèle très variable d’un essai à l’autre". Deux méthodes d’application, sur la raie de plantation ou sur la tamiseuse, ont été comparées. "On a noté peu de différences. La raie de plantation semble un peu plus efficace cette année".
Des variétés plus sensibles
L’implantation de blé traité Langis en même temps que la pomme de terre a également été testée. "En 2018, les résultats ont été probants, sans qu’on sache exactement s’il était efficace contre le taupin ou si le taupin était attiré par le blé, diminuant ainsi les attaques sur pomme de terre". L’an passé, par contre, l’implantation du blé a posé plus de soucis. "Il s’est tellement développé qu’il a induit une forte baisse de rendement des pommes de terre".
Bretagne plants a aussi profité d’autres essais pour noter la sensibilité variétale au taupin. "Malou, Clairette, Diadème Azilis ou Alaska sont les variétés les moins sensibles", explique Antoine Le Roux, technicien d’expérimentation. A l’opposé, Maïwen, Daifla, Monalisa ou Stemster ont des indices de contamination 4 à 5 fois supérieurs. "Et peut-être faudra-t-il à l’avenir adapter les variétés dans les parcelles à risques".
Ponte dans les céréales
Afin de mieux comprendre le comportement des taupins, Bretagne plants a installé des pièges à phéromones pour les coléoptères Sputator, Obscurus, Linéatus et Sordidus. "Ils avaient le choix entre blé, orge, maïs ou pomme de terre, détaille Olivier Léost, technicien d’expérimentation. Ils ont préféré pondre dans les céréales".
Le cycle du taupin se déroule sur 5 ans. Après la ponte, la larve de première puis de deuxième année, longue de 0,3 puis 0,6 cm, se nourrit de la matière organique du sol. Ce n’est qu’en troisième année, lorsqu’elle mesure 1 cm et surtout en quatrième année, 1,5 à 2 cm, qu’elle devient préjudiciable pour la culture en place, afin de faire face à ses besoins physiologiques, pic de croissance et nymphose. En 5e année, la larve devient coléoptère et un nouveau cycle démarre.
"Sur une année, cinq générations de larves et taupins se côtoient donc dans la même parcelle, explique Olivier Léost. Il faut en tenir compte au moment de réfléchir ses rotations, afin d’éviter les larves en 4e année lorsqu’il y a des pommes de terre". Dans une rotation de cinq ans, les deux années qui suivent la pomme de terre sont donc cruciales. "On peut commencer par un couvert végétal, ce qui permettra d’implanter directement un maïs sans labour", conseille Philippe Dolo, responsable de l’expérimentation. Les taupins n’aimant pas y pondre, les larves seront moins nombreuses quatre ans plus tard. Et éviter le labour permettra de contenir les repousses.
Autre astuce : après orge, il ne faut pas hésiter à remuer immédiatement le sol jusqu’à 10 cm de profondeur, 2 à 3 fois sur une semaine chaude. "Les larves sont sensibles au sec et les œufs vont sécher". Autant de taupins en moins quelques années plus tard.