Langouët : le tribunal administratif a rappelé le droit !
Daniel Cueff, maire de Langouët (35) avait été convoqué la semaine passée devant le tribunal administratif de Rennes suite à son arrêté municipal interdisant les pesticides dans un rayon de 150 m autour des habitations de sa commune. Sans grande surprise le tribunal administratif a rappelé le droit, et décidé mardi 27 août de suspendre l’arrêté "contre les pesticides" du maire de Langouët au motif que "ce dernier ne serait pas compétent pour prendre un tel arrêté et dans l’attente du jugement sur le fond".


L’ambition du maire de Langouët n’était d’ailleurs probablement pas d’obtenir satisfaction devant le tribunal administratif mais il était sans doute d’ouvrir le débat et, de ce côté là, il a réussi !
Dans un long communiqué, le président de la Région Bretagne, Loig Chenais Girard, avait pris les devants et indiqué que "la vraisemblable annulation de cet arrêté accentuera les ressentiments, les colères et les angoisses dans une société de plus en plus fragmentée".
Le président de région propose un contrat
Il poursuit en soulignant que "l’action militante de ce maire, [...] est utile au débat et à l’action politique, elle génère aussi des crispations supplémentaires face à une profession, agriculteur, facile bouc émissaire alors qu’elle est à la base de l’essor de l’humanité, et de sa survie".
"Il convient d’entendre la demande de nos concitoyens, qui méritent attention vis-à-vis de leur santé et de celle de leurs enfants. Mais exiger sans formuler de solution sur ces sujets nous condamne à arrêter la production et finalement à acheter des produits lointains, issus de conditions sociales et environnementales peu maîtrisées". Il souligne la nécessité "d’ajouter dans l’équation les agricultrices et agriculteurs, leurs revenus comme leurs conditions de vie et de travail".
Le président de région rappelle que la réduction des phytos "est un combat complexe que mènent déjà bon nombre d’agriculteurs. S’il faut aller plus loin et supprimer le recours aux molécules chimiques dans les parcelles jouxtant les habitations, cela peut se traiter par le contrat. Un contrat qui lie l’agriculteur avec la collectivité et qui lui assure de fait une indemnisation pour accompagner le coût du changement de modèle ou pour accepter de perdre un revenu issu de sa baisse d’activité. Y compris si la loi venait à imposer cette interdiction ".
Les agriculteurs ne demandent pas díargent
Pour André Sergent, président de la Chambre d’agriculture de Bretagne interrogé dans le cadre de la conférence de presse du space, la position du président de région doit être étudiée. "Nous ne mettrons pas cette question des phytos sous le tapis". Mais il souligne que, si les agriculteurs sont interpellés, "ils ont avant tout besoin de temps et d’innovation pour réduire l’utilisation des produits phytos. Les agriculteurs ne demandent pas de l’argent mais des solutions techniques. Que feront les agriculteurs des parcelles sur lesquelles ils n’auront pas la possibilité d’utiliser les phytos ?"
Pour André Sergent, "la profession a pris conscience de la nécessité de restreindre les produits phytos. Mais il faut aussi bien prendre conscience que supprimer l’intégralité des produits phytos peut nous amener à des extrémités que l’on ne connaît plus aujourd’hui, en terme de volumes de production". Marcel Denieul élargit le débat, "si tout le monde s’émeut aujoud’hui du développement de l’agriculture en Amazonie, c’est aussi parce qu’on laisse la place ici ! "
Cédric Henry, président de la FDSEA 35, rappelle de son côté quelques éléments : "Sur le fond, rien n’est réglé. Le gouvernement, les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement travaillent actuellement sur un projet d’arrêté national dont l’objet sera de réglementer les conditions d’application des produits phytosanitaires à proximité des lieux d’habitation. Il faut donc que nous poursuivions notre travail d’explication pour empêcher que des décisions inadaptées soient prises. Ne pas traiter, c’est un risque de développement de certains parasites, de certaines maladies à grande échelle. C’est aussi une perte de rendement, un mitage des parcelles avec un développement de zones non entretenues, où nicheront les nuisibles comme les sangliers. Je crois aussi que les maires ont oublié l’article L253-7-1 du code rural. Selon le principe dit "d’antériorité", si une distance de 150 m était retenue, les maires ne pourraient plus autoriser de constructions à moins de 150 m des parcelles agricoles existantes et recevant des traitements phytopharmaceutiques..."
À quelques jours du Space, la décision du tribunal administratif ne va pas clore le débat, loin s’en faut.