Le portage de foncier pour conforter l’installation
En deux ans, c’est le 14e dossier du genre pour porter le foncier agricole en Bretagne, mais le premier en Morbihan. À Ruffiac, au Gaec Rio, les trois associés, la Safer et le Crédit Agricole, partenaires, ont redit tout l’intérêt du portage. Il permet à l’installation, de différer de 5 ou 10 ans, l’achat de foncier et à prix fixe, connu, "sans mauvaise surprise".

Au milieu d’un bloc de 46 ha de vertes prairies accessibles aux 140 laitières, domine la récente stabulation de la famille Rio composée des deux frères, Martial (33 ans) et Sylvain (36 ans), dont l’épouse, Céline, les a rejoints en 2017. Deux robots bleus officient depuis 2018 pour traire 1,2 million de litres de lait élaborés sur les 150 ha, en deux sites distants. L’objet du portage ? "16 ha, d’un seul tenant, à 200 m de la stabulation. Ils se libéraient fin 2018, peu de temps après que Céline se soit installée avec nous. Sans ce portage, ils nous passaient sous le nez et avec eux, la possibilité de conforter le pâturage pour nos vaches", décrivent les associés attachés à cette conduite à l’herbe. "On est en tout pâturage, c’est une volonté. On ne voulait pas de hors sol pour nos bêtes qui sortent, sauf l’hiver, quand elles veulent sur des paddocks qu’on gère au fil". Dans le même laps de temps, le Gaec a libéré 7 ha pour conforter une exploitation et en a échangé quatre autres avec un collègue en bio.
Limiter l'investissement
Avec une stabulation équipée et neuve, "notre capacité d’investissement est accaparée pour une grosse partie par le bâtiment, 900 000 euros y sont investis. C’est ça qui nous a poussés à aller vers le portage. 80 000 euros à débourser pour ces 16 ha terres il y a deux ans, ce n’était pas possible ! En 2025, ça le sera, car nous aurons fini certains investissements", notent les frères Rio qui, en attendant de constituer la trésorerie nécessaire, paient à la Safer l’équivalent d’un fermage. Une "redevance" de 130 euros/ha pour ces surfaces en portage. "À terme, dans 5 ou maximum 10 ans, ces loyers viendront en déduction du prix d’achat qui est connu dès le départ et ne varie pas. C’est une sécurité pour nous", apprécient les membres de la famille Rio qui ont dû acquérir près du tiers des surfaces que le Gaec fait valoir.
Différer l’acquisition
"Si on peut différer cet investissement de 5 à 10 ans, par le biais du portage et conforter ainsi une installation, c’est important", résume de la démarche, Hervé Le Floch, président de Crédit Agricole en Bretagne, agriculteur à Gourin et promoteur de cette convention de partenariat (lire encadré). Elle a été signée pour trois ans avec la Safer de Bretagne, première région de France en termes d’installations par son biais. Un portage de foncier que la région Bretagne ou l’association Terre de liens, encouragent elles aussi en fléchant leur accompagnement vers le circuit court ou la bio. 500 000 euros d’investissement, hors foncier, sont consentis en moyenne par les jeunes éleveurs s’installant en Bretagne avec l’acquisition du bâtiment, du cheptel, du matériel... "Ce portage, c’est un outil de plus dans la palette de solutions pour l’installation, quel qu’en soit le type et le mode de production. Cela conforte une installation viable sans tout focaliser sur le foncier, c’est un bon coup de main", renchérit Jean-Paul Touzard, président de la Safer, agriculteur à Taupont.
Or, l’enjeu est de taille en Bretagne, terre d'élevage, qui installe, bon an mal an, 400 à 500 agriculteurs alors que la transmission de la moitié des outils, de plus en plus grands, se profile dans les cinq années à venir... Autant dire demain.
Portage à trois
Pour qui : pour tout-e jeune installé-e de moins de 40 ans, dans les quatre ans qui suivent l’installation.
Comment : La Safer fait l’acquisition des terres grâce à une ouverture de crédit de 10 millions d’euros consentie sur trois ans en Bretagne par le Crédit agricole. La Safer en fait le portage pendant 5 à 10 ans et reçoit en contrepartie l’équivalent d’un fermage déduit du montant de la l’acquisition définitive, à son terme.
En deux ans : 14 opérations : 8 en Finistère, 4 dans les Côtes d’Armor, 1 en Ille-et-Vilaine et 1 en Morbihan. Dont 8 en bovin-lait, 3 en volaille, 1 ovin viande et porc bio, 1 caprin lait, 1 porc conventionnel. Ces 220 ha ont été financés par le Crédit Agricole pour un budget de 1 240 000 euros. Encore bien loin des 10 millions de la convention.