Circulez : il n’y a rien à voir

L'observatoire national de la délinquance prend en compte dorénavant le cas particulier des violences faites aux femmes. Il conclut à la présence de violences conjugales dans l'ensemble des milieux sociaux quel que soit la profession, le niveau d’étude, la religion ou le lieu géographique. Ces violences peuvent être de nature physique, verbale, psychologique, sexuelle et économique. On ne peut que se réjouir des avancées de la loi contre les violences faites aux femmes et du travail de sensibilisation auprès des services de police et de gendarmerie.
En regardant, de façon plus précise les chiffres, on observe que la proportion de femmes agricultrices victimes de violences conjugales serait de l'ordre de moins de 10 % des cas recensés. Ce pourcentage laisse penser que les femmes dans la profession agricole sont relativement épargnées. En réalité, dans le milieu agricole et les territoires ruraux, les violences conjugales sont un sujet tabou. La loi du silence règne. La désertification des territoires ruraux se traduit par l'éloignement des services sociaux de proximité, l’absence des lieux d’écoute ouverts où l'on peut juste se poser pour prendre un café sans être jugé. Le secret médical des médecins est un facteur qui ne facilite pas la prise en charge anonyme, si la victime n’est pas prête à porter plainte. "Comme dirait l’autre c’est le chat qui mord sa queue".
L’obtention d’un statut a permis aux agricultrices de sortir de l’invisibilité, de sortir du bénévolat pour aller à la reconnaissance sociale. Le choix du statut n’est pas qu’une simple formalité liée à la vie de l’entreprise ou encore moins juste une question fiscale préconisée par des experts.es et des associé.es visionnaires. Le choix du statut est lié à l’intime, à la place que nous souhaitons avoir dans l’entreprise. Il s’agit du premier pas vers la reconnaissance et l’affirmation.
Aujourd’hui, la structuration des entreprises agricoles isole très vite les femmes et les hommes. La surcharge de travail est parfois si importante qu’on ne prend pas le temps de "sortir la tête du guidon". Les lieux d’expressions se réduisent, et la solitude s’installe progressivement. Petit à petit, la perte de confiance en soi s’enracine pour ne devenir qu’une réalité quotidienne. Lorsque sur celle-ci se greffent les difficultés financières et le déferlement médiatique sur une profession en questionnement, on oublie sa personne et ses propres violences.
Mesdames, Messieurs, circulez, il n’y a rien à voir ! Non, ce n’est plus possible maintenant.
La parole s’est libérée. Les maux deviennent des mots. Les équilibres s’installent timidement et la confiance s’enracine. Ensemble unissons nos forces pour dire NON aux violences. Agissons !