Le croisement pour un troupeau facile à vivre
À Trégarvan dans le Finistère, dans les parcelles qui bordent l’Aulne, 115 vaches croisées 3 voies pâturent presque toute l’année. Lors de la porte-ouverte co-organisée par ProCross* et la chambre d’agriculture, Didier Le Bris et Cyril Mignon ont témoigné des très bonnes performances en termes de production, de besoin de renouvellement et de santé de leur troupeau conventionnel : "Avec nos vaches croisées, finies les prises de tête".

Aux USA, il y a une vingtaine d’années, confronté à des problèmes chroniques de consanguinité et de reproduction, Les Hansen, chercheur à l’université du Minnesota, a développé le concept de croisement 3 voies pour travailler sur la complémentarité des races et maximiser l’effet hétérosis au fil des générations. Depuis, des résultats américains sont régulièrement publiés tant en fermes commerciales qu’en centres expérimentaux démontrant les atouts des croisées : meilleure production de matières utiles, meilleure efficacité alimentaire, diminution des frais vétérinaires et de reproduction, limitation des besoins de renouvellement… Parallèlement, le croisement de races s’est également développé en France. D’après les chiffres de l’Institut de l’élevage et le programme GenAB, actuellement, au moins 5 % des vaches laitières conventionnelles et 11 % des vaches biologiques sont croisées en France (respectivement 4 % et 15 % en Bretagne). Et même si les troupeaux où 80 % des vêlages proviennent de vaches croisées restent minoritaires (0,2 % des troupeaux conventionnels et 2 % des troupeaux bio), certains éleveurs ont désormais le recul suffisant et peuvent témoigner des avantages qu’ils trouvent à ces croisements successifs.
Je suis serein. Les vaches vont bien.
Cinq lactations à la réforme
C’est le cas à Trégarvan où Didier Le Bris a acheté sa première Montbéliarde en 1995. Les années suivantes, sept autres Montbéliardes entreront également dans le troupeau. C’est ensuite au tour des vaches Holstein d’être progressivement inséminées en Montbéliard.
Pour la seconde génération, en voisin, Stéphane Fitamant, responsable de ProCross, propose d’utiliser de la semence de la race Rouge suédoise. Le croisement 3 voies est lancé. Pratiqué de manière systématique depuis plus de dix ans, cela permet d’avoir désormais un troupeau homogène de vaches principalement rouges et blanches, pas trop grandes et vieillissant bien. "Avant quand j’avais 25 Holstein à plus de 11 000 kg, j’avais la boule au ventre le matin en allant à la stabulation, craignant le souci sanitaire. Maintenant, alors que l’effectif a quadruplé, je suis serein. Les vaches vont bien".
En 2017, Cyril Mignon a rejoint Didier pour créer le Gaec de Goulenez. En anticipant un peu, le cheptel a augmenté progressivement par croit interne. La longévité des vaches est exceptionnelle et le taux de réforme est durablement autour des 20 %, soit en moyenne plus de 5 lactations à la réforme. Les performances du troupeau sont intéressantes : 6 000 litres de lait vendus par vache avec des taux de 42,9 g/l TB et 32,8 g/l TP ; et permettent d’avoir une bonne efficacité économique (1). Les résultats de reproduction sont bons et le besoin de renouvellement faible. "La base de notre renouvellement, ce sont nos vaches confirmées. Les lignées que nous ne souhaitons pas garder sont inséminées en Blanc Bleu Belge. Pour plus de facilité, les génisses sont saillies avec un taureau Herfeord", détaillent Cyril Mignon et Didier Le Bris, satisfaits de leur système et de leur troupeau. "Nous avons des sols portants et le troupeau passe 10 mois sur 12 à l’extérieur, les vaches doivent marcher beaucoup et ne pas être trop lourdes. Les sabots noirs obtenus en croisant semblent limiter fortement la survenue de boiteries". Les frais vétérinaires sont faibles. Globalement avec ce profil génétique et un apport de maïs régulier, les vaches conservent un bon état corporel toute l’année. Les coûts alimentaires sont bien maîtrisés au regard du niveau de production . Dans les prairies de cette boucle de l’Aulne, éleveurs et troupeau respirent la sérénité.
Les avantages du croisement 3 voies
Cette expérience du Gaec de Goulenez illustre parfaitement les avantages du croisement 3 voies. Le niveau de production des animaux est en général plus faible, mais grâce à une bonne fertilité et une forte longévité, le chiffre d’affaires permis par vache ou par jour de vie est le plus souvent supérieur. Les charges sont plus faibles, en particulier le coût de renouvellement, les frais de santé et les charges d’alimentation.
Ces troupeaux faciles à vivre tant en production conventionnelle qu’en agriculture biologique permettent aux éleveurs de vivre plus sereinement leur métier à condition d’avoir mis en œuvre des races aux atouts complémentaires. Il existe de nombreuses possibilités. Aussi si le croisement vous tente, mais que vous ne souhaitez pas faire d’erreurs, vous pouvez rejoindre l’une des formations proposées par la chambre d’agriculture.
* ProCROSS est une méthode d'élevage développée par Coopex Montbéliarde et VikingGenetics.
Des formations "Choisir le croisement de races laitières"
Des formations "Choisir le croisement de races laitières" sont régulièrement proposées par les conseillers herbivores des chambres d’Agriculture de Bretagne. Elles permettent en une journée de découvrir des expériences en centres de recherche et en élevage, de comprendre les mécanismes génétiques en jeu dans le croisement et de définir les races complémentaires à mettre en œuvre en fonction de ses objectifs pour des conduites en agriculture biologique et conventionnelle.
Prochaines dates :
- 21 janvier 2020 à la ferme expérimentale de Trévarez (29) - contact Isabelle Pailler 06 73 66 59 33,
- 23 janvier 2020 à Pontivy (56) - contact Julie Audren 06 30 98 54 45.
Pour les autres départements, si cette thématique vous intéresse, contactez Solenne Dupré (22) au 06 42 58 28 88 ou Stéphane Boulent (35) au 06 22 53 20 19.