Après 7 ans au Canada, Julien Thomin s'installe à Plouider
Salarié pendant 10 ans, dont 7 au Canada, Julien Thomin a fait le choix de revenir sur l'exploitation familiale, à Plouider (29) pour y élever du poulet au pâturage. En adéquation avec ses valeurs, cette façon différente de produire lui permet de tisser un lien direct avec le consommateur.

Après un BTS au Nivot et un diplôme d'ingénieur agricole à UniLaSalle Beauvais, Julien Thomin décroche un premier poste à Créavia, aujourd'hui Evolution. Puis il s'envole en couple vers le Québec, où il est directeur des ventes à ST Genetics Canada et dirige une quinzaine de personnes.
Échanger pour faire mûrir leur projet
"Puis nous avons eu envie de retrouver la famille, les amis, indique Lolita Marsault. Il fallait juste trouver le bon projet pour rentrer". Une réflexion qui mettra deux ans à mûrir. "Nous voulions un projet qui ait du sens. Et qui nous permette une vie de famille, avec nos trois jeunes enfants". Et c'est leur vie au Canada qui leur donne la solution. "En Amérique du Nord, l'espérance de vie en santé tend à diminuer : si les gens vivent plus vieux, ils sont moins longtemps en forme". Si la sédentarité y contribue, l'alimentation aussi. "Elle y est ultra-transformée, avec trop de sel, trop de sucre".
Pour aider les consommateurs à retrouver des aliments riches en nutriments et qui aient du goût, le couple décide de revenir sur l'exploitation familiale de Julien, à Plouider, en avril dernier. Aux côtés de ses parents et son oncle, qui produisent du lait et du porc, il lance son propre atelier, un élevage de poulets à l'herbe. "J'ai aménagé un tunnel maraîcher, monté sur des skis pour pouvoir le déplacer facilement". Les vaches laitières font un premier passage sur la parcelle. Puis les poulets profitent à leur tour d'herbe fraîche tous les jours. Et sont complémentés avec un aliment de la ferme, à base de blé et de maïs. Si une bâche les protège de la chaleur en été, des trappes, sur les côtés, leur donnent accès à la lumière du jour. "C'est impressionnant de voir les quantités d'herbe qu'ils mangent".
Nous voulions un projet qui ait du sens.
3 mois d'élevage
Après trois mois, les poulets sont abattus à 2,2-2,6 kg de carcasse par les établissements Croissant, à Landrévarzec (29). Agréé Union européenne, l'abattoir lui donne accès au marché de la restauration collective (écoles, restaurants administratifs...), son principal client aujourd'hui. "Les cuisiniers, habitués aux poulets de 1,2 kg à découper en 4 parts, doivent ressortir leurs couteaux et apprendre à travailler différemment", détaille l'éleveur, qui leur propose toujours une visite à la ferme, pour voir comment il élève ses volailles. "Nous prévoyons d’accueillir les élèves pour les éduquer sur le monde agricole mais aussi leur montrer à quel point nous prenons soin de nos animaux et que leur santé nous tient à cœur". La clientèle des particuliers, qu'il touche grâce au bouche-à-oreille, doit elle aussi s'adapter. "Souvent, les gens prévoient l'un de mes poulets quand ils reçoivent du monde, constate Julien Thomin. Et ils retrouvent avec plaisir le poulet-frites du dimanche". Une consommation en toute convivialité qui colle parfaitement aux objectifs qu'il s'était fixés. "De plus, la viande est de qualité, dense en nutriments. Et elle leur rappelle le poulet qu’élevait et leur servait leur grand-mère". Comme les cuisiniers, les particuliers peuvent, eux aussi, venir visiter la ferme. "C'est ma façon de retisser du lien entre producteur et consommateur, de combler le fossé d'incompréhension qui s'est creusé".
Innover
Les acheteurs étant au rendez-vous, Julien Thomin réfléchit déjà à mettre en route un second tunnel, pour doubler sa capacité de production, aujourd'hui de 400 poulets par lot. "C'est un schéma qui convient bien à l'installation d'un jeune, car nécessitant peu de capitaux". Mais sortir des sentiers battus n'est pas simple, constate l'éleveur, effaré de voir que tout le monde, banques, centres comptables, chambre d'agriculture..., a essayé de le décourager, personne ne croyant réellement à cette méthode d’élevage. "J'y tenais et souhaitais absolument innover et développer un nouveau modèle. Je suis très reconnaissant envers mes parents, qui m'ont toujours soutenu, quel que soit le projet".
Parmi les défis à relever, Julien Thomin tenait aussi à un projet respectueux de l'environnement. "Les poulets fertilisent la prairie. Après leur passage, l'herbe pousse mieux. Et elle ne souffre pas d'un chargement élevé, à condition de changer de place le tunnel tous les jours. Et de prévoir un temps de repos suffisant".
Une installation en famille
En cours d'installation, l'éleveur continue à réfléchir à son projet. "Au départ en retraite des associés, on va sans doute faire évoluer le système et accroître l’autonomie alimentaire". En congé parental, suite à la naissance de leur troisième enfant, Lolita se verrait bien rester, elle aussi, sur la ferme. "Et mon frère, architecte, devrait nous rejoindre", rajoute Julien.